Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Un manque de droiture juridique ! (archive 2008)

Aperçu des bases juridiques dans lesquelles s’incarnent les Droits de l'Homme, parfois au mépris du politique évincé par le "gouvernement des juges"... Pour leur rendre la dignité qui leur revient, et que l'Église ne leur a jamais déniée, il conviendrait de réintégrer ces droits dans un ordre naturel.
Les Droits de l'Homme ne seraient guère plus qu'une philosophie sans grand intérêt s'ils n'avaient pas pourri le droit international et, tout particulièrement, le droit français. En effet, religion séculière contemporaine, pour exister, ils ont besoin de s'incarner sur des bases temporelles, sur des bases juridiques.
Recherche d'une efficacité
La Déclaration universelle des Droits de l'Homme adoptée le 10 décembre 1948 n'avait alors aucune valeur juridique, en ce sens qu'aucune cour internationale ne pouvait s'y référer pour condamner un État. L'absence d'effet contraignant conduisit les pays membres de l'ONU à signer deux nouveaux pactes en 1966 : le Pacte des droits civils et politiques et le Pacte des droits économiques, sociaux et culturels, distinction requise surtout dans un contexte de guerre froide et d'opposition idéologique forte entre les démocraties libérales et les démocraties populaires.Il n'existe cependant, pour les deux pactes, aucun moyen juridictionnel pour rendre effectifs les droits énumérés. Ils font intervenir des solutions diplomatiques différentes mais peu efficaces pour mettre fin à une violation constatée.
Les États membres du Conseil de l'Europe, issu du traité de Londres du 5 mai 1949, adoptèrent la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales qui entra en vigueur le 3 septembre 1953. Une cour fut instituée en 1959, accessible directement aux particuliers dans le cadre d'une procédure juridictionnelle débarrassée de tout aspect politique ou diplomatique depuis 1998 : la Cour européenne des Droits de l'Homme devenait ainsi une forme de "cour suprême", dont la mission consiste à juger les décisions des juridictions nationales au regard des droits contenus dans la Convention européenne des Droits de l'Homme.
Concernant le droit national, le Conseil constitutionnel, sous la Ve République fondée en 1958, dispose, sous certaines conditions de procédure, d'un pouvoir de contrôle de constitutionnalité de la loi. Le contrôle s'exerce non seulement au regard du corps du texte constitutionnel, mais également, depuis 1973, du préambule de la Constitution de 1946, qui consacre quelques principes sociaux "nécessaires à notre temps" et, surtout, de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789. Cela a introduit une "révolution" dans le contrôle de constitutionnalité, ce dernier ayant été conçu par le général De Gaulle pour empêcher toute hégémonie du Parlement dont le pouvoir était strictement encadré : le Conseil constitutionnel, dès lors, ne se contentait plus de juger les lois d'un point de vue de compétence ou de procédure, mais sur le fond, par rapport à des principes vagues et désincarnés.
La Cour européenne des Droits de l'Homme, quant à elle, a, ces dernières années, adopté une attitude que les juristes qualifient de téléologique voire finaliste. C'est-à-dire qu'elle ne va pas se contenter d'interpréter les droits énoncés simplement en fonction du contenu du texte ; elle va chercher un sens à ce droit, à son évolution.
La démocratie balayée
L'interprétation des juges est également dynamique : la cour s'attribue le droit de juger demain une affaire d'une manière différente d'hier, en se fondant sur l'évolution des mentalités par exemple. La Cour fait aussi appel au droit international et aux droits étrangers pour inspirer ses jugements. Comportement logique de la part d'un juge qui est appelé à émettre un jugement sur le fondement de droits biberonnés de libéralisme et donc vagues, imprécis, ouvrant toutes les portes et interprétations possibles. Ainsi, si la Cour européenne a refusé jusqu'à présent de condamner un État qui refuse l'accès au mariage aux couples homosexuels, ce n'est qu'au motif qu'aucun "consensus" n'était encore établi sur le sujet...
