De grâce, cessons d’appeler nos djihadistes des « combattants français » !, par Gabrielle Cluzel (21/03/2018)

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Appelons-les djihadistes, terroristes, islamistes… ce ne sont pas les mots qui manquent.

Chaque métier a ses responsabilités. Le médecin a la responsabilité de la santé de son malade, et du traitement qu’il choisit pour le guérir. Le professeur a la responsabilité de sa matière, et des outils pédagogiques qu’il choisit pour la transmettre. Le journaliste a la responsabilité de l’information, et des mots qu’il choisit pour la diffuser.

Cette responsabilité est moins grande si elle est partagée, mais immense, bien sûr, si le médecin, le professeur ou le journaliste – pour un cas donné – est seul à l’assumer.

Disons-le, l’AFP est en situation de quasi-monopole. Ses dépêches sont dupliquées – en l’état ou vaguement bricolées, maquillées, retouchées – par un nombre incalculable de rédactions. C’est l’Évangile selon sainte Aèfpé, dogme de foi et parole de vérité.

Alors quand, pour évoquer le procès de deux djiahdistes français jugés aux assises, l’AFP titre « deux combattants français, rentrés en 2014 de Syrie, jugés aux assises » et que cette information est relayée avec les même mots (« combattants français ») par le site du Point et de France Info, on peut légitimement se poser la question : l’AFP assume-t-elle ses – immenses – responsabilités ?

Il y a mille façons de « fakenewser » : par action, par omission, par dissolution, par focalisation mais aussi, donc, par confusion. Confusion mentale jusque dans le champ lexical.

Et lorsque le temps aura passé, l’AFP appellera-t-elle ces deux hommes « anciens combattants français » (avec, tant qu’on y est – logiquement, c’est lié ! -, titre de reconnaissance de la nation et petite pension à la clé) ? Si, d’aventure, ils étaient morts au combat, leurs épouses auraient-elles été qualifiées de veuves de guerre par l’AFP ? Celles-ci n’auraient-elles, du reste, pas été fondées à réclamer que l’on grave le nom de feu leur conjoint sur les monuments… des combattants français ?

Et nul n’est choqué de constater, lorsque l’on tape « combattants français » sur un moteur de recherche, amalgame 2.0 infamant généré par ce choix de vocabulaire pour le moins douteux, que sortent aussitôt, sur la même page, intimement mêlés, ces deux hommes-là et les deux soldats tombés récemment au Mali ?

Appelons-les djihadistes, terroristes, islamistes… ce ne sont pas les mots qui manquent. Mais, de grâce, pas « combattants français ». Prétendre – avec légèreté, inconscience, perte de sens – le contraire, c’est déshonorer ceux que l’on voit tirer de leurs vieilles mains noueuses, mais avec toujours autant de fierté, leur carte bleu blanc rouge un peu cornée, du fond de leur portefeuille usé. Leur carte de combattant français.

Gabrielle Cluzel

Tribune reprise de Boulevard Voltaire

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