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  • Loi Taubira : ce qu’un législateur a fait, un autre peut le défaire

    A l’approche de La Manif Pour Tous, Jean-Frédéric Poisson, Charles Beigbeder et Robert Ménard lancent un appel à la mobilisation :

    6a00d83451619c69e201bb09424f57970d-250wi.jpg"Plus de trois années nous séparent du vote de la loi Taubira instaurant le mariage entre personnes de même sexe. À l’échelle d’un quinquennat, cela peut paraître beaucoup mais à l’échelle de l’histoire, ce n’est rien. Ce qu’un législateur a fait, un autre peut le défaire. Nous sommes convaincus qu’une telle loi, qui va à l’encontre du bon sens le plus élémentaire et dont certains croient à tort qu'elle va "dans le sens de l'histoire", ne résistera pas à l’épreuve du temps long. Car un enfant aura toujours besoin de voir sa filiation inscrite dans des lignées paternelle et maternelle. C’est une question de civilisation, les rôles de père et de mère ne sont jamais interchangeables !

    Aujourd’hui, un narcissisme triomphant met l’enfant au service du projet des adultes sans considération pour son épanouissement psycho-affectif. C’est cette mentalité que nous combattons. Nous nous inscrivons d’emblée dans la perspective du temps long car nous savons qu’il nous donnera raison. D’abord dans le cadre de la bataille culturelle que nous entreprenons ; ensuite dans les urnes.

    Nous savons pertinemment que les Français sont accaparés par d’autres sujets qui les concernent apparemment plus dans leur quotidien : insécurité physique et culturelle, immigration massive, communautarisme islamique, crise identitaire, attentats terroristes, chômage endémique et paupérisation rampante. Pour autant, on ne saurait négliger l’importance du facteur familial dans le délitement de notre société.

    La famille est en effet la cellule de base de la société, le poumon indispensable à l’éducation et l’équilibre des enfants. Fragiliser la famille, c’est hypothéquer la société. Or, les Français doivent savoir qu’avec la loi Taubira, la famille se trouve désormais livrée à l’arbitraire le plus total et à la marchandisation de l’humain la plus scandaleuse. Volontairement imprécise, cette loi a permis de légaliser indirectement, par la voie judiciaire, les PMA et GPA effectuées à l’étranger en contradiction avec la loi française. Elle ouvre le cycle honteux des enfants sur étagère, prélude au transhumanisme le plus scabreux.

    Face à de telles menaces, l’hésitation ne doit pas être de mise. Le 16 octobre, nous serons dans la rue pour dénoncer l’hypocrisie du gouvernement - qui prétend lutter contre la GPA alors qu’il ne fait que la légaliser sournoisement -, et pour dénoncer la loi scélérate qui a permis d’ouvrir une telle boite de pandore. Tout cela en ayant aussi bien conscience du matraquage fiscal qui s’abat sur les familles depuis 2012 (baisse, à deux reprises, du plafond de l’avantage fiscal lié au quotient familial et fin de l’universalité des allocations familiales) ainsi que des réformes en tout genre qui s’immiscent dans la vie privée des familles, telle cette obligation qui incombe au père de partager désormais en partie le congé parental de son épouse pour en bénéficier durant trois années. Comment de telles impasses idéologiques pourraient rester sans conséquences sur la fécondité française qui ne cesse de s’éroder au fil des ans – à l’exception des femmes d’origine étrangère -, si l’on en croit les récentes données statistiques de l'INSEE ?

    Plus généralement, c’est tout un modèle de société que nous dénonçons : une humanité hors-sol, déracinée, consumériste et matérialiste qui crée un vide spirituel et culturel sur lequel prospère toujours plus l’islamisation rampante de notre société. C’est donc notre identité culturelle la plus profonde qui est en jeu !

    Devant un tel défi, notre mobilisation doit être totale et s’affranchir de toute appartenance partisane ou associative. Il est impératif de pouvoir, à terme, se rassembler autour d’un programme commun de la droite fondé sur la défense de notre identité et le recouvrement, à cette fin, de notre souveraineté. C’est pourquoi, en préfiguration de cette union des droites que nous appelons de nos vœux, nous défilerons ensemble dimanche 16 octobre. Tel est le sens - que nous espérons prophétique - de notre appel !

    • Robert Ménard, maire de Béziers et président du collectif Oz-ta-droite,
    • Charles Beigbeder, entrepreneur, élu de Paris et co-fondateur de l’Avant-Garde,
    • Jean-Frédéric Poisson, président du PCD (Parti Chrétien Démocrate) et candidat à la Primaire de la droite et du centre,
    • Christian Vanneste, député honoraire, président du RPF (Rassemblement Pour la France) et membre de l’Avant-Garde,
    • Karim Ouchikh, Président du SIEL (Souveraineté, Identités Et Libertés) et conseiller régional Île-de-France,
    • Roland Hureaux, élu local et ancien haut-fonctionnaire,
    • Serge Federbusch, président du Parti des Libertés,
    • Patrick Louis, député européen honoraire et secrétaire général du MPF (Mouvement pour la France).

    Michel Janva

  • La droite et le libéralisme

    Maurras rappelle une réticence classique des droites vis-à-vis du libéralisme quand il énonce : « la liberté de qui ? la liberté de quoi ? c’est la question qui est posée depuis cent cinquante ans au libéralisme. Il n’a jamais pu y répondre » (Maurras, Dictionnaire politique et critique, 1938). Pour comprendre cette réticence, il faut remonter aux origines de la droite.

    Août – septembre 1789 : à l’occasion du débat constitutionnel, les partisans du veto absolu (et non suspensif) du roi se situent à droite de l’assemblée. À gauche se placent les partisans d’un pouvoir royal faible. Dans le même temps, une partie des droites se prononce en faveur d’une constitution à l’anglaise fondée sur le bicaméralisme. De quoi s’agit-il ? Exactement de deux rapports très différents au libéralisme, et qui concernent dés l’origine les familles politiques qui se situent « à droite ». Être partisan d’un veto royal absolu signifie refuser l’autorité venue « d’en bas », c’est-à-dire du Parlement. C’est, d’emblée, défendre une conception transcendante du pouvoir, et considérer, avec Joseph de Maistre, qu’on ne peut « fonder l’État sur le décompte des volontés individuelles ». À l’inverse, être partisan du bicaméralisme signifie se méfier du peuple tout autant que du pouvoir. Tout en ayant comme point commun l’opposition à la toute-puissance de l’Assemblée constituante, ce sont là deux façons très différentes d’être « à droite ». Le paysage se complique plus encore en prenant en compte les arrière-pensées de chaque position.

