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Prendre les pouvoirs

L’avènement de citoyens engagés décidant de pallier les manques des pouvoirs publics signale le début d’une nouvelle ère politique, où le peuple reprend le pouvoir.

Quand l’État n’est pas occupé à abandonner sa souveraineté économique ou à fabriquer une masse prolétarisée appauvrie, il empile des lois absurdes, déséquilibrées, minutieuses et tatillonnes, qui laissent perplexes les malheureux qui doivent s’y conformer. Qui n’a jamais essayé de mettre aux normes un bâtiment commercial dans une rue classée en respectant à la fois les exigences du code du travail, les oukases des architectes des bâtiments de France et les desiderata des mairies ne connaît pas son bonheur. On assiste donc très logiquement à une émergence forte du « fais-le toi-même » dès qu’un espace de liberté ou de tolérance se dessine, qui va du classique (rejet absolu des partis et contestation issue “de la base”) au plus original et jusqu’au crucial. On peut faire soi-même son dentifrice et son compost, délaissant les grandes surfaces, ou pratiquer le guerilla gardening (transformer en jardins des friches publiques). Plus intéressant, on peut pointer du doigt tous les dysfonctionnements des appareils publics ou assimilés, ou simplement montrer que le souci du bien commun a déserté les administrations, qui ne songent que très rarement aux usagers. C’est ce que font les membres du collectif Fabrique / Hacktion. Ils identifient ce qui manque – surtout au regard des injonctions morales qui nous obligent à vivre ensemble ou maintenir notre ville propre. Par exemple, pour les villes qui, comme Berlin ou Londres, vendent des tickets de métro valables plusieurs heures, quelque utilisation qui en ait été faite, ils imaginent une boite pour partager son ticket quand on n’en a plus besoin ; ou transforment les cabines téléphoniques publiques, inutiles, en stations de recharge pour les téléphones mobiles, avec une petite dynamo manuelle. Les idées sont évidentes, la mise en œuvre se passe d’autorisation, et les auteurs partagent leurs analyses mais surtout les modes d’emploi pour reproduire les dispositifs, qui utilisent à plein les possibilités offertes par les imprimantes 3D et les fab lab, ces ateliers collaboratifs mettant à disposition des équipements de production dispendieux. On ignore la pérennité des dispositifs mis en place ou la fécondité de la démarche, mais il y a là une vérité politique immédiate : on peut se soucier du bien commun et investir les espaces publics sans attendre l’aide ou l’autorisation de l’État. Poussée dans ses développements logiques, la même idée aboutit naturellement à créer ses propres écoles libres pour pallier la faillite de l’éducation nationale. Trente-sept avaient ouvert l’an dernier, il y en aura soixante-et-une de plus cette année. « Ce mouvement de la société civile n’est-il pas de bon augure sur la capacité du peuple français à se prendre lui-même en main et à innover dans le contexte de la défaillance croissante de l’État ? » comme le souligne dans le Figaro Anne Coffinier, de la Fondation pour l’École. Quand l’État n’assure plus son rôle, il est possible d’agir au lieu de seulement se lamenter. A contrario, on devrait aussi s’intéresser à tous les dispositifs, si prisés, qui permettent de surveiller soi-même sa santé : la e-santé, qui permet de prendre sa tension, d’examiner ses urines ou d’analyser soi-même son sang, ne préfigure-t-elle pas une gigantesque surveillance sociale sous prétexte d’assurer une bonne santé, opérateurs de santé, banquier, assureurs et administrations travaillant à collecter et exploiter de concert les mêmes données ? Il ne suffit pas de bêler « innovation » comme Valls ou Juppé, encore faut-il être capable de prendre la mesure politique de la révolution digitale, ce dont nos politiques semblent tristement incapables, comme l’analyse brillamment Evgeny Morozov. De même qu’il y a les libertés, il y a les pouvoirs. A défaut de prendre immédiatement le pouvoir, ne serait-il pas pertinent de commencer par prendre les pouvoirs – pouvoir d’éducation, pouvoir d’aménagement, pouvoir de boycott des technologies liberticides ? Restreindre le champ d’action de l’État légal, borner sa légitimité, mettre à jour son dévoiement des fonctions régaliennes, c’est empiriquement pratiquer la meilleure politique.

Philippe Mesnard - L’AF 2892

Sites :

http://guerilla-gardening-france.fr/

http://www.fabrique-hacktion.com/

http://www.lefabshop.fr/fabclub/les...

http://www.internetactu.net/2014/09...

http://www.fondationpourlecole.org/

http://www.actionfrancaise.net/craf/?Prendre-les-pouvoirs

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