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Pourquoi la City veut-elle détruire la Russie ?

Plusieurs publications récentes éclairent d’un jour nouveau certains éléments restés cachés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le 16 août, le site « Réseau international » publiait un article mettant en cause les services secrets britanniques dans l’affaire du « Russia gate ». Deux jours après, une autre publication consacrée à la réunion d’Anchorage révélait que l’Angleterre avait envisagée une « opération impensable ». Ce matin, un article très documenté consacré à l’évolution de la pensée de Mackinder durant la seconde guerre mondiale vient compléter les deux précédents.

La Russie est l’ennemi à abattre

Certains historiens considèrent que Halford J. Mackinder est le véritable père de la géopolitique. Son article « The Geographical Pivot of History »,connu sous le nom de « théorie du heartland » et publié en 1904 s’inscrivait naturellement dans le concept de la « pax britannica »et de l’hégémonie de l’Angleterre sur les reste du monde. Cette position conquérante était due à la puissance maritime de l’Angleterre, inégalée à cette époque.

En 1943, au tournant de la guerre en Europe, il présente son article « The Round World and the Winning of the Peace » dans lequel il désigne l’URSS comme la puissance qui réunissait toutes les conditions pour pouvoir, à terme, menacer les puissances maritimes occidentales.

« Pour bien comprendre la valeur stratégique du Heartland russe, ou plutôt soviétique, Mackinder compare cette région à la France. Selon lui, la France dispose d’un espace suffisant pour assurer sa défense en profondeur et sa retraite stratégique et, à l’exception de ses frontières nord-est, elle est entourée de frontières naturelles : les mers, les Alpes et les Pyrénées. De même, la Russie reproduit le modèle de la France, mais à plus grande échelle : à l’arrière se trouve la vaste plaine du Heartland, utile pour la défense en profondeur et la retraite stratégique ; plus loin, cette plaine s’enfonce vers l’est dans les remparts naturels des côtes inaccessibles de l’Arctique, la région sauvage du Lenaland derrière le Iénisséi et la frange montagneuse qui s’étend de l’Altaï à l’Hindu Kush, adossée aux déserts de Gobi, du Tibet et d’Iran. En effet, ces barrières naturelles, qu’il cite, possèdent une telle ampleur et une telle substance qu’elles dépassent de loin, en valeur défensive, les côtes et les montagnes qui entourent la France. Il est vrai, note Mackinder, qu’aujourd’hui les brise-glaces peuvent transformer la mer Arctique en une voie navigable, mais il est également vrai que, malgré cela, il est peu réaliste d’envisager une invasion terrestre complète à partir de là.

Deux ans avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, Mackinder prédisait que si l’URSS avait conquis l’Allemagne, elle serait devenue la plus grande puissance terrestre du monde, ainsi que la puissance occupant la position défensive la plus forte sur le plan stratégique, en contrôlant entièrement le Heartland, qui est la plus grande forteresse naturelle de la planète, la citadelle de la puissance terrestre sur le plus grand continent du monde, l’Eurasie. Ce que l’auteur avait prévu allait devenir encore plus réaliste après la division de l’Allemagne en deux républiques et la création du système d’alliances du Pacte de Varsovie » (extrait de l’article du réseau international)

Deux observations découlent de ce texte. La première est la profondeur stratégique de l’URSS qui la rend pratiquement invincible à toute tentative d’invasion. La seconde est que si l’URSS réussissait à conquérir l’Allemagne, elle deviendrait la plus grande puissance mondiale.

Je n’irais pas jusqu’à dire que le revirement des alliés pour débarquer en Normandie après avoir longuement tergiversé venait de là, mais la question peut-être posée.

Un encerclement progressif

Après avoir rencontré les premières lignes de l’armée rouge sur les bords de l’Elbe, les troupes américaines avaient, en quelque sorte, officialisées le partage de l’Allemagne. Cette fraternisation au niveau des combattants ne semblait pas s’être étendue au niveau des dirigeants politiques alliés puisque l’idée de continuer sur la lancée jusqu’à Moscou avait été évoquée et fait l’objet de ce qui a été appelé « l’impensable opération » (voir au début)

De fait, la théorie de l’encerclement de la Russie par les puissances maritimes se retrouve dans le livre de Zbignew Brzezinski en 1977 « le grand échiquier ». Que s’est-il passé entre 1943 et 1997 ? Beaucoup de choses :

Hormis l’impensable opération de 1945, les États-Unis sont devenus une hyperpuissance dotée de l’arme nucléaire, ce qui changeait complètement la notion de « profondeur stratégique » et Churchill, dans son très mondialiste « discours sur le rideau de fer » faisait un appel au peuple américain pour que ce dernier prenne conscience du danger que représente l’URSS et que seule l’union de la puissance de États-Unis à celle de l’Empire britannique permettra de le conjurer dans le cadre des Nations Unies.