    Si le bicaméralisme est l’expression constitutionnelle assez claire d’un souci d’alliance ou de compromis entre la bourgeoisie montante et l’aristocratie déclinante, par contre, la revendication d’un pouvoir royal fort peut – et c’est une constante de l’histoire des familles politiques de droite – se faire en fonction de préoccupations non seulement différentes mais contradictoires : s’agit-il de donner au roi les moyens de liquider au profit de la bourgeoisie les pouvoirs nobiliaires qui s’incarnaient dans les anciens parlements, ou au contraire s’agit-il de pousser le roi à s’arc-bouter sur la défense de ces privilèges nobiliaires, ou bien encore de nouer une nouvelle alliance entre roi et  peuple contre la montée de la bourgeoisie ? De même, le bicaméralisme a pour préoccupation d’affaiblir le camp des « patriotes » (c’est-à-dire de la gauche), et rencontre donc des soutiens « à droite ». Pour autant, est-il « de droite » dans la mesure où il relève d’une  méfiance devant tout principe d’autorité ? En tant que moyen d’empêcher la toute-puissance de l’Assemblée constituante, ne relève-t-il pas indiscutablement du libéralisme, c’est-à-dire d’une attitude moderne qu’exècrent une grande partie des droites ?

    Cette attitude moderne a ses racines, comme l’a bien vu Benjamin Constant, dans un sens différent de la liberté chez les Anciens et les Modernes. Le bonheur étant passé dans le domaine privé, et étant, sous cette forme, devenu « une idée neuve en Europe » (Saint-Just), la politique moderne consiste à ne pas tout attendre de l’action collective. La souveraineté doit ainsi être limitée, ce qui va plus loin que la simple séparation des pouvoirs. « Vous avez beau diviser les pouvoirs : si la somme totale du pouvoir est illimitée, les pouvoirs divisés n’ont qu’à former une coalition et le despotisme est sans remède » (Benjamin Constant). Tel est le principe de fond du libéralisme : la séparation tranchée des sphères privées et publiques. Conséquence : la crainte du pouvoir en soi. Car dans le même temps, la désacralisation du monde aboutit à ce que chacun estime – comme l’avait vu Tocqueville, avoir « un droit absolu sur lui-même », par déficit de sentiment de  participation à la totalité du monde. En sorte que la volonté souveraine ne peut sortir que de « l’union des volontés de tous ». La réunion des conditions d’une telle unanimité étant à l’évidence difficile, – ou dangereuse – le libéralisme y supplée en affirmant le caractère « naturel » – et par là indécidable – de toute une sphère de la vie sociale : la sphère économique, celle de la production et reproduction des conditions de la vie matérielle. Rien de moins.

    Un tel point de vue par rapport à l’économie et aux rapports de travail dans la société n’est caractéristique que de l’une des droites – une droite qui n’est pas « née » à droite mais qui a évolué vers le freinage d’un mouvement qu’elle avait elle-même contribué à engendrer. C’est en quelque sorte la droite selon le « droit du sol » contre la droite selon le « droit du sang ». Relève de la première l’homme politique et historien François Guizot, valorisant la marche vers le libéralisme avant 1789, mais cherchant à l’arrêter à cette date. C’est la droite orléaniste. Les autres droites, celles qui le sont par principe – et parce qu’elles croient aux principes  – prônent l’intervention dans le domaine économique et social. « Quant à l’économie, on ne saurait trop souligner combien le développement d’une pensée sociale en France doit à la droite, remarque François Ewald. […] Il ne faut pas oublier que les premiers critiques de l’économie bourgeoise et des méfaits du capitalisme ont été des figures de droite (Villeneuve de Barjemont, Sismonde de Sismondi) (1). »

    Cette critique des sociétés libérales par certaines droites n’est pas de circonstance. Elle s’effectue au nom d’une autre vision  de l’homme et de la société que celle des libéraux. « Il y a une sociologie de droite, précise encore François Ewald, peut-être occultée par la tradition durkheimienne, dont Frédéric Le Play est sans doute avec Gabriel de Tarde le représentant le plus intéressant ». La pensée anti-libérale de droite est, de fait, jalonnée par un certain nombre d’acteurs et de penseurs importants. Joseph de Maistre et Louis de Bonald voient dans l’irréligion, le libéralisme, la démocratie des produits de l’individualisme. Le catholique Bûchez (1796 – 1865), pour sa part,  défend les idées de l’association ouvrière par le biais du journal L’Atelier. Le Play, de son côté, critique « les faux dogmes de 1789 » : la perfection originelle de l’homme (qui devrait donc être restaurée), sa liberté systématique, l’aspiration à l’égalité comme droit perpétuel à la révolte. La Tour du Pin, disciple de Le Play, critique la séparation (le « partage ») du pouvoir, considérant que celui-ci doit s’incarner dans un prince, mais propose la limitation du pouvoir et la consultation de la société (civile) notamment par la représentation corporative : le refus du libéralisme n’équivaut pas à une adhésion automatique à l’autoritarisme.

    Par contre, le refus d’une société réduite à des atomes individuels est une constante de la pensée de droite, de l’école contre-révolutionnaire aux divers traditionalismes. Maurras a défendu l’idée, dans ses Réflexions sur la révolution de 1789, que la loi Le Chapelier interdisant l’organisation des travailleurs était un des actes les plus néfastes de la Révolution. Il établit un lien entre celle-ci et le libéralisme pour, tous les deux, les condamner. « L’histoire des travailleurs au XIXe siècle, écrit Maurras, se caractérise par une ardente réaction du travailleur en tant que personne à l’encontre de son isolement en tant qu’« individu », isolement imposé par la Révolution et maintenu par le libéralisme (2). » Thierry Maulnier résumait de son côté l’opinion d’une Jeune Droite composante essentielle des « non-conformistes de années Trente » en écrivant : « Il devait être réservé à la société de structure libérale d’imposer à une catégorie d’individus un mode de dépendance qui tendait, non à les attacher à la société, mais à les en exclure (3) ».

