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En septembre 1914, le sursaut de la Marne a sauvé la France

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En août 1914, l'incapacité des chefs, la faiblesse des doctrines, la mauvaise préparation des troupes, le manque d'organisation coûta à la France une série de revers. Après une retraite épuisante, la situation fut pourtant sauvée en septembre sur la Marne, grâce à l'énergie, au courage et au sacrifice des hommes.

« Je demande, avec un battement de cœur; "Alors, mon capitaine, c'est une grande victoire ?

« - Je ne sais pas… pas encore. Mais sûrement, oui, si tous les fantassins du front ont marché depuis dimanche comme ceux du corps d'armée." Une houle de joie me bouleverse, un élan très fort et très doux, fervent, religieux. Que ce soit vrai ! Que ce soit vrai ! »

C'est ainsi que le sous-lieutenant Maurice Genevoix apprend que la bataille à laquelle il vient de participer est une victoire, une « grande victoire » en effet, à propos de laquelle on parlera même du « miracle de la Marne », selon une expression que Maurice Barres sera, semble-t-il, le premier à utiliser.

C'est au moins un miracle d'énergie dont les chefs allemands eux-mêmes reconnurent qu'ils ne croyaient pas capables ces soldats français, qui retraitaient depuis des jours, presque sans dormir, ni manger. Ainsi, le général von Kluck, commandant la 1ère armée allemande, avoue : « Que des hommes se fassent tuer sur place, c’est là une chose bien connue et escomptée dans chaque plan de bataille. Mais que des hommes ayant reculé pendant dix jours, que des hommes couchés par terre, à demi-morts de fatigue, puissent reprendre le fusil et attaquer au son du clairon, c'est là une chose avec laquelle nous n’avions jamais appris à compter; c'est là une possibilité dont il n a jamais été question dans nos écoles de guerre… »

Le témoignage de Roland Dorgelès

La retraite a marqué les esprits des hommes qui y participèrent, plus encore que les défaites du mois d'août 1914, Morhange, la bataille des frontières dans les Ardennes, Charleroi ou même la Marne. Roland Dorgelès, vétéran de la Grande guerre, le rapporte dans Les Croix de bois : « Ils étaient tous les mêmes. La retraite, c'était l'opération stratégique dont ils étaient le plus fiers, la seule action à laquelle ils se vantaient immodérément d'avoir participé, c’était le fond de tous leurs récits : la Retraite, la terrible marche forcée, de Charleroi à Montmirail, sans haltes, sans soupe, sans but, les régiments mêlés, zouaves et biffins, chasseurs et génie, les blessés effarés et trébuchants, les traînards hâves que les gendarmes abattaient; les sacs, les équipements jetés dans les fossés, les batailles d'un jour, toujours acharnées, parfois victorieuses - Guise, où l’Allemand recula - le sommeil de pierre pris sur le talus ou sur la route, malgré les caissons qui passaient, broyant des pieds; les épiceries pillées, les basses-cours dévastées, le pain moisi qu’on se disputait; mitrailleurs sans mulets, dragons sans chevaux, Sénégalais sans chefs; les chemins encombrés de tapissières et de chars à bœufs, où s'entassaient des gosses et des femmes en larmes, les arbis traînant des chèvres, les villages enflammes, les ponts qui sautaient, les copains qu'on abandonnait, sanglants ou fourbus, et toujours, harcelant la tragique colonne, l'aboiement du canon. La Retraite… Dans leurs bouches, cela prenait des airs de Victoire. »

Devant Guise, le 29 août, la Ve armée du général Lanrezac lance une contre-attaque, pour la première fois victorieuse. Le commandant de la IIe armée allemande, le général Von Bülow, y essuie un sérieux revers et ses unités d'élite, comme la Garde impériale prussienne, y subissent des pertes sévères.

Ce succès français ralentit l'avance allemande et conduit Bülow à demander au commandant de la Iere armée, Von Kluck, qui devait déborder les Français par l'ouest, conformément à ce que prévoyait le plan Schlieffen, d'infléchir son mouvement vers le sud-est pour éviter que la Ve armée française ne s'intercale entre les Iere et IIe armées allemandes. Ce faisant, Von Kluck laisse le camp retranché de Paris sur sa droite, découvrant son flanc, ce dont les Français vont profiter en engageant la bataille de la Marne. À cette erreur du commandement allemand s'en ajoutera une deuxième : le général von Moltke, commandant en chef des armées allemandes, retire du front français deux corps d'armée qu'il envoie sur le front russe.

Par des reconnaissances française et britannique, ainsi que par la découverte sur un officier allemand tué d'une carte portant l’ordre de bataille de la Ire armée allemande, les alliés sont informés dès le 1er septembre du nouveau mouvement de Von Kluck défilant devant Paris, dont Gallieni acquiert la certitude le 3 septembre. À ce moment, le général Joffre, qui commande les armées françaises, envisage une attaque frontale au centre, entre la Seine et la Marne. Gallieni va le convaincre de profiter de l'imprudente manœuvre de Von Kluck et d'attaquer sans attendre.

Le renfort des taxis de la Marne

La bataille commence le 6 septembre, sur un front de 250 kilomètres courant de Paris aux Vosges. Devant Paris, la 6e armée du général Maunoury renforcée par des troupes envoyées de Paris par Gallieni (deux régiments sont transportés par des taxis parisiens, les fameux « taxis de la Marne » attaque de flanc les troupes de Von Kluck, sur l'Ourcq.

Au sud-est de l'armée Maunoury, le corps expéditionnaire britannique du général French et la 5e armée française de Franchet d'Esperey (qui a remplacé Lanrezac, le vainqueur de Guise) attaquent sur le grand Morin et le petit Morin. Au centre, la 9e armée du général Foch, appuyée par l'aile droite de la 5e armée, livre des combats très sanglants dans les marais de Saint-Gond et autour du château de Mondement. La 4e armée du général Langle de Cary se bat autour de Vitry-le-François, tandis qu'au sud de l'Argonne, vers Revigny-sur-Ornain, la 3e armée du général Sarrail contient non sans mal la pression de la Ve armée allemande, commandée par le Kronprinz. Plus à l'est, les Iere et 2e armées françaises des généraux Dubail et Castelnau arrêtent les Allemands sur les Vosges et devant Nancy.

Après de sanglants combats, l'aile droite de l’armée allemande entame un mouvement de retraite dès le 9 septembre, tandis que le Kronprinz, n'étant pas parvenu à percer les lignes de l'armée Sarrail et menacé d'être encerclé par la 5e armée, ne décroche que le 12.

À l'issue de la bataille, les adversaires sont épuisés, la poursuite n'ayant pas été beaucoup moins fatigante pour les Allemands que la retraite pour les Français. Paris est sauvée et la progression ennemie stoppée. Poursuivis à leur tour, les Allemands se replient sur l'Aisne, puis les deux armées entament une course à la mer pour essayer de se déborder mutuellement.

Face à face, les adversaires vont bientôt s'enterrer dans les tranchées, la guerre de position remplaçant la guerre de mouvement, en même temps que disparait, pour les combattants, l'espoir d'une guerre courte.

Hervé Bizien monde&vie Ier octobre 2014  n°897

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