Puis il y eut la « guerre froide » et ses différents épisodes alternant tension et détente, désarmement et réarmement au gré des situations internationales. Après l’affaire de l’Afghanistan, les jours de l’URSS étaient comptés et celle-ci fut  dissoute en 1991 sans que le moindre coup de feu soit tiré. , De Gaulle avait prédit que « la Russie boira le communisme comme le buvard boit l’encre ». A quelqu’un qui lui faisait remarquer qu’il parlait toujours de la Russie et non de l’URSS,il répliqua que, contrairement à l’URSS, la Russie était éternelle. Négligeant cette parole de pur bon sens ainsi que l’analyse de Mackinder, ceux qui dirigeaient réellement le monde occidental, à savoir la City et sa succursale de Wall Street ont cru à « la fin de l’histoire » et que, dorénavant, le monde entier leur appartenait. Mettant en application la théorie du « containment » définie par Kennan dès 1947, celle fut sortie de la naphtaline et, malgré l’engagement de l’OTAN après la réunification de l’Allemagne, celle-ci se rapprocha de plus en plus des frontières de la Russie. Lorsque Vladimir Poutine, en 2014, rappela cette promesse, les diplomates occidentaux lui répondirent avec une certaine mauvaise foi que cela n’avait jamais écrit. Aujourd’hui la lecture de certains documents déclassifiés donnent raison à Poutine. La guerre en Ukraine semble être une conséquence directe de cette volonté mentionnée dans le livre de Brzezinski et qui reprend les conclusions de Mackinder sur les plaines de l’Europe orientale comme seul accès pour entrer en Russie. Il reste à comprendre pourquoi cette guerre a eu lieu maintenant et quel était son objectif réel.

Un monde en plein bouleversement

L’essor économique de la Chine, né en grande partie de la volonté de la finance internationale qui contrôle le dollar afin d’augmenter ses marges, a eu comme effet la désindustrialisation marquée des pays occidentaux. Tôt ou tard, la Chine et d’autres pays allaient se réveiller et repenser tout le commerce international. Depuis 1971, le dollar y régnait en maître et pouvait être créé à partir de rien sans aucune limite, dès lors que la dette américaine issue de sa création était rachetée par les autres pays. Cette situation ultra-confortable se faisait néanmoins au détriment d’autres pays qui, eux, comme la Chine, engrangeaient de la dette américaine dans des proportions qui pouvaient menacer leur propre monnaie. Le développement des BRICS, notamment, pouvait présenter une menace sérieuse à terme. Il se trouve que la Russie, de par ses richesses naturelles, prenait une importance croissante dans ce développement.

On peut considérer que la période 2014 n’a été que celles de préparatifs à un conflit futur qui, de facto, opposerait le monde monopolaire encore dominé par le dollar et la puissance militaire américaine face à un monde multipolaire en devenir ralliant de plus en plus de gens souhaitant se libérer de la servitude du dollar.

Dans ce contexte, 2019 a été une date « charnière ». Le discours de Mark Carney, gouverneur de la Banque d’Angleterre dans lequel il fait l’état des lieux du dollar au cours de la réunion des banquiers centraux au mois d’août à Jackson Hole (Wyoming) a vraisemblablement été à l’origine d’une montée sans précédent des dettes publiques. Il voulait « tuer » le dollar en poussant le système à ses limites puis le remplacer par une monnaie électronique contrôlée exclusivement par les banques centrales. Et cela devait se faire avant qu’une autre monnaie -chinoise ou autre-supplante le dollar entant que monnaie internationale.

Le Covid, puis les vaccins ont ils été les effets de cette décision ? On peut le penser. La guerre en Ukraine, survenue juste après, a vu un nombre important de sanctions financières frapper la Russie, sans qu’il y ait de résultat probant. Par contre, ces sanctions ont permis de révéler que certains pays européens étaient très dépendants de la Russie, notamment pour l’énergie.  Les progrès réalisés par les BRICS et d’autres associations de pays ont pu alors être mesurés et révélèrent, au travers d’un certain nombre de votes aux Nations Unies, l’apparition d’un « Grand Sud » largement majoritaire dans le monde. Cette guerre à l’apparence d’une guerre régionale. La Russie et l’Ukraine s’affrontent pour des questions de frontières. Un peu court, n’est-ce pas ? N’était-t-elle pas plutôt une sorte de détonateur destiné à précipiter le reste du monde dans un conflit généralisé ?

Et alors, Trump est arrivé

Jusqu’à un passé récent, il y avait un pouvoir d’apparence au États-Unis, mais dans la réalité exercé par ce qu’on peut appeler « l’État profond » lui même constitué par une oligarchie financière contrôlant, outre la monnaie, la quasi-totalité des médias. La réélection de Trump à la Maison-Blanche avec une grande majorité populaire signifie la défaite de cet État profond. Pour autant, cet État profond est loin d’être anéanti car il s’est « supranationalisé » notamment  en Europe où, visiblement, il a conservé certains moyens d’action, notamment au niveau des dirigeants. Donald Trump le sait parfaitement et a entrepris de les « marginaliser » en rétablissant des relations avec la Russie, leur ennemi déclaré. A partir de là, le sort de l’Ukraine était scellé car, même si l’on peut penser que certains dirigeants européens voulaient que la guerre continue, Trump et Poutine semblent s’être mis d’accord sur les conditions de retour à la paix. C’est une défaite pour l’OTAN et l’État profond qui la contrôle.

La seule question qui se pose est de savoir si l’oligarchie financière a encore ou non les moyens de déclencher un conflit mondial…

Jean Goychman

Crédit photo : DR
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