    L’Espagnol José Antonio Primo de Rivera formulait un point de vue largement répandu dans la droite française extra-parlementaire quand il évoquait, en 1933, la signification du libéralisme économique. « L’État libéral est venu nous offrir l’esclavage économique, en disant aux ouvriers : vous êtes libres de travailler; personne ne vous oblige à accepter telle ou telle condition. Puisque nous sommes les riches, nous vous offrons les conditions qui nous conviennent; en tant que citoyens libres, vous n’êtes pas obligés de les accepter; mais en tant que citoyens pauvres, si vous ne les acceptez pas, vous mourrez de faim, entourés, bien sûr, de la plus haute dignité libérale. »

    Les critiques à l’égard du libéralisme énoncées par une partie des droites sont parallèles à celles énoncées d’un point de vue catholique par Louis Veuillot, puis par René de La Tour du Pin et Albert de Mun, promoteurs des Cercles catholiques d’ouvriers, qui furent confortés par l’encyclique Rerum Novarum (1891), mais dont les positions annonçaient avec cinquante ans d’avance celles de Divini Redemptoris (1937). C’est à ce moment que se met en forme, à droite (avec Thierry Maulnier, Jean-Pierre Maxence, Robert Francis, etc.), une critique du productivisme complémentaire de la critique du libéralisme. La Jeune Droiterejoignait sur ce point la critique d’auteurs plus inclassables (Drieu La Rochelle, Robert Aron, Arnaud Dandieu, …).

    Si l’anti-productivisme, comme l’anti-économisme (celui par exemple de la « Nouvelle Droite » du dernier quart du XXe siècle) apparaissent par éclipse à droite, la condamnation du libéralisme est le noyau commun de la pensée de droite. Caractéristique dans sa banalité droitière même est le propos de Pierre Chateau-Jobert : « Le libéralisme, écrit-il, […] a pris la liberté pour seule règle. Mais pratiquement, c’est le plus fort, ou le moins scrupuleux, ou le plus riche, qui est le plus “ libre ”, puisqu’il a le plus de moyens (4) ». Droitiste d’une envergure plus considérable, Maurice Bardèche ira jusqu’à déclarer que, comme Jean-Paul Sartre, il « préfère la justice à la liberté ».

    Cette conception de la liberté comme toujours subordonnée à d’autres impératifs explique que la droite soit à l’origine de nombreuses propositions sociales. En 1882, Mgr Freppel demande la création de retraites ouvrières. En 1886, Albert de Mun propose la limitation de la journée de travail à dix heures et, en 1891, demande la limitation du travail des femmes et des enfants. En 1895, le même de Mun demande que soit reconnue aux syndicats la possibilité de posséder de biens à usage collectif. En 1913, Jean Lerolle réclame l’instauration d’un salaire minimum pour les ouvrières à domicile (5).

    Les projets de réorganisation des rapports sociaux de Vichy (la Charte du travail soutenue par nombre de syndicalistes) comportent  de même des aspects socialement protecteurs. Enfin, la difficulté de réaliser des transformations sociales qu’a montré l’expérience de gauche de 1981 à 1983 permet de réévaluer les projets de participation et de « troisième voie » du Général de Gaulle et de certains de ses soutiens venus de la droite radicale comme Jacques Debu-Bridel, d’ailleurs anciens du Faisceau de Georges Valois.

    La critique du libéralisme par la droite – hormis le courant orléaniste -, concerne tout autant l’économie que le politique. Le parlementarisme, expression concrète du libéralisme politique selon la droite est, jusqu’à l’avènement de la Ve République, accusé de fragmenter l’expression de la souveraineté nationale, et de la soumettre aux groupes de pression. Pour Barrès, « le parlementarisme aboutit en fait à la constitution d’une oligarchie élective qui confisque la souveraineté de la nation ». D’où sa préférence pour le plébiscite comme « idée centrale constitutive » : « le plébiscite reconstitue cette souveraineté parce qu’il lui donne un mode d’expression simple, le seul dont elle puisse s’accompagner ».

    De son côté, Déroulède précise : « Vouloir arracher la République au joug des parlementaires, ce n’est pas vouloir la renverser, c’est vouloir tout au contraire instaurer la démocratie véritable ». Péguy, pour sa part, dénonce en 1902 le parlementarisme comme une « maladie ». Trente années plus tard, André Tardieu (1876 – 1945), chef d’une droite modernisatrice de 1929 à 1936, créateur des assurances sociales, député de Belfort (ville se dotant souvent de députés originaux), auteur de La révolution à refaire voit dans le parlementarisme « l’ennemi de la France éternelle ». Dans un contexte singulièrement aggravé, et énonçant le point de vue de la « Révolution nationale », Charles-Emmanuel Dufourcq, dans Les redressements français (6) concentre aussi ses attaques contre le parlementarisme et l’autorité « venue d’en-bas » comme causes, tout au long de l’histoire de France, des affaiblissements dont le pays n’est sorti que par le recours à l’autorité indiscutée d’un roi, d’un Napoléon ou d’un Pétain. Il manifestait ainsi une remarquable continuité – ou une étonnante absence d’imagination selon le point de vue – avec les tendances théocratiques de la Contre-Révolution.

    En revanche, plus marginaux sont les secteurs de la droite qui se sont sentis concernés par la critique du parlementarisme effectuée par le juriste Carré de Malberg, qui inspirera René Capitant et les rédacteurs de la Constitution de 1958.  Dès le XIXe siècle, aussi bien la droite dans ses composantes non-orléanistes que la gauche des démocrates et des socialistes – de Ledru-Rollin à Proudhon – sont en porte à faux par rapports aux mythes fondateurs de la modernité française. « L’objectif de 1789 […] consiste, indique Pierre Rosanvallon, à démocratiser, “ politiquement ”, le système politique, qui est d’essence absolutiste, et à libéraliser, “ sociologiquement ”, la structure sociale, qui est d’essence féodale (7) ».

