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RELIGION ET PHILOSOPHIE

La religion en Occident donne le sentiment de prendre de moins en moins de place. Même les Américains qui se disent croyants pour la plupart sont sans doute les plus matérialistes. Le Christianisme, religion de sortie de la religion selon certains crée donc un vide spirituel dans lequel s'engouffrent d'autres religions comme l'Islam ou le bouddhisme.
Religion et Philosophie semblent deux mots contradictoires. Pourtant le christianisme a été cette synthèse étonnante. Benoit XVI dans sa conférence de Ratisbonne qui avait choqué certains avait insisté sur la raison qui existe dans le christianisme juxtaposée à la foi. Dans l'islam, il n'existerait que la foi, la vérité se trouvant entièrement dans le Coran, la philosophie devenant superfétatoire ou mécréante. La philosophie par son essence questionnante et même subversive s'oppose à la religion qui se veut la réponse permanente.
La philosophie tout au moins l'occidentale remet sans cesse en question la tradition et sa transmission qui est une des caractéristiques de la religion.
Pour Heidegger, la philosophie est a-religieuse et les religions des idéologies c'est-à-dire des représentations du monde. Son origine catholique d'Allemand du sud et sa formation théologique initiale qui le destinait à la prêtrise ont sans doute créé un trouble intérieur chez quelqu'un qui s'est détaché de sa religion.
Les pères de l'Église comme Saint Augustin ou Saint Thomas d'Aquin avaient pourtant introduit les philosophies de Platon et d'Aristote dans la doctrine chrétienne. La scolastique a même mis la philosophie au service de la religion. Il y a eu de tout temps des mécréants et des esprits forts qui ont raillé la religion. La moquerie qui n'est qu'un sentiment de supériorité peut passer à côté de ce sentiment profond qui a existé chez la plupart des hommes.
Le mot religion vient soit de religare, c'est-à-dire relier, un lien qui unit à la divinité, soit de religere qui signifie respecter. Le sociologue Durkheim donnera une définition de la religion : « Une religion est un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées, c'est-à-dire séparées, interdites, croyances et pratiques qui unissent en une même communauté morale, appelée Église, tous ceux qui y adhèrent ».

Pourquoi la religion ?
Les fondements de la religion sont multiples, de l'angoisse de la mort, la peur due à l'ignorance selon Lucrèce, elle permet aussi la conservation sociale. Tous les tabous et interdits décrétés par la religion permettent aux hommes de cohabiter entre eux. Pour Kant la religion est : « la connaissance de tous nos devoirs en tant que commandements divins ».
La religion « métaphysique du peuple » selon Schopenhauer permet d'offrir des certitudes et des explications dans un monde changeant et parfois hostile. Ce qui est fixe rassure comme ce qui est en mouvement fait peur. Le rite (répétitif par essence) élément de la religion tranquillise les âmes. Les catholiques traditionnalistes par exemple ne veulent pas que l'on change la messe en latin de leur enfance.
Bergson distinguera la religion statique, celle qui est liée à la morale. Elle a un rôle de protection sociale et la religion dynamique de l'expérience religieuse. La religion statique fait contrepoids à l'intelligence qui a un rôle dissolvant.
« C'est une réaction défensive de la nature contre ce qu'il pourrait y avoir de déprimant pour l'individu et de dissolvant pour la société, dans l'exercice de l'intelligence » (Bergson).
La religion dynamique transporte l'âme et peut aller jusqu'au mysticisme. La religion pour un individu est structurante. L'éducation religieuse de l'enfance a ses prolongements même pour un individu qui s'en détache. En plus de la morale, elle crée une sensibilité. Les valeurs du Christianisme se sont sécularisées. Mais si la religion peut créer une certaine unité de ceux qui ont la même, elle divise aussi les hommes entre eux et peut même les opposer en fonction de leurs croyances. Les guerres religieuses ont existé à toutes les époques et continuent à exister. Samuel Huntington dans le choc des civilisations disait que les deux facteurs les plus importants qui déterminent un individu sont la religion et la race qui créent les solidarités et les oppositions. La certitude de posséder la vérité peut conduire à vouloir l'imposer, même par la violence, comme dans le Djihad. Les universalismes chrétien ou musulman s'opposent encore. Les religions donc divisent les hommes.

Les critiques de la religion
La philosophie en elle-même peut être une critique, une opposition à la religion. Elle valorise le raisonnement contre la révélation, la raison contre la foi. La science même si elle a aussi ses critiques a ébranlé nombre de certitudes religieuses passées. La science a toujours cherché des explications causales et non surnaturelles. Mais l'idolâtrie de la science peut devenir une nouvelle religion.

