Un jour, un texte ! La Patrie selon le RP Henri-Dominique Lacordaire (2/5) (22/12/2014)

Un jour, un texte ! La Patrie selon le RP Henri-Dominique Lacordaire (2/5)

R.P. HENRI-DOMINIQUE LACORDAIRE

DISCOURS SUR LA VOCATION DE LA NATION FRANÇAISE

PRONONCÉ À NOTRE-DAME DE PARIS, LE 14 FÉVRIER 1841,

POUR L'INAUGURATION DE L'ORDRE DES FRÈRES PRÊCHEURS EN FRANCE.

Le second bienfait dispensé par le Fils de Dieu à Son héritage, lorsqu'Il est venu le visiter, a été une modification dans la nature même du pouvoir, ou plutôt le rappel de ce pouvoir à sa primitive constitution. Un jour, les Apôtres étant assemblés autour du Sauveur, Notre-Seigneur leur adressa ces belles et aimables paroles :

Vous savez que les princes des nations dominent sur elles, et que les plus grands sont ceux qui exercent la puissance à leur égard ; il n'en sera pas ainsi parmi vous. Que celui d'entre vous qui veut être grand soit votre ministre, et que celui qui veut être le premier soit votre serviteur, à la ressemblance du Fils de l'homme, qui n'est pas venu pour être servi, mais pour servir (Matt., XX, 25 et sv.).

A dater de ce moment, le pouvoir a perdu le caractère de domination pour s'élever à l'état de service public et le dépositaire de la plus haute royauté qui soit dans le monde, la royauté spirituelle, s'est appelé volontairement le serviteur des serviteurs de Dieu.

Jésus-Christ avait réglé et adouci la souveraineté. Il voulut régler et adoucir les rapports des citoyens entre eux, et des nations avec les nations. Il déclara que les hommes étaient des frères, et les nations des sœurs, qu'il n'y avait plus de Gentil ni de Juif, de circoncis ni d'incirconcis, de Barbare ri de Scythe, d'esclave ni d'homme libre (Col., III, 11).

Voilà la charte, Messieurs, la grande charte, la charte éternelle, que le Fils de Dieu a donnée aux nations en prenant possession de Son héritage. On n'ira jamais plus loin. On essaiera de nier ces principes ; on essaiera aussi de les fausser par des conséquences qu'ils ne contiennent pas : l'esprit de domination et l'esprit de licence les combattront à l'envi : celui-ci comme insuffisants, celui-là comme destructeurs de la majesté ; mais cette double inimitié sera leur force et leur justification. Chez tout peuple qui ne retournera point à la barbarie, la souveraineté demeurera un service public borné à l'ordre temporel, les rapports d'homme à homme et de nation à nation un rapport de fraternité.

A côté du bénéfice se placent ordinairement les charges. Jésus-Christ avait servi les nations, Il avait droit de leur demander service à son tour. Ce service, c'était d'accepter la loi de Dieu proposée à leur libre arbitre, de l'aimer, de la conserver, de la défendre, de la propager, d'en faire le fond de leurs mœurs et de leurs institutions, d'user même de leurs armes, non pour l'imposer, mais pour la préserver et la tirer de l'oppression, en assurant à tous les hommes le droit de la connaître et de s'y conformer librement. La vocation d'un peuple n'était plus d'étendre ses frontières au préjudice de ses voisins ; ç'avait été la gloire des peuples païens, du peuple romain, le plus grand de tous : mais qu'était-ce que cette gloire ? Des larmes et du sang. Cela était bon pour des races que le christianisme n'avait point encore touchées de son doigt. La vocation des races chrétiennes, c'était de répandre la vérité, d'éclairer les nations moins avancées vers Dieu, de leur porter, au prix du travail et au hasard de la mort, les biens éternels, la foi, la justice, la civilisation.

A cette pensée, mes entrailles d'homme s'émeuvent ; je reconnais un but digne du ciel et de la terre, de l'intervention de Dieu et de l'activité du genre humain, et je m'assure, Messieurs, que personne parmi vous ne me contredit, fût-il même incroyant. Car, si le christianisme a cessé d'être votre maître et votre instituteur, il respire encore dans vos sentiments, il élève encore votre intelligence ; si vous n'êtes plus chrétiens par la face qui regarde Dieu, vous l'êtes plus que jamais par la face qui regarde l'homme.

Chose triste à dire ! Les nations n'acceptèrent pas plus les charges que les bénéfices du contrat qui leur avait été proposé. En même temps qu'elles exagéraient la souveraineté jusqu'à lui abandonner les choses divines, et qu'elles détruisaient la fraternité par la servitude, elles accablaient aussi la vérité sous la fable, élevant dans l'histoire ces fameuses sociétés idolâtriques où la guerre, l'oppression et l'erreur se disputaient à qui déshonorerait davantage l'humanité.

Dieu, voyant les peuples s'éloigner de Lui, en choisit un, Il le forma Lui-même, annonçant au premier de ses ancêtres, le grand Abraham, que toutes les nations seraient bénies en lui, afin que sa postérité ne se crût pas seule aimée et seule appelée. Mais ce peuple que Dieu avait pétri, qu'Il avait tiré de l'esclavage, auquel Il avait donné des lois, préparé un territoire, dont Il avait dessiné le temple et consacré les prêtres, ce peuple fut infidèle à sa vocation ; après avoir de siècle en siècle lapidé les prophètes du Seigneur, quand le Seigneur vint Lui-même, quand la Vérité vivante apparut sur la terre, il se leva comme Caïn, et mit entre Dieu et Lui l'abîme du sang, abdiquant par ce crime l'honneur suprême d'avoir été la première des nations vouée, en tant que nation, à la défense, à la conservation et à la propagation de la vérité.

Cependant le christianisme se répand dans le monde, il envahit l'empire romain ; trois siècles de persécutions ne font qu'accroître sa force ; il porte Constantin sur le trône, et Constantin l'associe à la majesté souveraine qu'il a reçue de lui. Toutefois, près de deux cents ans après Constantin, il n'y avait pas encore au monde de nation chrétienne. L'empire était formé de vingt races diverses rapprochées par un lien administratif, mais séparées par leurs souvenirs et leurs mœurs, et au sein desquelles l'arianisme, hérésie féconde et vivace, avait jeté un nouveau germe de division. Les peuplades barbares, qui serraient de près l'empire romain avec une convoitise toujours croissante, étaient adonnées à l'idolâtrie ou subjuguées par l'arianisme, qui avait trouvé le secret de pénétrer jusqu'à elles. Alors, écoutez ce que Dieu fit.

Lois Spalwer http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

15:18 Écrit par pat | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer |  Facebook | | | | |