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Comme si la France était à refaire !

La décision du Conseil constitutionnel, interdisant aux maires de faire jouer la clause de conscience à propos du mariage homosexuel pose haut et fort le problème des rapports entre notre démocratie et la conscience. La démocratie est-elle toujours le plus vertueux des régimes, comme le pensait Thomas d'Aquin ? N'est-elle pas devenue le plus vicieux... à nos risques et périls ?
C'est Alain Finkielkraut dans son dernier livre, L'identité malheureuse (2013), qui lève ce lièvre d'une phrase pour conclure sa réflexion : nous sommes sans doute en train, dit-il, « d'abandonner l'idée et la pratique de la démocratie au processus qui porte le même nom ». Jusqu'à Jean-Jacques Rousseau inclusivement, et encore pour les hussards noirs de la République en plein XXe siècle, ce régime qu'ils ont appelé de leurs vœux et qu'ils servent est le gouvernement de la Vertu. Les appels à la vertu que l’on a entendu résonner durant la Révolution française n'étaient pas forcément feints. Ils sortaient de la lecture assidue de l'archevêque Fénelon et de Son Télémaque. Ils exprimaient l'esprit d'une époque. Comment se fait-il qu'aujourd'hui démocratie soit souvent synonyme de corruption, corruption qui, il faut le dire, de DSK à Cahuzac prend des formes très diverses, sous la même étiquette socialiste. Il y aurait donc d'un côté l'idée démocratique, noble et généreuse, et de l'autre, de manière absolument équivoque, le processus historique qui porte le nom de démocratie ? Comment comprendre ce divorce entre les principes et la pratique ?
Je crois que si la démocratie a aujourd'hui tant de mal à faire face au jugement de nos consciences, c'est que la crise économique (que l'on appelle la crise de 2008) est en train d'affaiblir considérablement un État dont les représentants ne sont pas à la hauteur. Je crois que si les Bretons en lutte contre l'écotaxe, reprennent au fond le slogan de 1934 À bas les voleurs, en détruisant les portiques de péage, c'est que l’État républicain, à force de tirer sur la ficelle, a rendu l'impôt immoral. Trop d'impôt tue la légitimité de l'impôt. Nous sommes dans un processus bien plus profond que ce que pouvaient signifier les frasques de DSK ou les frasques de Cahuzac ; il ne s'agit plus de jeux d'argents. Comme au beau temps de la gabelle, comme à l'époque des Bonnets rouges (XVIIIe siècle), c'est la légitimité de l’État qui est mise en question. Oh ! Par une minorité, pour l'instant. Mais imaginons que l'État auquel on dénie le droit de promulguer de nouvelles taxes, ne puisse plus payer ses fonctionnaires, ne puisse plus aider à vivre les migrants en situation plus ou moins régulière qui se multiplient sur notre sol, Léonarda ou pas... Que va-t-il se passer ? Ce qui demeure aujourd'hui une protestation morale, marginale par rapport à l'ensemble du Pays, risque de devenir une révolution politique... La France n'est pas la Grèce. Elle ne restera pas passive... Si l’État manque de légitimité, parce qu'il apparaît trop clairement qu'il n'est plus l'expression de la volonté générale des citoyens, mais juste une sorte de fondé de pouvoir agissant au nom de technocrates bruxellois qui se cachent dans l'anonymat, eh bien ! il faudra bien que cette légitimité migre ailleurs. Vers le Front National et la dynastie Le Pen ? C'est aujourd'hui en tout cas la seule porte de sortie du suffrage universel.
Entre crise économique, crise politique et crise morale, l'establishment joue son existence. Le nihilisme semble victorieux, mais on ne fonde jamais rien sur le néant, M. Hollande, qui est le premier des nihilistes, risque de l'apprendre à ses dépens.
Crise de l’État, crise de légitimité
À la crise de la démocratie diagnostiquée par Alain Finkielkraut, s'ajoute maintenant une crise de l’État. À travers l'implosion du nihilisme, actuellement au Pouvoir, qui se dessine dans les événements et pourrait se concrétiser dans les urnes en 2014, on est obligé de constater que sur des sujets très différents, c'est toujours la morale qui est au cœur de l'imbroglio. Que ce soit autour de La Manif pour tous, que ce soit autour de la moralité républicaine, que ce soit autour du droit de l’État à augmenter les impôts et à en créer de nouveaux, c'est chaque fois une question morale qui est sous jacente. Une question de légitimité. Le représentant de la FDSEA qui s'exprimait à la télévision pour justifier les violences paysannes met en cause « le déclin de la Bretagne », comme on le faisait au milieu des années 1930, en évoquant le déclin français. Ce déclin est perceptible pour chaque conscience française. Il faudrait que l'actuel réveil des consciences, qui touche toutes les couches de la population parce que le langage de la conscience est universel, trouve sans tarder une incarnation politique crédible. Avec tout ce qui se passe, c'est un peu comme si la France était à refaire...
On a un peu trop vite voulu enterrer la politique. Nous sommes à un moment où il faut agir, où la politique, dans d'autres pays européens comme la Russie, comme l'Allemagne, comme l'Angleterre même, revient au centre du débat, à un moment où des politiques à l'étranger, semblent s'imposer. La France, par plusieurs symptômes différents, marque qu'elle en a fini avec ses élites. Elle se cherche une volonté, elle veut un chef. Jacques Attali, caisse de résonance de la Pensée mondialisée, a déclaré sur France info (à l'émission de Philippe Vandel) que le fascisme, c'était le combat contre les élites... Appelle-t-il fascisme ce qu'il voit se lever au nom de la morale élémentaire ? Il faudrait le lui demander.
Alain Hasso monde & vie 12 novembre 2013

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