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Macron et sa fragile équation européenne

6a00d8341c715453ef022ad39cb626200d-320wi.jpgPour la Macronie les difficultés européennes ne viendront pas seulement des contradictions intérieures[1]. L'annonce par la chancelière Merkel de la fin de sa carrière pourrait, certes, être considérée comme une bonne nouvelle. Depuis 2015, non seulement sa politique migratoire témoignait de son décalage par rapport aux réalités. Elle avait surtout accentué les divisions au sein de la famille européenne. Le résultat du référendum de 2016 en Angleterre, que votre serviteur persiste à tenir, à de nombreux titres, pour une catastrophe, lui doit beaucoup.

Mais cette nouvelle nous remémore une bonne vieille règle qu'on n'enseigne pas assez dans les hautes écoles : on sait ce que l'on perd, on ne sait pas ce que l'on va retrouver.

Elle souligne aujourd'hui, d'autre part, la fragilité de l'équation européenne dans laquelle le président Jupiter imagine entraîner sa politique et imposer son influence. Frau Merkel avait certes cessé depuis longtemps de faire figure d'alliée pour le parti macronien de La république en marche en vue du scrutin de 2019.

D'un tel point de vue et en dépit des lourdeurs institutionnelles de l'Union, la machine des alliances en vue du Parlement européen et du pouvoir qui en résultera tourne peut-être au ralenti, mais elle fonctionne indépendamment des spasmes et des modes de l'opinion parisienne. Et il y a belle lurette que la France n'est plus considérée comme centrale dans le processus de décision.

Un fait méconnu des Français, qui pestent si souvent contre les décisions de la commission de Bruxelles et qui voient dans l'Union européenne une construction fédéraliste, ni le traité de Maastricht négocié en 1991, et rédigé par l'équipe Delors, ni le traité de Lisbonne signé en 2007 n'instituent même une confédération. Nous en sommes restés, pour l’essentiel des prises de décision, à une Europe des États, des étatismes et des technocrates.

Parallèlement la plupart des opinions organisées en Europe n'attendent pas béatement les oukases venant du ciel bruxellois. D'une part de forts courants s'opposent, dans un grand nombre de pays, au principe même de décisions prises en dehors de chacune de nos frontières. D'autre part, au sein du Parlement, que l'on va renouveler en 2019, s'est progressivement construit le sentiment de détenir la légitimité démocratique, puisqu'il s'agit de la seule instance élue par les peuples, contrairement aux autres institutions, qu'il s'agisse de la Cour de Justice, de la Banque centrale, du Conseil des États, etc.

Depuis 2014, et conformément à l'esprit d'un article un peu vague du traité de Lisbonne, s'y est établie la doctrine dite du Spitzenkandidat, théorie et, désormais pratique, qu'il semble tabou d'évoquer de ce côté-ci du Rhin.

Le traité dispose en effet : "En tenant compte des élections au Parlement européen, et après avoir procédé aux consultations appropriées, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, propose au Parlement européen un candidat à la fonction de président de la Commission. Ce candidat est élu par le Parlement européen à la majorité des membres qui le composent."[2]

L'expression "en tenant compte" peut prêter à interprétation mais elle ouvre indiscutablement la voie à la désignation de la "tête de liste"[3] du parti arrivé en tête comme cela se fait dans la plupart des régimes parlementaires. C'est à ce titre que Juncker en 2014, tête de liste du PPE, s'est trouvé propulsé à la tête de la Commission, sans que cela gênât beaucoup les États habitués à choisir le plus insignifiant, tel son prédecesseur Barroso. De plus à l'époque un accord entre le PPE et les sociaux-démocrates laissa à ces derniers la présidence du Parlement concédée à Martin Schulz.

Les choses risquent de changer dans la prochaine mandature. Certes, tout le monde prévoit, dans l'Europe des 27, une relative victoire du PPE, auquel est affiliée la droite "républicaine" française. Mais on observe aussi presque partout une tendance à l'effondrement des sociaux-démocrates.

De toute manière les macroniens français ne seront ni dans le PPE, où la place est prise par Laurent Wauquiez, ni affiliés aux socialistes. On les voit contraints de se raccorder au troisième groupe du parlement, l'Alliance des Libéraux démocrates, centristes conduits par le Belge Verhofstadt, qui bien que finalement assez peu représentatif s'exprime comme s'il incarnait l'Europe à lui tout seul. [4]

Un tel rapprochement ne donnera pas les clefs de la présidence de la Commission à notre président jupitérien.

Macron sera donc amené à s'arc-bouter aux bonnes vieilles intrigues et aux marchandages de l'Europe des États. L'homme qui en Slovaquie et en Tchéquie, se posait encore le 26 octobre en avocat de la cause européenne[5], en lutte contre le populisme, etc. va se trouver contraint de faire en pratique le contraire de ce qu'en théorie il préconise.

JG Malliarakis  

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Apostilles

[1] cette chronique fait suite à celle du 29 octobre "Macron ramasse miettes du socialisme"
[2] cf. Article 17 § 7.
[3] en allemand : der Spitzenkandidat.
[4] On lira pour s'en convaincre sa chronique publiée par L'Opinion le 3 septembre où il prétend poser ainsi la question : "Le PPE est-il encore dans le camp proeuropéen ou non ?" [seuls sont proeuropéens, dans sa rhétorique, ceux qui pensent comme lui] : "Commission européenne: Viktor Orban, Spitzenkandidat du PPE ?".
[5] En visite en Slovaquie, puis en Tchéquie, il s'est posé en avocat de la cause européenne, et en lutte contre le populisme.
cf. "En Europe centrale, Macron poursuit sa campagne contre les nationalistes"

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