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Les deux libéralismes

Le dernier ouvrage de Charles Gave, entrepreneur sur les cinq continents, en même temps qu'économiste de renom, nous fait découvrir le libéralisme économique authentique, qui n'a rien à voir avec ce que l'on appelle ici ou là « libéralisme », et que notre auteur préfère appeler « libéralisme de connivence ».

Pour Charles Gave c'est très clair : pas de progrès économique sans état de droit, c'est-à-dire sans un pays où le droit de chaque individu est respecté dans une véritable égalité des chances. Alors l'initiative individuelle fait merveille et l'enrichissement collectif en procède tout naturellement. C'est ce qui s’est passé en Angleterre dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle.

Nous sommes donc aux antipodes de la fameuse apostrophe que l'on prête à Rosa Luxembourg : « Le libéralisme, c'est le renard libre dans le poulailler libre ». On ne parle pas du même libéralisme. Le libéralisme que décrit Charles Gave a besoin, pour étayer la liberté économique et la faire servir au bien, d'un droit, qui soit solide et protecteur de l'initiative individuelle. Celui que l’on nous vend sous ce nom aujourd'hui, en revanche, représente à chaque fois la victoire des mastodontes sur les petits et la destruction des richesses communes au profit de quelques individus, qui revendiquent d'être les plus forts avec toutes les conséquences que cela peut avoir, quitte bien sûr à ce que cette petite élite s'élève au-dessus des États et leur impose la loi d'airain de leur propre profit.

Dans ce contexte néanmoins, il est clair que le libéralisme authentique dont nous parlons, n'est pas seulement une promenade de santé. Il engendre des cycles de destruction/création, pour reprendre l'expression de Joseph Schumpeter. Il n'y a pas de création sans destruction. C'est le prix à payer. Il ne s'agit donc pas de s’alarmer en conservant à tout prix le statu quo, comme nous le voyons faire aujourd'hui, ou en cultivant le principe de précaution jusque dans la gouvernance des entreprises. Il faut accepter le risque, sans lequel aucune avancée n'est possible, aucune acquisition de Capital, aucun progrès.

Dans un pays comme la France, plutôt que l'état de droit, ce qui s'est développé c'est le droit de l'État. Et ce droit de l'État engendre le socialisme c'est-à-dire le système qui doit nous dispenser du risque. Mais l'histoire a montré que cette dispense a un prix : l'esclavage. Plutôt que l'état de droit pour les individus, la tradition française depuis la Révolution revendique le droit de l'État à s'occuper de nous. Cette perspective inversée est évidemment beaucoup moins rentable. Elle n'est pas créative. Elle n'apporte en réalité aucun progrès.

Point important, pour Charles Gave sa radicalité politique libérale le ramène au christianisme. Pour lui, c'est le Christ qui nous enseigne à prendre nos responsabilités individuelles, en particulier dans la paraboles des talents. Sire, surtout ne faites rien nous offre un regard neuf sur ce vieux monde que nous croyons connaître.

✍︎ Charles Gave, Sire surtout ne faites rien, éd. Jean-Cyrille Godefroy, 248 p., 20 €.

Joël Prieur monde&vie 3 novembre 2016 n°931

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