Feuerbach et l'aliénation
Ludwig Feuerbach a écrit l'essence du christianisme. Ce livre peut bien sûr se généraliser à d'autres religions. L'homme a créé un Dieu auquel il attribue toutes les qualités. Il ne fait que se projeter dans son Dieu. Ceci n'est pas sans conséquence sur l'homme puisqu'il ne devient rien face à son Dieu. Il ne faut pas oublier qu'Islam veut dire soumission et musulman esclave de Dieu.
Dans la position à genoux, l'homme se rabaisse, comme le musulman se prosterne cinq fois par jour devant Allah tout puissant. « Pour enrichir Dieu, l'homme doit s'appauvrir, pour que Dieu soit tout, l'homme doit n'être rien... L'homme - tel est le mystère de la religion- objective son essence, puis à nouveau fait de lui-même l'objet de cet être objectivé, métamorphosé en un sujet, une personne » (Feuerbach, l'essence du christianisme).

Marx
Dans la religion, l'homme trouve ce qu'il n'a pas sur terre. L'homme dans la religion met tous ses rêves, ses espérances. Le paradis n'est que le monde tel qu'il voudrait qu'il soit. La religion sert les intérêts de la classe dominante en empêchant de se révolter contre elle, en acceptant l'ordre établi en maintenant le peuple dans une léthargie intellectuelle.
« La détresse religieuse est, pour une part, l'expérience de la détresse réelle, et pour une autre la protestation contre la détresse réelle. La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans cœur, comme elle est l'esprit de conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple... ».

Nietzsche
Ce philosophe a particulièrement attaqué le christianisme mais aussi la religion en général. Celui qui ne peut plus rien faire prêche la vertu comme l'impuissant prône la chasteté. Le prêtre n'est qu'un malade qui cherche à jouir d'éprouver un sentiment de supériorité dans son ascétisme. Le corps, la vie sont rabaissés par la religion. Les notions de faute et de péché empoisonnent l'existence. On considère l'orgueil comme péché puisqu'on n'a plus la force de revendiquer sa fierté.
Avant Freud, Nietzsche a parlé de névrose religieuse.
Nietzsche annoncera la mort de Dieu, mais la religion ne se limite pas à la croyance. Le philosophe de Leipzig fut sans doute celui qui a écrit le plus durement sur la religion et le christianisme en particulier. Nietzsche distinguera quand même les religions affirmatives comme la religion des Grecs qui valorisent la vigueur, la jeunesse et les religions négatives comme le christianisme, religion du ressentiment qui dévalorisent tout ce qui est noble pour promouvoir ce qui est bas et vil, bref faire de tout ce qui est misérable vertu.

Freud
La religion n'est qu'une illusion qui a son origine dans la détresse infantile. Dieu n'est que la figure du père protecteur. La religion n'est qu'infantilisme.
« Je suis en contradiction avec vous lorsque, poursuivant vos déductions, vous dites que l'homme ne saurait absolument pas se passer de la consolation que lui apporte l'illusion religieuse. Le stade de l'infantilisme n'est-il pas destiné à être dépassé ? L'homme ne peut éternellement demeurer un enfant, il lui faut s'aventurer dans l'univers hostile » (Freud).

Conclusion
Notre société occidentale n'est pas devenue anti-religieuse mais a-religieuse. Les combats laïcards de la fin du XIXeme siècle et du début du XXeme siècle contre la religion semblent de nos jours bien dérisoires. Le communisme avait voulu éradiquer la religion pour instituer un athéisme officiel. Cela a-t'il rendu l'homme meilleur ? « L'athéisme est aristocratique » disait Robespierre au XVIIIeme mais l'athéisme actuel est devenu misérabiliste ou de faiblesse comme l'avait entrevu Nietzsche « Dieu est mort » résonne surtout en Occident mais notre société a-religieuse est attaquée de toutes parts par des religions encore plus fanatiques et conquérantes. On a voulu remplacer la religion chrétienne par celles des droits de l'homme ou de la tolérance, mais qui n'auront jamais la même teneur. La religion ne transmettait pas que la morale comme le disait Kant mais aussi des valeurs culturelles comme l'Art.
En économie, la loi de Gresham énonçait : « la mauvaise monnaie chasse la bonne ». En est-il de même des religions ?
Patrice GROS-SUAUDEAU

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