À la veille du Congrès de Lyon, le journal Présent a interrogé Bruno Gollnisch, nous reproduisons ici cet entretien.
- Selon vous, quels sont les enjeux que représente ce Congrès pour le Front National ?
Il est évident que les enjeux y sont assez limités ; je serais tenté de dire : heureusement ! À la différence des habituels congrès fratricides de nos concurrents politiques, cet évènement sera, je l’espère, un grand moment d’amitié française, alternant travaux des tables-rondes thématiques avec animations, banquets et rencontres.
En outre, ce XVe congrès du Front National permettra tout d’abord de respecter les règles juridiques et statutaires qui s’imposent à notre mouvement : voter le quitus (la confiance sur les bases du bilan passé) au président sortant (Marine le Pen), réélire un président pour un nouveau mandat de trois ans (là non plus, il n’y a guère d’enjeu, car contrairement à 2011 je ne suis pas candidat) ; élire le nouveau comité central. Les questionnaires envisagés initialement n’ayant pas été envoyés à nos adhérents, et les propositions de motions thématiques n’ayant pas été retenues, il n’y a pas non plus d’enjeu doctrinal. J’ai pu regretter que le Congrès ne soit pas l’occasion d’une mise à jour de notre ancien programme, très complet et très cohérent, mais qu’il faut assurément adapter à la situation actuelle du monde et de notre pays, qui a évolué, et pas en bien ! Mais j’ai du convenir qu’il était difficile d’y procéder en moins de 48 heures. Du moins y aura-t-il un certain nombre de forum qui peuvent apporter des éclairages inhabituels, comme celui consacré à l’écologie, une grande idée de notre famille d’esprit depuis ses origines, « récupérée » et totalement dévoyée par les militants de gauche et d’extrême gauche qui s’en sont emparé.
- Cité par l’Express en date du 5 novembre, vous disiez votre regret de ne pas avoir accepté la vice-présidence du FN que Marine Le Pen vous avait proposée au Congrès de 2011. Pourquoi ce refus ?
Je répondais en effet à la question d’un de vos confrères. La formule ne doit pas laisser penser à quelque amertume que ce soit de ma part. Lors de la succession de Jean-Marie Le Pen, Marine Le Pen tout juste élue m’avait proposé, dans un très louable souci d’unité, je suppose, de devenir le seul et unique vice-président du FN. Deux raisons m’avaient alors poussé à décliner cette offre : la première était que je souhaitais laisser les coudées franches à Marine, avec laquelle nous avions exprimé pendant notre campagne interne des points de vu divergents sur la gestion interne du parti. À partir du moment où elle avait été élue, et où je m’inclinais devant ce résultat, je pensais préférable de la laisser constituer son équipe. La seconde était liée à mon souhait de ne pas réduire à un seul le nombre de vice-présidents, fonction occupée par d’autres personnes de qualité. Mon regret est plus lié au fait que cette situation ait été interprétée à tort comme l’abandon de mes responsabilités au niveau international, ce qui n’était pas dans mes intentions et n’a pas été discuté entre nous. J’aurais aussi sans doute pu avoir plus de visibilité ou de responsabilités thématiques. Mais comme le dit Shakespeare, « qui n’a plus d’espoirs n’a plus de regrets ». J’entends bien compter dans les prochaines batailles de France, et mon « regret » ne s’est exprimé que pour signifier cet état d’esprit toujours disponible et combatif !
- Dans le même article, vous déploriez le fait qu’on « aille chercher en dehors du FN des compétences qui s’y trouvent ». Comment expliquer un tel état de fait ?
