« On ne prête qu’aux riches » : pris à la lettre, cet adage signifierait que Jean-Luc Mélenchon est le candidat des riches, Marine Le Pen la candidate des pauvres. Lundi matin, sur BFM TV, le président du Parti de gauche a annoncé avoir obtenu un prêt de huit millions d’euros pour financer sa campagne. D’une banque « coopérative », certes, en cohérence avec ses idées, mais d’une banque française. Dans le même temps, le Front national se plaint de ne pouvoir emprunter les six millions d’euros qui lui manquent. Comment expliquer cette discrimination ?

On peut comprendre que les banques françaises ne veuillent pas prendre trop de risques et se montrent prudentes après des scandales comme l’affaire Bygmalion et bien d’autres, dans le passé. Mais, en l’occurrence, le parti de Marine Le Pen est solvable, quoi qu’en disent certains médias selon lesquels il ne serait pas à l’abri de déconvenues judiciaires.

De plus, il est assuré de dépasser la barre autorisant les remboursements de l’État, ce qui a conduit le conseiller stratégique de François Fillon à déclarer, ce mardi, que le refus des banques est « incompréhensible ». Jean-Luc Mélenchon, qui ne veut pas passer pour le candidat de la finance – ce serait un comble ! – trouve « injuste » que les banques françaises ne prêtent pas d’argent au Front national pour sa campagne présidentielle.

« Ayez pitié du FN ! », leur lance-t-il, non sans ironie.

Il faut donc chercher ailleurs que dans la prudence les motifs de cet ostracisme. En fait, ce que les banques cherchent à éviter, c’est moins un risque financier qu’un risque d’image. Faire partie du lot des banques qui refusent tout prêt au Front national leur paraît plus confortable qu’être la banque qui lui a accordé un emprunt. Pas très sympathique pour les 25 % d’électeurs de ce parti, ni très courageux.

Une telle attitude ne plaide pas en faveur de l’indépendance des banques : seraient-elles soumises à la pression des actionnaires, qui ne verraient pas d’un bon œil le programme économique de Marine Le Pen ? Mais, dans ce cas, elles devraient juger celui de Jean-Luc Mélenchon au moins aussi critiquable.

Florian Philippot a eu beau jeu de souligner, tout en saluant sa « réaction de bon sens », qu’« on voit que les banques préfèrent Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen, ce qui est toujours un bon révélateur du caractère anti-système de notre candidate ». Le Front national estime que l’État devrait imposer, légalement, aux banques d’attribuer des prêts aux partis politiques, rejoint sur ce point par François Bayrou, qu’on ne peut soupçonner de complaisance.

Mais le plus scandaleux, c’est que tout se passe comme si les banques s’érigeaient en censeurs. En revanche, elles acceptent, sans réserve aucune, l’argent de tous les Français, y compris des électeurs du Front national – avec, d’ailleurs, des frais bancaires de plus en plus importants et injustifiés.

Jean-Luc Mélenchon et François Fillon ont réagi avec sincérité peut-être, certainement avec une habileté calculée. Ils ont compris que cette affaire profite finalement au Front national, qui peut se poser objectivement en victime du système. Et qu’il ne fallait pas froisser un électorat qui – sait-on jamais ? – pourrait leur être utile…

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