Avec la "droit-de-l'hommisation" du droit, on assiste à une situation étrange où la démocratie est balayée par la "juridictionnalisation" de la politique. En France, le contrôle de constitutionnalité devient peu à peu une arme dont use l'opposition contre la majorité gouvernementale. C'est le droit, dont les Droits de l'Homme sont le sommet de la hiérarchie normative, qui est appelé peu à peu à régir la vie politique sous la forme d'un gouvernement des juges. Aux États-Unis d'Amérique, la Suprem Court est de plus en plus contestée car c'est elle qui tranche, et non plus le débat politique, les grands problèmes de société (vie privée, sécurité, avortement, peine de mort, sexualité...). Et il n'y a pas trop à se réjouir que la démocratie soit ainsi mise à mal puisqu'elle permettait encore un semblant de vie politique là où le droit machiniste, rationnel et désincarné imposera le triomphe du libéralisme - et ce au nom de la démocratie, c'est peut-être bien là le plus cocasse.
Alors que faire ? Il ne s'agit pas de condamner par principe l'idée de "Droits de l'Homme", ni même de se renfermer dans un stupide conservatisme souverainiste contre la Convention européenne. Si l'Église catholique n'a pas condamné la déclaration de 1948, c'est bien parce que « le mouvement vers l'identification et la proclamation des Droits de l'Homme est un des efforts les plus importants pour répondre efficacement aux exigences irréductibles de la dignité humaine. » (1) À méditer au sortir du siècle de 1914, lui-même fils du siècle des "Lumières" qui vit, au nom des idéologies les plus abjectes, des gouvernements massacrer et brutaliser leurs peuples.
Libéralisme
Le problème des Droits de l'Homme ne vient pas de leur internationalisation (La dignité humaine n'est-elle pas universelle ?) ni même forcément de leur juridictionnalisation : c'est l'absence de contrôle qui avait permis aux gouvernements de la République de persécuter catholiques et royalistes durant le début du XXe siècle... Le problème est qu'ils sont imprégnés de libéralisme, parce qu'ils sont sécularisés, détachés de toute référence divine. Aussi, ils ne cherchent pas à tendre vers la Vérité mais vers la "liberté" conçue indépendamment du réel, en toute abstraction. Pourtant, Jean-Paul II n'hésitait pas à le rappeler aux théologiens de la Libération à Mexico : « c'est la Vérité qui rend libre », et non pas la "liberté" qui rend vrai.
La source du mal
Ainsi, l'interprétation courante que font les juges des droits humains est une interprétation tronquée, coupée du réel et du bon sens ; elle tend vers une liberté qui, n'ayant elle-même pas de sens, se propulse vers un infini destructeur. Alors que la liberté, au sens chrétien du terme, intègre l'homme en tant qu'animal politique, membre de corps sociaux, membre d'une famille, d'une patrie, attaché à une identité propre, la liberté des libéraux est une liberté totale, sans attaches, désincarnée et déshumanisée. C'est là la vraie source du mal.
Pour rendre aux Droits de l'Homme la dignité qui leur revient, et que l'Église ne leur a jamais déniée, il conviendra de remettre ces droits dans le bon sens, c'est-à-dire les réintégrer dans un ordre naturel, ou les subordonner aux droits de Dieu, diront ceux qui ont la foi. Pour en finir avec le libéralisme juridique, il faudra bien une théologie du droit. (2)
STÉPHANE PIOLENC L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 4 au 17 décembre 2008
1 - Cf. Concile oeucuménique Vatican II, Décl. Dignitas humanae, 1 : AAS 58 (1966) 929-930. Cité dans le Compendium de l'Église catholique (Conseil pontifical Justice et Paix), éd. Bayard, Cerf et Fleurus-Mame, 530 p., 22 euros.
2 - Juristes et profanes liront avec grand intérêt Jalons pour une théologie du droit par le père Philippe André-Vincent ; éd. Téqui, coll. Croire et Savoir, 356 p., 29,80 euros.

Les commentaires sont fermés.