    La difficulté du processus tient dans sa simultanéité (et c’est la différence avec l’Angleterre). D’un côté, la gauche socialiste veut « républicaniser la propriété » (Jules Guesde), de l’autre, une certaine droite met en cause « les responsabilités des dynasties bourgeoises » (Emmanuel Beau de Loménie) et le libéralisme qui les a laissé prendre tant de place. Rien d’étonnant à ce que des convergences apparaissent parfois (le Cercle Proudhon avant 1914, les planistes et « non-conformistes des années Trente », le groupe Patrie et Progrès au début de la Ve République, …).

    En effet, pour toute la période qui va du milieu du XIXe siècle à nos jours, la distinction proposée par René Rémond en 1954 entre trois droites, légitimiste, orléaniste, bonapartiste, apparaît peu adaptée. D’une part, l’appartenance du bonapartisme à la droite est très problématique : c’est un centrisme césarien. D’autre part, l’orléanisme est écartelé dès son origine entre conservatisme et libéralisme : conservatisme dont François Guizot est une figure centrale, qualifiée par Francis-Paul Benoît de « conservateur immobile, donc non libéral (8) », le libéralisme étant représenté, plus que par les économistes « classiques », par les saint-simoniens modernistes ralliés à Napoléon III.

    À partir de 1870, le clivage qui s’établit, « à droite », oppose, plutôt que les trois droites de la typologie de René Rémond, une droite radicale (radicalement de droite, et non conjoncturellement radicalisée), voire une « droite révolutionnaire » (Zeev Sternhell) en gestation, et une droite libérale-conservatrice. L’organisation d’une « droite » libérale au plan économique, conservatrice au plan politique est en effet ce qui permet après le Second Empire le passage, sinon sans heurts, du moins sans révolutions de la France dans l’univers bourgeois et capitaliste. C’est à l’évidence à cette droite que pensait un jour François Mitterrand disant : « la droite n’a pas d’idées, elle n’a que des intérêts ». C’est la droite comme la désigne désormais le sens commun.

    Entre la droite révolutionnaire (forme extrême de la droite radicale) et la droite libérale (qui n’est conservatrice que dans la mesure où un certain conservatisme, notamment moral, est le moyen de faire accepter le libéralisme), la vision de la politique est toute différente. Du point de vue libéral, dans la mesure où la souveraineté ne peut venir que du consensus, le champ de la « naturalité » économique et sociale doit être étendu le plus possible. À la suite des penseurs libéraux français comme Bastiat, Hayek affirme que « le contrôle conscient n’est possible que dans les domaines où il est vraiment possible de se mettre d’accord » (ils ne sont évidemment pas très nombreux).

    Tout autre est l’attitude du radicalisme de droite (appelé souvent « extrême droite » avec de forts risques de contresens). Jean-François Sirinelli, coordinateur d’une Histoire des droites en France (9), remarque que « l’extrême droite aspire rien moins qu’à un état fusionnel de la politique ». Certes. En d’autres termes, elle aspire à retrouver – ou à inventer – un critère d’indiscutabilité du principe d’autorité, et du lien social lui-même. Conséquence : cette droite radicale tend à ne pas décliner son identité comme celle d’une droite, s’affirmant « ni de droite, ni de gauche » (Barrès, Valois, Bertrand de Jouvenel, Doriot, les hommes des Équipes d’Uriage, le Jean-Gilles Malliarakis des années 80, …), ou encore « simultanément de droite et de gauche » (la « Nouvelle Droite »).

    La difficulté de caractériser la droite par des idées à amener certains analystes comme Alain-Gérard Slama à essayer de la définir par un tempérament. Celui-ci consisterait, selon Slama, dans la recherche du compromis. Cette hypothèse ne fait que souligner l’existence de deux droites, une droite libérale, et la droite radicale, que presque tout oppose. Si la première recherche effectivement les accommodements, la droite radicale se caractérise plutôt par la recherche d’un dépassement synthétique des contradictions du monde moderne. À divers égards, sous des formes et à des niveaux très différents, c’est ce qui rassemble Le Play, Péguy, Bernanos, Drieu la Rochelle, Charles de Gaulle. Dépassement des contradictions de la modernité : vaste programme… que ces hommes – pas toujours « à droite », mais sans doute « de droite » – n’ont jamais envisagé de mettre en œuvre par des moyens par principe libéraux.

    Notes

    1 : François Ewald, Le Magazine littéraire, « La droite. Idéologies et littérature », décembre 1992.

    2 : cité dans Thomas Molnar, La Contre-Révolution, La Table Ronde, 1981.

    3 : Thierry Maulnier, Au-delà du nationalisme, Gallimard, 1938, p. 153.

    4 : Pierre Chateau-Jobert, Manifeste politique et social, Diffusion de la pensée française, 1973.

    5 : Cf. Charles Berrias et Michel Toda, Enquête sur l’histoire, n° 6, 1992, p. 13.

    6 : Charles-Emmanuel Dufourcq, Les redressements français, Lardanchet, 1943.

    7 : François Furet, Jacques Julliard, Pierre Rosanvallon, La République du centre. La fin de l’exception française, Calmann-Lévy, 1988.

    8 : Francis-Paul Benoît, Les idéologies politiques modernes. Le temps de Hegel, P.U.F., 1980, p. 314.

    9 : cf. Histoire des droites en France, Gallimard, trois volumes, 1992.

    Le présent article, remanié pour Europe Maxima, est paru dans Arnaud Guyot-Jeannin (sous la direction de), Aux sources de la droite, L’Âge d’Homme, 2000.

    http://www.europemaxima.com/?p=2014

  • La bronca des magistrats

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    Les premiers extraits du livre Un président ne devrait pas dire ça…, dévoilés mercredi par la presse, n’ont pas fini de faire des remous. Notamment chez les magistrats qui, particulièrement en colère, ont dénoncé jeudi les propos de François Hollande comme une nouvelle « humiliation » posant un réel « problème institutionnel ».

