Partie II : L’éclat du Lys, une puissance insoumise éternelle (13/12/2017)

La genèse du royaume de France est longue et ancienne. Ce dernier succède au royaume franc, né lors du baptême de Clovis en 498. La période franque s’arrêtera en 987 lorsque les Capétiens arriveront au pouvoir. La légitimité du grand pouvoir des rois de France est bel et bien issue de cette genèse qui a façonné le royaume et sa position par rapport aux grandes puissances. Grâce à ce passé, le roi de France peut réaffirmer son entière indépendance vis-à-vis des pouvoirs extérieurs. Ainsi dans un premier temps il convient de remarquer à quel point la religion chrétienne a permis l’édification sans précédent d’un royaume sur les bases de la foi. Puis dans un temps second il convient de voir comment le roi souhaite justifier la liberté du royaume de France face aux autres puissances.

Le roi de France Philippe le bel cherche à contester les prétentions du Saint empire romain germanique en prônant que le royaume de France au regard de Dieu, a davantage de légitimité que l’Empire. En effet il écrit « le Très Haut Jésus Christ, trouvant que ce royaume [de France] était, de préférence à tous les autres pays du monde, le fondement stable de la foi et de la sainte religion, considérant le grand dévouement de ce royaume à Lui-même (…) ». Le roi de France, par ces mots, cherche à exprimer au nouvel empereur Henri V, que contrairement au Saint empire, bien qu’ayant une caractéristique propre à son existence, à savoir le caractère chrétien de l’empire, le royaume de France lui a directement été choisi par le Christ pour diffuser à travers le monde la sainte religion. La France joue un rôle très important dans l’avènement de l’Eglise en Europe. Le baptême de Clovis sera le premier d’une longue série. Le baptême des Rois puis leurs sacres à Reims deviendront en effet une tradition dans le royaume de France. Cette tradition est pleine de symbolisme biblique puisque les différentes étapes du sacre sont directement inspirées du livre de Samuel de l’Ancien testament. Le roi est présenté comme l’envoyé de Dieu à l’image de David qui remporte la victoire contre le géant Goliath. Une pratique qui serait propre à la France dans toute la chrétienté. Le culte chrétien français est tellement ancré dans la royauté qu’il sera impossible de dissocier le roi de l’image divine qu’il véhicule. Il est en quelque sorte le lieutenant du Christ sur Terre. La terre de ce lieutenant de Dieu c’est le royaume de France. Le sacre du roi est très ambigu car le souverain devient « rex et sacerdose ». Autrement dit, « roi et prêtre ». En effet, le roi étant l’envoyé du christ, celui-ci possède quelques pouvoirs propres à sa fonction de roi prêtre. Tout d’abord, la fonction thaumaturgique du roi, il touchera les malades pour les guérir. Il prononce alors « le roi te touche et Dieu te guérit ». Cela montre bien que le roi est le réel intermédiaire entre l’éternel et le temporel. Ce « pouvoir » donne au roi une popularité considérable à travers toute l’Europe. Le roi sacré sera même par principe considéré comme inviolable puisque représentant de Dieu. Cela reflète la réalité d’une théocratie royale où le roi devient un véritable pape temporel. En effet, le roi intervient dans l’investiture des évêques, des archevêques parfois et même des abbés pourtant très indépendants.

La France devient un modèle inédit jusque-là, l’Etat-Nation et sa primauté dans la chrétienté en fait la première puissance d’Europe pendant longtemps. Cette « fille aînée de l’Eglise » est alors inviolable, intouchable et cet argumentaire sera repris dans toute l’Histoire du royaume français. La France est le seul royaume qui, à ce titre presque sacré, ne sera pas envahi ou dirigé par un autre royaume. La stabilité du socle culturel de la France lui permettra donc de s’assurer cette primauté en Europe. Il est intéressant de remarquer que Philippe le bel rappelle que cette légitimité christique provient des événements passés. En réalité le roi cherche à montrer que cette légitimité christique n’est pas une chimère développée pour lutter contre l’empereur mais qu’elle provient d’un héritage historique qui a façonné le royaume de France tel qu’il est exposé. Il a souhaité affirmer la supériorité du royaume de France à l’empereur par la grâce de Dieu, adressée aux rois qui l’ont précédé. Car selon lui, le royaume de France a été directement choisi par Dieu. Ce choix a été expressément confirmé par le baptême de Clovis qui a permis la naissance du royaume franc. Clovis est l’époux de la princesse Clothilde qui est, elle, chrétienne, ce qui le préparera à sa conversion. L’épisode de Soissons sera l’événement déclencheur qui le poussera à se faire baptiser. En effet, en combattant les Alamans en 496, Clovis est dépassé par l’ennemi et il invoquera alors le nom du Dieu Chrétien. Une flèche viendra tuer le chef des Alamans et les Francs seront victorieux. Clovis s’inclinera alors devant ce Dieu qui l’a aidé à vaincre ses ennemis. Il sera donc reçu par l’évêque de Reims, le 25 décembre, qui le baptisera avec toute sa noblesse et 3000 de ses guerriers. Ce récit montre que Dieu a choisi le roi des francs pour être son représentant sur terre en jugeant qu’il était digne de s’enquérir de cette tâche. Ce regard que l’on porte au roi s’est perpétué. En effet le Pape loue le roi de France, c’est l’exemple du pape Grégoire IX qui louait Louis IX le futur saint Louis.  Le royaume Franc puis de France sera dès lors « la fille aîné de l’Eglise », ce qui rend bien compte de la place que le Christianisme occupe au sein du royaume.  C’est grâce à cela que le royaume de France aura une place privilégiée.

