C'est à partir d'une racine indo-européenne *piski-, selon Pokorny, que se seraient développés tous les termes communs pour désigner le poisson : l'irlandais iasc (peiskos), le vieil-allemand fisc, le gothique fisks et le latin piscis. C'est manifestement du latin que dérive le terme italien actuel “pesce”. Il est clair également que le phénomène linguistique de la mutation consonantique dans les langues germaniques, mis en exergue par Grimm, où le “p” devient “f”, comme “pater” devient “fadar” (father, Vater, Vader). Les formes propres au latin se retrouvent donc dans les domaines linguistiques celtique et germanique ; la parenté entre ces langues est donc significative. Quoi qu'il en soit, de nombreuses langues européennes contemporaines utilisent des termes apparentés. Le poisson est un animal de grande signification symbolique. Lié à l'eau, il l'est également à tout ce qui crée la vie et les images. Son symbolisme l'attache plutôt à l'élément féminin, mais pas exclusivement.
Les pêcheurs symboliques sont nombreux dans les traditions : de Bouddha à Orphée et d'Artus aux apôtres chrétiens. À ce propos, rappelons que c'est sous le signe du poisson que s'est instaurée la tradition de l'actuel cycle cosmique selon l'hindouisme ; de même, dans le christianisme, les multitudes de poissons rappellent l'image des fidèles. Le “Roi pêcheur”, selon une interprétation pertinente que nous devons à G. Acerbi, assumerait dès lors une fonction cosmogonique de restauration. En se référant au monde de la tradition scandinave, G. Chiesa Isnardi écrit : « Il domine le règne de l'eau, donc un “monde” qui a les caractéristiques du règne des enfers. Mais il est pourtant symbole de sagesse et de fécondité, 2 qualités qui s'acquièrent après un contact fécond avec l'au-delà ». Dans ce même monde scandinave, les dieux-mages et les êtres magiques s'incarnent dans la forme du poisson : Odin, Loki, le nain Andvari. En outre, pour diverses raisons, les poissons apparaissent liés à la magie, par ex. par le fait que le "souffle des poissons” est considéré comme un ingrédient utilisé pour créer Gleipnir, la corde magique qui permettra d'attacher le loup Fenrir.
Chez les Grecs, le poisson est étroitement lié à Aphrodite, en tant que symbole de fécondité et d'amour. Aphrodite, elle aussi, prend la forme du poisson (n'oublions pas qu'elle est née de l'écume de la mer). Les poissons sont ses attributs, comme pour Poséidon. À Rome, les poissons, liés à Venus, ajoutent aux caractéristiques de ceux d'Aphrodite, une dimension funéraire.
Sortons maintenant des horizons spirituels des peuples indo-européens et passons au christianisme. La religion qui a fini par s'imposer à l'Occident a un rapport particulier avec le poisson. Dans l'Église romaine, le poisson est devenu emblème du Christ, notamment dans l'acrostiche ICHTUS, signifiant "poisson" en grec, où les Chrétiens lisent : "Iesous Christos Teou Huis Soter" (Jésus Christ, fils de dieu et sauveur). En outre, « les poissons dans les sacrements, avec le vin et un morceau de pain représentent l'eucharistie et la Dernière Cène… Les premiers pères de l’Église étaient appelés “les fidèles petits poissons”, et les Apôtres étaient définis comme des “pêcheurs d'hommes”… » (Cooper).
Toutes ces convergences du symbolisme ichthyique, dans le christianisme des origines, a été expliqué par l'ouverture de l'âge céleste dominé par les Poissons du Zodiaque, dont nous venons à peine de sortir pour entrer dans l'ère du Verseau. Dans une telle perspective, on peut s'attendre à ce que de nouveaux symboles prennent la place des anciens, avec l'avènement d'une ère nouvelle. De nouveaux mythes fondateurs (ou refondateurs ?) entreront-ils en jeu ?
Alberto Lombardo, Nouvelles de Synergies Européennes n°50, 2001.
(article paru dans La Padania, 11 mars 2001 ; tr. fr. : RS)