La lumière fut... 19/12/2013 à 15h46 Madeleine de Jessey, bourgeoise « pour tous » qui veut noyauter l’UMP (24/04/2014)

Un ami militant lui trouve une ressemblance avec Nathalie Kosciusko-Morizet, le « côté “roots” des Veilleurs [de la Manif pour tous] en plus » : « Elle est frêle, menue, mais déterminée... Elle aurait pu rester au chaud dans un think tank de normaliens, elle est venue participer aux veillées, textes à la main. » 

Étudiante à Normale sup en lettres classiques, Madeleine de Jessey, 24 ans, incarne la jeune bourgeoise parisienne catho, belle gosse et bien élevée. Elle aime Anouilh et Giraudoux, écrit du théâtre entre ses heures de cours et a imaginé une comédie musicale – « Don et mystère » – pour les Journées mondiales de la jeunesse de Rio. 

Copé : « Ne venez pas cracher sur l’UMP » 

Après avoir été l’un des visages médiatiques des Veilleurs, elle s’aventure en politique. Avec quatre autres militants, plus âgés, plus établis, elle lance Sens commun, une association qui veut injecter l’esprit de la Manif pour tous au sein de la droite parlementaire. Fatigués de voir le mouvement s’étioler, les comparses ont décidé de rompre avec l’« apolitisme » affiché des manifestations pour rejoindre l’UMP qui, de son côté, lorgne avec gourmandise sur la « génération LMPT ». 

Madeleine de Jessey : « Jean-François Copé nous a dit : “Je vous ouvre les portes, mais ne venez pas cracher sur l’UMP.” » Pour récupérer les jeunes qui ont défilé contre la loi Taubira, le patron de l’UMP doit faire oublier que son parti n’a pas été à la pointe des manifestations. Ces ralliements pourraient être une bonne affaire. 

« Le grand bain des requins » 

En vue des municipales, puis de la primaire, Sens commun espère peser au sein d’un parti qu’il juge trop mou sur les valeurs familiales. Dans une tribune publiée sur Boulevard Voltaire, le 13 décembre, Madeleine de Jessey explique : « Il ne tient qu’à nous de démontrer [aux cadres de l’UMP] que l’étiquette la plus vendable, c’est la nôtre. Si l’UMP est opportuniste, soyons sa meilleure opportunité ! Il ne s’agit pas de se laisser récupérer mais de récupérer ce qui devrait nous appartenir en premier lieu. » 

La justification est poussive. Il faut dire que l’initiative des comparses, dont certains ont déjà milité à l’UMP, suscite quelques réticences : 

- au sein de l’UMP, certains voient d’un mauvais œil ces trublions qui veulent « agir de l’intérieur », même si d’autres sont heureux de trouver de nouveaux appuis (Laurent Wauquiez, par exemple) ; 

- les militants de la Manif pour tous et les Veilleurs sont plutôt méfiants vis-à-vis des « grandes machines électorales » et « du grand bain des requins ». Beaucoup ont été déçus par les atermoiements de l’UMP, qui a mis ses critiques en sourdine une fois la loi Taubira votée. 

Gaultier Bès a côtoyé Madeleine de Jessey au sein du mouvement des Veilleurs. Il est plutôt réservé sur l’adhésion de cette dernière à l’UMP : « J’observe cela avec un intérêt prudent, en espérant que cette énergie ne sera pas recyclée par la machine partisane. Les Veilleurs sont radicalement en dehors des partis. Maintenant, si elle peut être un aiguillon au sein de l’UMP pour soutenir les élus cohérents et mettre les autres devant leurs contradictions, tant mieux. » 

« On se bat pour un pays dépressif » 

Pour l’instant, ils ne sont qu’une poignée à s’impliquer dans ce qui ressemble furieusement à un coup de com’, mais Arnaud Bouthéon, l’un des fondateurs, assure que des « centaines de personnes » ont manifesté leur intérêt. L’adhésion à Sens commun entraîne automatiquement l’adhésion à l’UMP. Au sein de l’association, Madeleine de Jessey apportera la sensibilité Veilleurs, qu’ils soient debout, assis ou en marche. Porte-parole, elle s’occupera également de superviser l’écriture du « programme ». Arnaud Bouthéon : « On ne veut pas se cantonner aux sujets familiaux. A ceux qui nous traitent de bourgeois récupérés, on répond qu’on ne se bat pas pour nos gueules mais pour un pays dépressif. » (sic !)

