Néo-totalitarisme: Huxley fait le point en 1957 (08/02/2018)

Les carnets de Nicolas Bonnal

Nota : ce texte est long et dûment référencé. Il apparaîtra pessimiste à certains.

On est en 1957. Sputnik fait rêver les plus conditionnés, mais Aldous Huxley rappelle :

« En 1931, alors que j'écrivais Le Meilleur des Mondes, j'étais convaincu que le temps ne pressait pas encore. La société intégralement organisée, le système scientifique des castes, l'abolition du libre arbitre par conditionnement méthodique, la servitude rendue tolérable par des doses régulières de bonheur chimiquement provoqué, les dogmes orthodoxes enfoncés dans les cervelles pendant le -sommeil au moyen des cours de nuit, tout cela approchait; se réaliserait bien sûr, mais ni de mon vivant, ni même du vivant de mes petits-enfants. »

Il fait un constat après la guerre, comme Bertrand de Jouvenel :

« Vingt-sept ans plus tard, dans ce troisième quart du vingtième siècle après J-C. et bien longtemps avant la fin du premier siècle après F., je suis beaucoup moins optimiste que je l'étais en écrivant Le Meilleur des Mondes. Les prophéties faites en 1931 se réalisent bien plus tôt que je le pensais. L'intervalle béni entre trop de désordre et trop d'ordre n'a pas commencé et rien n'indique qu'il le fera jamais. En Occident, il est vrai, hommes et femmes jouissent encore dans une appréciable mesure de la liberté individuelle, mais même dans les pays qui ont une longue tradition de gouvernement démocratique cette liberté, voire le désir de la posséder, paraissent en déclin. Dans le reste du monde, elle a déjà disparu, ou elle est sur le point de le faire. Le cauchemar de l'organisation intégrale que j'avais situé dans le septième siècle après F. a surgi de lointains dont l'éloignement rassurait et nous guette maintenant au premier tournant. »

Le communisme a facilement chuté partout finalement mais il a été remplacé parce que Debord nomme le spectaculaire intégré. Tocqueville déjà disait « qu’en démocratie on laisse le corps pour s’attaquer à l’âme. »

Le futur c’est la carotte plutôt que le bâton (cf. mes textes sur Tocqueville, Nietzsche ou le film Network) :

« A la lumière de ce que nous avons récemment appris sur le comportement animal en général et sur le comportement humain en particulier, il est devenu évident que le contrôle par répression des attitudes non conformes est moins efficace, au bout du compte, que le contrôle par renforcement des attitudes satisfaisantes au moyen de récompenses et que, dans l'ensemble, la terreur en tant que procédé de gouvernement rend moins bien que la manipulation non violente du milieu, des pensées et des sentiments de l'individu. »

La manipulation est donc à l’ordre du jour :

« Pendant ce temps, des forces impersonnelles sur lesquelles nous n'avons presque aucun contrôle semblent nous pousser tous dans la direction du cauchemar de mon anticipation et cette impulsion déshumanisée est sciemment accélérée par les représentants d'organisations commerciales et politiques qui ont mis au point nombre de nouvelles techniques pour manipuler, dans l'intérêt de quelque minorité, les pensées et les sentiments des masses. »

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23:04 Écrit par pat | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer |  Facebook | | | | |