    En fait, ce qui a choqué ces braves gens, ce n’est pas que le Pprésident ait déclaré aux journalistes du Monde que « la femme voilée d’aujourd’hui sera la Marianne de demain », ni qu’il ait balancé des informations classifiées. Mais qu’il ait osé s’en prendre à la corporation, en parlant d’elle comme d’une… « institution de lâcheté » ! Une vérité difficile à entendre pour les deux plus hauts magistrats de l’ordre judiciaire qui, dès jeudi matin, montaient au créneau.

    Dénonçant des « outrances renouvelées à l’encontre du corps judiciaire », le premier président Bertrand Louvel devait notamment estimer que celles-ci « posent un problème institutionnel » et qu’« il est plus que temps » que la justice « s’émancipe de la tutelle de l’exécutif ». Une colère évidemment partagée par l’ensemble des magistrats qui se disent « humiliés ».

    Au point que, cherchant à éteindre au plus vite l’incendie, Urvoas s’est vu contraint de publier un communiqué réaffirmant « son absolue confiance en l’institution judiciaire ». Parallèlement, la mère Taubira y allait de son tweet de soutien à Hollande, expliquant que « la Justice a bien assez de vrais ennemis » et que « le respect sans faille montré depuis 2012 fut le support de réformes de confiance ».

    Mais en réalité, soulignait jeudi Florian Philippot, ces « attaques très sévères de magistrats contre un président de la République sont difficilement tolérables pour tous ceux qui sont attachés à la fonction présidentielle et au respect républicain qu’on lui doit. Quand la fonction présidentielle flanche, devait ajouter le vice-président du FN, c’est l’image de la France qui fléchit. Cependant, si ces attaques sont aujourd’hui possibles, cela tient en premier lieu aux deux derniers présidents de la République, qui par leur attitude désinvolte ont affaissé comme jamais la fonction présidentielle ».

    Franck Deletraz

    Article paru dans Présent daté du 15 octobre 2016

    http://fr.novopress.info/

  • Charles de Foucauld : un grand Français et un grand chrétien

    Jacques Richou et Les Amis de René Bazin viennent de faire paraître aux excellentes éditions Via Romana une Petite vie de Charles de Foucauld pour le centenaire de sa disparition. Ce livre est formé des éléments essentiels de l'ouvrage de l’académicien monarchiste et catholique, René Bazin, Charles de Foucauld, explorateur du Maroc, ermite au Sahara, paru en 1921. Dans son amicale dédicace, Jacques Richou m'écrit : « Un exemple d'actualité par ses deux engagements au service de la patrie, de la terre, la France, et sa patrie céleste ».

    La jeunesse de Charles Foucauld

    Charles de Foucauld est né à Strasbourg le 15 septembre 1858. Son père, le vicomte de Foucauld de Pontbriand, sous-inspecteur des forêts, et sa mère, moururent en 1864, à quatre mois de distance. L'éducation de Charles et de sa sœur fut confiée à leur grand-père, qui avait à cette date près de soixante-dix ans : un grand-père aimant et indulgent à l'égard des colères de l'enfant qu'il considérait comme un signe de caractère. Car Charles était violent, ne supportant pas la moindre contrariété. On lira dans ce livre un exemple de ce caractère quelque peu forcené. Jusqu'à la guerre de 1870, il fut élevé dans une école dirigée par les prêtres du diocèse de Strasbourg, puis au lycée de cette ville. La guerre le chassa, avec sa soeur et son grand-père. Ils se réfugièrent à Berne, pour venir, en 1872, habiter Nancy. Il y perdit la foi. Il écrira que c'est pendant la rhétorique qu'il a perdu toute foi, « et ce n'était pas le seul mal ». Il dira : « À dix-sept ans, j'étais tout égoïsme, toute vanité, toute impiété, tout désir du mal, j'étais comme affolé. » Paresseux au possible, il se fait renvoyer de son école. Et il ajoute : « De foi, il n'en restait pas trace dans mon âme ». Mais il conserve une très profonde estime pour ses maîtres religieux. Il sera admis au concours de l'Ecole militaire en 1876. Pas brillamment, certes, puisqu'il sera l'un des derniers de la promotion. Le général Laperrine, qui sera son grand ami plus tard, dira : « Bien malin celui qui aurait deviné, dans ce jeune saint-cyrien gourmand et sceptique, l'ascète et l'apôtre d'aujourd'hui ». René Bazin, à la vue de ses portraits, écrit : « Un buste et un cou trop épais, un visage rond, empâté et sans style, qui n'a de beau que le front, droit et large, et la ligne à peine courbée des sourcils. Enfoncés dans l'orbite, les yeux, brillants et peu commodes, ont été rapetisses par la graisse qui les presse. Quant aux lèvres, indolentes, peu formées, elles sont de celles qui goûtent, parlent peu, et ne commandent pas. La chair domine ». Un portrait assez effarant... Comment Charles de Foucauld deviendra-il celui qu'il sera ? Bazin répond : « C'est le miracle de l'âme qui sculpte la carcasse et met sa signature. » Il aura, à Saint-Cyr, comme anciens, ou comme camarades, Pétain, Driant, Valombrosa, l'extraordinaire marquis de Mores. Il y vit « une existence de doux philosophe épicurien », dira son ami le duc de Fitz-James. La vie qu'il mènera, au sortir de Saint-Cyr, à Pont-à-Mousson, ne sera pas des plus catholiques. Bazin écrit : « Il menait la vie à grandes guides, faisant participer à des plaisirs variés, dont les plus raffinés paraissent être ceux de la table, de nombreux camarades et des compagnes aimables souvent renouvelées ». Bref, c'est ce que nous appelons trivialement aujourd'hui, un bringueur. Et puis, il eut l'ordre, avec le 4e hussard, de rejoindre Bône et Sétif. Il y fut suivi par une "créature", ce que les autorités n'apprécièrent que modérément. Il prit fort mal l’ordre de son colonel de la renvoyer en France, et se rebellant, eut droit à un rapport au ministre de la Guerre, un retrait d'emploi, pour indiscipline et inconduite, au printemps 1881. Mais voici la nouvelle de l'insurrection du marabout Bou-Amana qui prêchait la guerre sainte dans le Sud-Oranais. Il demanda son retour à l'armée, acceptant toutes les conditions, dont le retour en métropole de la "créature". Et là, miracle. Son futur grand ami, le général Laperrine, le raconte : « Au milieu des dangers et des privations des colonnes expéditionnaires, ce lettré fêtard se révéla un soldat et un chef ; supportant gaiement les dures épreuves, payant constamment de sa personne, s'occupant avec dévouement de ses hommes, il faisait l’admiration des vieux du régiment. » « Il savait se faire aimer », dira un de ses soldats, « mais c'est qu'il aimait aussi le troupier ».