Le roi de France reste néanmoins réaliste. Il sait que l’empereur ne sera pas en accord avec ses positions sur la qualité du royaume de France. Le roi cherche sans cesse à avertir l’empereur des conséquences du nihilisme que celui-ci pourrait exprimer en dépit de l’évidence de la légitimité christique du royaume de France. Philippe le bel a toujours mis en garde l’empereur durant la correspondance qu’il entretenait avec lui, si jamais celui-ci avait des appétits tournés vers le royaume de France. Il souhaite réaffirmer le principe de liberté qu’incarne le royaume des francs en rappelant les traditions guerrières de ce peuple qui a perpétuellement œuvré à conserver son indépendance et sa liberté. En effet, d’un point de vue étymologique le mot « franc » peut être rapproché du mot libre. En effet les francs sont des hommes libres qui sont les conquérants de la « francié ». Ainsi il semble que la liberté de ce peuple soit due à la conquête militaire. Finalement ce combat pour la liberté que l’on retrouve dans le royaume franc est un héritage du peuple franc. Ce même peuple a su en 451 repousser Attila le huns afin de préserver la liberté, avec à sa tête Mérovée et Aetius. Encore une fois il y a une référence aux guerres passées qui ont vu la remise en cause du pouvoir du roi en son royaume. En effet le royaume de France s’est longtemps illustré comme une puissance qui protège sa liberté et son territoire. Le territoire du royaume de France ne se modifie que très peu durant toute l’histoire, cela traduit la volonté de le conserver dans son intégralité. Le royaume livra de nombreuses guerres aux puissances cherchant à ébranler son autorité. Ce fut le cas en 1214 lors de la bataille de Bouvines qui eut comme conséquence d’affirmer le pouvoir royal. En effet le roi de France a montré pour la première fois qu’il ne sera pas soumis à l’autorité du Saint empire germanique. Cette bataille est bien plus qu’une simple victoire militaire puisque le roi montre que la France est un royaume libre et capable de se défendre, si cette liberté se voyait menacée. Le résultat de cette bataille a été notamment la chute de l’empereur Otton IV qui perd les insignes impériaux. Il est donc dépossédé de son titre à cause du royaume de France. Ceci montre bien que celui qui souhaite causer un tort au royaume de France a beaucoup à perdre. Le royaume de France a su par le passé montrer la faiblesse de cet empire, qui n’a pas su préserver sa tête couronnée en dépit de la défaite subie. Le roi de France tire donc du passé la puissance guerrière de la France. Cependant, suite à cela, le Saint empire et la France seront en perpétuelle concurrence et se retrouveront bien souvent ennemis lors de conflits. Philippe le bel menace en quelque sorte l’empereur, mais cette menace se dissipera. La concurrence entre la France et le Saint empire se perpétuera jusqu'à la révolution française lorsque les troupes autrichiennes seront aux portes de Paris. Ce sera finalement la France de l’empereur Napoléon Ier qui causera la chute du Saint empire en 1806, sous le règne de François II de Habsbourg. La France a enfin réussi à vaincre son ancien rival définitivement.

Michel du Hamel de Gélis

(Photo du prince Louis de Bourbon en  2014 pour les commémorations des 800 ans de Bouvines)

http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2592-part...

14:09 Écrit par pat | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer |  Facebook | | | | |