« La figure de Bethsabée » 

Originaire de la région parisienne, fille d’une prof d’histoire et d’un cadre du secteur bancaire, quatre frères et sœurs, Madeleine de Jessey a fait une prépa littéraire à Louis-le-Grand avant d’intégrer Normale sup. Elle passera cette année l’agrégation pour devenir enseignante. Sans surprise, elle se passionne pour les liens entre la Bible et la littérature. Le sujet de sa future thèse ? « La figure de Bethsabée [la mère de Salomon, ndlr] dans la littérature et les arts. » 

L’un de ses camarades assure qu’elle a cité Proudhon et Gramsci lors des veillées. Ça ne l’empêche pas de s’afficher en robe deauvillaise sur sa page Facebook. Habituée à la caricature de la catho guindée, elle se souvient de professeurs taquins insistant sur le « Bazin de Jessey » (son nom complet) ou lançant à dessein des blagues salaces pour choquer la pudibonde. 

Elle s’agace, un brin renfrognée : « Pendant que mes amis allaient en boîte, je m’enfermais dans ma chambre pour bosser. Pour découvrir la “vraie vie”, j’ai fait six mois d’humanitaire à Jérusalem, avec les Filles de la Charité. » (re-sic !)

« Le bling-bling de Sarkozy m’a paru indécent » 

Ce n’est pas sa première adhésion à l’UMP. A 16 ans, elle adhère au parti avant de rendre sa carte deux ans plus tard. C’était juste après le début de la présidence Sarkozy : « Son élection avait suscité pas mal d’espérances, mais le côté bling-bling et brouillon m’a paru indécent. » Parmi les animateurs de Sens commun, un autre n’est pas vierge de tout engagement partisan : Faraj Benoît Camurat, ancien délégué national du Mouvement des jeunes populaires. 

La jeune femme a très tôt rejoint les Veilleurs, un peu inquiète tout de même par les gardes à vue (« Je passe un concours cette année »). Devant les petites loupiotes et les doigts qui frémissent, elle lit des auteurs classiques et commence à répondre aux journalistes. Elle y prend goût et passe d’Aristote à Jean-François Copé... 

Amis mélenchonistes 

Ses amis à Normale sup sont « mélenchonistes », mais elle continue de manger avec eux. Un Veilleur qui l’a rejointe un midi à l’ENS s’étonne : « Je m’attendais à la voir entourée de jupes plissées et de pantalons beiges et je l’ai trouvé causant avec une fille de la Ligue antifasciste. » En revanche, les choses ont été plus compliquées avec ses « amis homosexuels » : « Ils ont été très blessés par ma démarche, ne l’ont pas comprise. » 

« Comme un championnat de foot » 

Elle aimerait bien figurer sur une liste aux municipales mais, déjà rompue à la langue prudente, refuse d’afficher sa préférence en vue de la primaire à l’UMP pour la présidentielle. La consigne a dû être transmise. Arnaud Bouthéon, lui aussi, évite de donner un nom et se dépatouille avec une métaphore sportive : « C’est comme un championnat de foot. Lorsque l’équipe de France joue, le maillot tricolore recouvre les maillots des clubs. » 

Source

http://www.oragesdacier.info/2014/04/la-lumiere-fut-19122...

18:56 Écrit par pat | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer |  Facebook | | | | |