    Foucauld explore le Maroc

    Le lieutenant de Foucauld a vingt-quatre ans et découvre cette terre qui le fascine. Il s'installe à Alger, démissionne de l'armée, et se décide à explorer le Maroc, pays fermé et dangereux. Il apprend l'arabe et se lie à Oscar Mac Carthy, un étonnant savant explorateur, insensible au froid et au chaud, qui a voyagé sans escorte, n'ayant peur de rien car, dit-il, selon le proverbe oriental : « Mille cavaliers ne sauraient dépouiller un homme nu ». Mais quel déguisement choisir pour voyager au Maroc ? Foucauld choisit le costume de commerçant juif. Il est accompagné dans son équipée par un juif pur porc, le rabbin Mardochée Abi Serour qui lui servira de guide. Nous sommes le 10 juin 1883. Charles de Foucauld, qui s'appelle provisoirement le rabbin Joseph Aleman, et Mardochée, se dirigent d'abord vers Tlemcen, d'où, grâce à l'aide de juifs indigènes, ils pourront pénétrer au Maroc par Tetouan. Toujours attifé de sa calotte noire, le mouchoir bleu, les babouches noires et les mèches de cheveux tombant des tempes aux épaules.

    Il pénètre dans Chechaouen où un seul chrétien était entré, un Espagnol, en 1863. On ne le revit jamais... Le sentiment de la peur était totalement étranger à Charles de Foucauld. Il arrivera à Mogador le 28 janvier 1884 et fut fort mal accueilli au consulat par un secrétaire qui le prit pour un loqueteux. Regardant par le trou de la serrure pendant que le visiteur faisait sa toilette, il vit quantité d'instruments de physique émerger des plis de ses vêtements. Et Foucauld poursuivit l'exploration de ces terres largement inconnues. Un rapport de la société géographique de Paris, paru un an plus tard, évoquera « le plus important et le plus remarquable voyage qu un Européen ait entrepris au Maroc depuis un siècle ou plus ».

    La conversion de Charles de Foucauld

    Il va reprendre le chemin du Sud algérien, à l'automne 1885, et entend, fasciné, ces appels à la prière, cette perpétuelle invocation à Dieu qui s'élevait autour de lui chez ces hommes, prosternés cinq fois par jour vers l'Orient. Il dira plus tard : « J'ai songé à me faire musulman ». Il est encore incroyant mais, lors d'un court voyage auprès de sa famille, en France, il va faire une rencontre déterminante : celle de l'abbé Huvelin, son aîné de vingt ans. La foi va se rapprocher de lui et il va se rapprocher de la foi. Il dira à une cousine : « Vous êtes heureuse de croire : je cherche la lumière, et je ne la trouve pas. » Le lendemain, l'abbé Huvelin vit entrer dans son confessional ce jeune homme qui ne s'agenouilla pas, et lui dit : « Je n'ai pas la foi; je viens vous demander de m’instruire. » L'abbé lui répondit : « Mettez-vous à genoux, confessez-vous à Dieu : vous croirez. » Il s'agenouilla et confessa toute sa vie. Et c'est ainsi que Charles de Foucald s'approcha de la table sainte et fit sa « seconde première communion ». Depuis le moment de sa conversion, il s'était senti appelé par la vie religieuse. Il prit l'habit des trappistes le 26 janvier 1890, à l'âge de trente-deux ans, se plaignant d'ailleurs que l’ordre, pourtant très austère, ne lui offrait pas « toute la pauvreté (qu'il) voudrait », ni « l’abjection (dont il) aurait rêvé. » En février 1897, Charles de Foucauld partira pour aller vivre en Terre Sainte une vie d'ermite, après avoir passé sept ans à la Trappe. Son ordination aura lieu le 9 juin 1901. Trois mois plus tard, l'abbé Charles de Foucaud débarquait à Alger. Il allait s'établir dans le sud de la province d'Oran.