Déplorer est un terme excessif, que je n’ai pas prononcé. Mais il est vrai que nous n’avions pas attendu ces dernières années pour faire appel à des compétences : experts divers, chefs d’entreprise, ingénieurs, hauts fonctionnaires, universitaires, etc. En témoignent, entre autres, les remarquables travaux de notre Conseil Scientifique d’alors, qui, sous la direction du regretté Pr. Jacques Robichez, de la Sorbonne, de Hugues Petit, Maître de Conférences à l’Université de Grenoble, de Thibaut de La Tocnaye, ingénieur centralien, innovateur et créateur d’entreprises, a produit des colloques, des publications, des travaux remarquables. Toutes les compétences ne viennent pas de l’extérieur. Les ralliements récents sont de beaux signes d’encouragements, et pour montrer notre ouverture on donne beaucoup d’importance à ceux qui nous rejoignent ainsi. Mais il est vrai que je suis aussi et surtout un fervent partisan d’une école qui permette de former intégralement nos cadres, avec la solide colonne vertébrale de notre école de pensée. Une école militante au sein même de notre mouvement, qui lierait à la fois les compétences universitaires ou professionnelles de nos adhérents les plus qualifiés avec les épreuves ou les défis auxquels nous sommes tous confrontés. Une vraie et belle méritocratie française, empreinte de dévouement et de fidélité.
- Il y a peu, vous preniez votre distance avec les commémorations de la mort de De Gaulle par des membres du FN, notamment de jeunes militants tels que le nouveau président du FNJ, Gaëtan Dussausaye. Verrait-on monter en puissance un « gaullisme frontiste » alors que vous estimez que des « dizaines de milliers d’adhérents du FN » ne pourront jamais se reconnaître dans l’héritage de De Gaulle ?
Nous constatons un phénomène indépendant de notre volonté : s’estimant à juste titre trahis par leurs aînés, de plus en plus d’héritiers du gaullisme se rapprochent du Front National. Cela ne me gêne en aucun cas, puisque il est du principe même du FN d’être un grand rassemblement, cherchant toujours ce qui unit et rejetant autant que possible les ferments de la division. Mais il ne faut pas oublier aussi ce qui a fondé l’engagement de beaucoup d’entre nous, et justement éviter de raviver les plaies encore mal cicatrisées du passé. Pour ma part, j’ai déjà dit que je mettais irrévocablement trois fautes graves au passif du général De Gaulle: 1) Il a couvert à la Libération la terrible et mensongère fiction selon laquelle ceux qui avaient servi le gouvernement légal de la France, et souvent accompli des prouesses pour assurer la survie du pays, étaient tous des traîtres. 2) Revenu au pouvoir pour conserver l’Algérie à la France, et s’y étant solennellement engagé, il a abandonné nos compatriotes, européens ou musulmans, au FLN, dans des conditions d’une brutalité effroyable. 3) Il y a aussi sa complaisance à l’égard du communisme et du marxisme, auxquels il a abandonné les sphères intellectuelles et culturelles du pays, ce qui a conduit inéluctablement aux évènements de mai 68.
Ceci étant dit une fois pour toutes, j’avais bien précisé que j’avais été heureux de travailler au Parlement Européen avec le petit-fils du Général, Charles De Gaulle, patriote indiscutable, et qui défendait honorablement la mémoire de son grand-père, ce qui ne l’avait pas empêché de rejoindre nos rangs. Je me souviens de discussions animées et intéressantes avec lui et avec Jean-Marie Le Pen au Parlement. C’est très bien que tous les patriotes puissent se réconcilier, mais il me semble que ce sur ce sujet du gaullisme les mythologies prospèrent plus vite que la réalité. Des jeunes gens, qui n’ont pas du tout connu l’époque, créditent le général d’une volonté d’indépendance et d’affirmation de la souveraineté nationale. Mais le personnage est bien plus clivant qu’il n’y paraît : je leur conseille donc la retenue sur ce sujet, et en tous cas d’éviter ces signes ostentatoires. Cela me semble sage.
- Marine Le Pen peut-elle gagner la présidentielle de 2017 ?
L’état de délabrement du pays, la défiance vis-à-vis des appareils politiques du système, leur république bananière à bout de souffle: les ingrédients semblent prêts pour une belle révolution patriotique en mai 2017. Il nous faudra veiller, comme je vous le disais, à chercher à unir, à rassembler, et à convaincre. L’espérance est nôtre! A nous, hommes et femmes de bonne volonté, à batailler. Et gardons la confiance dans ce qui suit cette prédiction de Jeanne…
http://gollnisch.com/2014/11/28/bruno-gollnisch-esperance-est-notre/