    Ermite dans le Sud algérien

    Il vivra à Beni-Abbès, une oasis de 7 à 8 000 palmiers. Il fut bientôt « le marabout blanc ». Le "marabout" déjeunait d'un morceau de pain d'orge trempé dans une décoction d'une plante saharienne, et, le soir, il dînait d'un bol du même thé, auquel il ajoutait un peu de lait concentré. Il y eut bientôt, émergeant du sable, de jeunes palmiers, des figuiers, des oliviers, des pieds de vigne. Son petit enclos devenait un jardin. Il racheta des esclaves du Sahara, nourrit des pauvres, aidé modestement par sa famille, par ses amis. Il dira : « Je veux habituer tous les habitants, chrétiens, musulmans, juifs et idolâtres, à me regarder comme leur frère, le frère universel... Ils commencent à appeler la maison la Fraternité, et cela m'est doux ». Il reçoit certes des visites mais aucun homme ne s'offre à partager la vie de Termite du Sahara. Il écrira : « Ni postulant, ni novice, ni sœur... Si le grain de blé ne meurt pas, il reste seul... » Charles de Foucauld pense que c'est une erreur de considérer que les musulmans ne sont pas assimilables, à condition qu'ils se convertissent. Vaste programme... Il relève que la France s'est trompée en organisant l'école avec, écrit René Bazin, « cette espèce de fureur scolaire dont le principe paraît être d'exhalter la liberté, les droits du citoyen, l'électorat, comme des biens suprêmes. Or l'expérience a montré que, plus les indigènes avaient acquis de culture française, plus ils avaient tendance à nous haïr. Notre éducation, exaltant les droits de l'individu et lui offrant, comme une vérité première, Vidée orgueilleuse et fausse d'égalité, développe encore l'esprit d'insubordination de l'Arabe, créant des déclassés et des révoltés ». Et il ajoute : « L'autre erreur consiste à favoriser et à répandre l'islamisme, car l’animosité contre les chrétiens est, en fait, développée par la loi coranique. » Le Père de Foucauld considère que la première œuvre à faire est « d'apprivoiser les musulmans », considérant que c'est une erreur de croire que les mahométans ne peuvent se convertir. Dans ce livre, paru en 1937 pour la première fois, Bazin écrit ce qui correspond à la pensée de l'ermite : « Si nous ne changeons pas nos méthodes de colonisation, avant cinquante ans, nous serons chassés de l'Afrique du Nord ». Et puis, Charles de Foucauld forme le voeu de pénétrer jusqu'aux régions plus méridionales habitées par les Touareg, peuple de race berbère. Il sera le seul prêtre dans ces régions immenses où les attaques de convois et de postes se multiplient. Il commence à étudier la langue, le tamacheq (il traduira les Evangiles et écrira un dictionnaire), et puis va découvrir une nouvelle immensité, le Hoggar, un pays de montagnes et de hauts plateaux où il établira son ermitage, à Tamanrasset. Il écrit à un de ses amis : « Les indigènes nous reçoivent bien ; ce n'est pas sincère, ils cèdent à la nécessité. Combien de temps leur faudra-t-il pour avoir les sentiments qu'ils simulent ? Peut-être ne les auront-ils jamais. S'ils les ont un jour, ce sera le jour qu'ils deviendront chrétiens. » Et pourtant, il considère que « ces frères ombrageux » du Hoggar, sont « bien moins séparés de nous que les Arabes ». C’est dire... Il vit au milieu des Touaregs. Bazin écrit que « la guerre, l'expédition pour la vengeance et le pillage, telle a été, jusqu’aux débuts du siècle, l'industrie la plus lucrative des tribus touaregs ». Charles de Foucauld note cette réflexion qui se révélera hélas prémonitoire : « Tant que la France n'aura pas une guerre européenne, il semble qu'il y a sécurité ; s'il y avait une guerre européenne, il y aurait probablement des soulèvements dans tout le Sud, et ici comme ailleurs. » L'ermite est seul, terriblement seul. N'ayant pas de servant de messe, il ne jouit pas du privilège de consacrer le corps du Christ. Sa plainte s'élève, constante, dans ses lettres. « 8 septembre, pas de messe car je suis seul » ; « 25 décembre, Noël, pas de messe, car je suis seul » ; 1er janvier 1908 : « Pas de messe, car je suis seul ». Et enfin, il éprouve une immense joie, le 31 janvier : il apprend que le privilège lui est accordé par Rome de célébrer la messe sans servant. Foucauld va séjourner à Tamanrasset jusqu'au début de 1911, s'autorisant un court voyage d'un mois en France où sa famille et ses amis auront la joie de le revoir.

    La guerre et la mort

    Il apprend le 3 septembre 1914 la déclaration de guerre de l'Allemagne à la France. La guerre sainte est prêchée auprès des tribus. Charles de Foucauld l'avait prévu. Mais il a résolu de ne pas quitter Tamanrasset. La situation à la frontière tunisienne et libyenne n'est pas bonne. Les Allemands arment et encadrent apparemment les tribus rebelles. Charles de Foucauld ne se montre pas des plus modérés. Il écrit en janvier 1916 : « Pour la première fois, je comprends vraiment les croisades : la guerre actuelle, comme les croisades précédentes, aura pour résultat d'empêcher nos descendants d'être des barbares. » Mais l'agitation au sein des tribus se poursuit. Foucauld écrira encore à René Bazin : « Le seul moyen que ces peuples deviennent français est qu'ils deviennent chrétiens. » Le 1er décembre 1916, à la tombée de la nuit, le Père est seul dans sa maison fortifiée. Une troupe de 20 Fellagas, accompagnés d'autant de nomades et de harratins (métis d'Arabes et de Noirs) s'approchent silencieusement de la maison. Pour y pénétrer, il faut un traître. Ce sera le hartani El Madani, qui connaît les habitudes et les mots de passe de son bienfaiteur. Il s'approche de la porte du fortin, fait le signal convenu, se présente comme ayant une lettre à lui remettre. La porte s'ouvre. L'ermite est happé et ligoté. Il sera abattu peu après d'une balle dans la tête. Volontairement ou dans l'affolement suite à l'approche de deux méharistes ? On ne sait pas. Parmi les souvenirs pieux que l'on retrouva dans son antre pillé, il y avait le chapelet de l’ermite, un chemin de croix très finement dessiné, une croix de bois et un tout petit ostensoir où était encore enfermée l'hostie sainte...

    R.S.Rivarol du 22 septembre 2016

    Petite vie de Charles de Foucauld, 140 pages, 19 euros port inclus, Via Romana, 5 rue du Maréchal Joffre, 78000 Versailles.

  • Bruno Mégret : les contraintes politiques qui entravent la lutte contre l'Islam.

  • Les idéologues de gauche tentent une nouvelle fois de réécrire l’histoire

    Le musée parisien du Quai Branly diffusait dans le cadre d’une exposition une brochure dans laquelle on pouvait lire : « que les esclaves avaient été vendus à des Européens par des Africains », que ceux ci « vendaient leurs frères et sœurs noirs ».

    Des militants panafricanistes ont demandé et obtenu la destruction desdites brochures. Car, « Parler de responsabilité des « noirs » dans la traite négrière et l’esclavage, c’est du racisme et du négationnisme ».

    Il est pourtant avéré que le commerce triangulaire reposait sur la vente de prisonniers africains par d’autres tribus africaines.

  • Pourquoi l’industrie est condamnée en France

    Les années passent,"les discours et manifestations en faveur de l'industrie française se multiplient et s'entassent, et bientôt on en remplira des bibliothèques sans parvenir à tous les abriter. Tel ministre éphémère en a fait sa réputation, pas un parti qui ne jure de son intérêt industriel. Le duo Valls-Hollande s'est distingué en la matière. Néanmoins, ces derniers temps, il devient très discret sur le sujet. Et pour cause. Notre industrie nationale, de statut public ou privé, continue à sombrer, et comme il en va de même du secteur agricole, les deux mamelles les plus gonflées de la France travailleuse des deux derniers siècles se tarissent irrémédiablement. Mais pourquoi donc ?

    Qui cherche la réponse à cette question pourtant simple n' en trouve pas, tellement sur chaque cas d'espèce les réponses sont extraordinairement embrouillées. Le début septembre de la rubrique sociale s'est focalisé sur le cas ALSTOM de Belfort, avec pour résultat une confusion à peu près totale. En toile de fond, la polémique sur la gestion étatique ou privée, avec les mots incantatoires de "nationalisation" et de "privatisation". De fait, l'entreprise en cause constitue un mélange des deux types, car l’État y figure, et ses 20 % lui permettent, en principe, d'y bloquer ce qui ne lui plaît pas, et d'être informé de tout ce qui s'y prépare. Cela, c'est la théorie. Dans la réalité, des communiqués officiels nous ont appris que le gouvernement et ses structures spécialisées ignoraient tout de l'affaire de Belfort, avant qu'elle ne s'étale à la une médiatique. Sanction prise contre la négligence des représentants du pouvoir au Conseil d'administration ? Néant. Parce que l'affaire ne revêtait pas d'intérêt majeur ? Pas du tout.

    Mondialisme et irresponsabilité

    La suppression du site Alstom de Belfort de constructions ferroviaires, a été annoncée par la direction le 7 septembre, et aura lieu par transfert dans deux années à Reichshoften (Bas-Rhin, le nom rappelle une défaite française face aux Prussiens, mauvais présage) de 400 des 450 professionnels du territoire de Belfort. Autre évocation allemande, celle des 44 locomotives d'outre-Rhin achetées par la SN, alors que la spécialité d’Alstom-Belfort, ce sont précisément les locomotives... Les "survivants" ne devraient s'occuper que de "maintenance". Autrement dit, tout disparaîtra, et il est fort possible que les déplacés ne rejoignent jamais l'Alsace, remplacée par des indemnités de départ définitif.

    Le gouvernement Valls mit aussitôt son grain de sel par l’intermédiaire de son sécrétait d'Etat aux Transport Alain Vidalies qui joua la surprise maladroitement en précisant qu'il n'y avait de danger que dans deux ans, ce qui sous-entendait qu'il aurait fallu se taire. Le ministricule bomba le torse : « Je fais tout pour sauver le site ». Peu après, le président Hollande en personne, le paraphrasait depuis la Roumanie, où il était de passage. Les vannes du discours politique ainsi ouvertes, tout le monde s'exprima, avec des propos irresponsables. Ainsi Arnaud Montebourg, ainsi ministre du secteur : « 80 % des marchés publics doivent aller en direction du mode in France », et Jean-Luc Mélenchon, clamant que la « sortie des traités européens [...] s'impose [...] pour reconstruire notre industrie ». Comme s'il avait une baguette magique.

    Il faut néanmoins reconnaître que l'agité du néo-marxisme mettait le doigt sur la plaie, sans l'appeler par son nom de "mondialisme" car au pouvoir, il pratiquerait un "internationalisme" équivalent. Les salariés de Belfort travaillent avec des pièces venant de Pologne et de Tchécoslovaquie, et Alstom multiplie les délocalisations d'activités vers les pays du tiers monde. À tout ceci, une nationalisation d'Alstom ne changerait rien. Car il y a longtemps que des rames entières de métro sont fournis par le Germano-Canadien Bombardier, que l'espagnol CAF se tient prêt, et ainsi de suite. La nouvelle affaire Florange qui commence se rappellera à l'opinion le 24 septembre, jour de Belfort (50 000 habitants) ville-morte. Au passage, signalons la lutte féroce sur les mêmes fournitures entre Alstom et des entreprises bien françaises, comme les ACC de Clermont-Ferrand, problème qui pourrait être concilié, mais dont aucune autorité ne se préoccupe.

    Toujours les mystérieux « jeunes »

    Pendant que s'amorce un combat nécessaire, mais perdu d'avance, la CGT, FO et consorts ont poursuivi leur lutte déséquilibrée contre la loi EL Khomry. Le 15 septembre, à Paris et dans plusieurs métropoles régionales, des défilés ont eu lieu et, en particulier ceux de Paris et de Nantes, marqués par de sérieux incidents (un manifestant du syndicat trotskisant SUD a eu un œil crevé, deux policiers ont été également gravement blessés, etc.), sur 64 manifestants (ou présumés tels) interpellés, 32 ont été mis en garde à vue, proportion étonnante par son ampleur inhabituelle. Les habituels « jeunes gens masqués » apparaissant subitement en tête de cortège ont, comme à l’ordinaire, mis le feu aux poudres. Chose très surprenante, compte tenu du service d'ordre policier massif entourant le cortège, dont les éléments vont jusqu'à fouiller des grands-mères chargés de sacs à provision. Sans jamais parvenir à intercepter préventivement les casseurs. Etrange défaillance... Ceci dit, après 14 « journées nationales de mobilisation », la bataille juridico-sociale va maintenant commencer, entreprise par entreprise, et il y aura des surprises.

    Bien d'autres dossiers (EDF, Philips, la nouvelle convention médicale...) s'enveniment. Comme les partis de pouvoir et ceux qui veulent y accéder ne répondront que par des promesses électorales, ils déborderont dans les rues. Ainsi va la démagogie démocratique.

    Nicolas Tandler Rivarol du 22 septembre 2016

  • Françoise Monestier : L’Islam à la conquête de l'Europe