Donald Trump accusé de contester le résultat des élections
En réalité, ce qui était reproché au Président sortant par la Chambre des Représentants, c’était surtout de contester les résultats de l’élection présidentielle du 3 novembre 2020, de ne pas accepter l’élection de Joe Biden, le candidat le plus populaire de tous les temps. On rappellera qu’aucun candidat dans l’histoire du pays, y compris Barack Obama, n’a jamais reçu autant de voix que lui (81 millions de voix, contre 70 millions pour Barack Obama en 2008 et 66 millions de voix pour Hillary Clinton en 2016).
Donald Trump, en effet, s’est attardé sur les soupçons de fraude électorale commise à grande échelle dans plusieurs Etats, plus particulièrement en Arizona, en Géorgie, dans le Michigan, en Pennsylvanie ou encore dans le Wisconsin, ce qui a fortement déplu au camp adverse. « Remettre en cause la légitimité des élections les plus sûres de toute l’histoire de notre pays est extrêmement dangereux pour la démocratie et constitue un acte de sédition », ont répété en chœur les responsables démocrates.
Des Démocrates qui n’ont eu de cesse de contester le résultat des élections de 2016
Cet argument est surprenant venant de ceux-là mêmes qui n’ont cessé depuis quatre ans de contester la légitimité de l’élection de Donald Trump. Nancy Pelosi, la redoutable présidente de la Chambre des Représentants, a toujours clamé haut et fort que l’élection de 2016 avait été truquée (« hijacked election« ) et ce, sans produire aucune preuve. Hillary Clinton a constamment rappelé au cours de ces quatre dernières années que son élection lui a été volée et que Trump était un agent russe.
En raison de ces soupçons, le Sénat et la Chambre des Représentants ont mené des enquêtes pendant trois ans. Un procureur spécial a même été nommé pour enquêter sur la légitimité des élections de 2016, en la personne de l’ancien directeur du FBI, Robert Mueller. Tous ont conclu à l’absence de collusion entre Donald Trump et la Russie pour remporter l’élection de 2016. Les députés républicains opposés à l’impeachment du mois de janvier 2021 n’ont pas manqué de soulever l’incohérence ; Lauren Boebert (Colorado) soulignant que « la sédition, ce n’était ni la manifestation ni la contestation des résultats. La sédition, c’était les élections truquées ».
Le Sénat est-il compétent pour ce procès ?
La prochaine étape consistait pour le Sénat à ouvrir la phase du procès en destitution à proprement parler. Le leader des sénateurs démocrates, Charles Schumer, insista pour qu’un procès « express » se tienne immédiatement après la mise en accusation du 13 janvier afin d’obtenir un verdict de la part du Sénat avant le 20 janvier, c’est-à-dire alors que Donald Trump était toujours en fonction.
Toutefois, Mitch McConnell, le président républicain du Sénat, a habilement opposé une fin de non-recevoir à cette requête, en renvoyant le procès à une date postérieure à l’inauguration de Joe Biden (précisons que le Sénat n’était même pas en session entre le 14 et le 19 janvier 2021). « Il n’y avait simplement aucune possibilité qu’un procès juste et sérieux puisse aboutir en une semaine » déclara-t-il.
Autrement dit, le procès au Sénat allait se tenir alors même Donald Trump ne serait plus le président des Etats-Unis. Dans ces conditions, de nombreux experts en droit constitutionnel firent remarquer que ce procès ne serait pas valide, le Sénat étant incompétent pour décider de la destitution d’un président qui n’est plus en fonction et qui, par définition, ne peut donc pas être destitué. « Ce procès est stupide », réagissait le sénateur Marco Rubio. Le sénateur Lindsey Graham renchérissait quant à lui : « je pense que le procès au Sénat contre un président qui n’est plus en fonction viole la constitution ».
Objectif : empêcher Donald Trump de se représenter à une élection
Mais à quoi donc pouvait servir la destitution d’un président qui n’est déjà plus en fonction ? Tout simplement à empêcher Donald Trump de se représenter à n’importe quel mandat électif, qu’il s’agisse des élections législatives de 2022 ou de l’élection présidentielle en novembre 2024. Pour les Démocrates, il fallait à tout prix empêcher Donald Trump de se présenter par exemple dans une circonscription législative en Floride en 2022 et de devenir président de la Chambre des Représentants (speaker of the house), dans l’hypothèse où les Républicains regagneraient la majorité à la chambre basse.
En effet, la constitution prévoit que les seules sanctions que peut imposer le Sénat à l’issue du procès sont la destitution des fonctions (removal from office) et l’interdiction d’occuper de nouvelles fonctions publiques. On soulignera que ce n’est pas l’un ou l’autre, au choix des sénateurs, puisque ce n’est que si le Sénat a voté pour la destitution qu’il peut ensuite voter pour l’inéligibilité à vie.
L’objectif principal des Démocrates n’était donc pas de destituer l’ex-président (ce qui était impossible) mais de bannir Donald Trump de la scène politique américaine, de l’envoyer en exil politique, le fait de l’avoir réduit au silence ne suffisant pas. La gauche américaine est bien consciente qu’elle a remporté les élections présidentielles de novembre 2020 dans des conditions douteuses, craignant par-dessus tout un retour en fanfare de Donald Trump.
« C’est extraordinaire. Le speaker Nancy Pelosi est responsable de 50 % des impeachments présidentiels de l’histoire des Etats-Unis. Le fait qu’ils « impeachent » l’ex-président alors qu’il n’est plus au pouvoir est la démonstration que les Démocrates sont absolument terrifiés par Donald Trump » (David Flint, professeur de droit constitutionnel émérite).
La procédure débute par un sérieux revers pour la gauche
Techniquement, le procès devant le Sénat a débuté le lundi 25 janvier 2021, lorsque la chambre des représentants a formellement saisi le Sénat de la mise en accusation de l’ex-président. Les neuf députés démocrates de la Chambre des Représentants jouant le rôle de procureurs, appelés « managers de la chambre » (house managers) marchèrent en procession solennelle dans les couloirs du Capitole pour rejoindre les locaux du Sénat, transportant avec eux l’acte de mise en accusation (articles of impeachment).
Or, le même jour, le 25 janvier, il était annoncé que le président de la cour suprême, le chief justice Roberts ne présiderait pas le procès. La constitution prévoit en effet que lorsque l’accusé est le président de la république, le procès est obligatoirement présidé par le juge le plus haut et le plus indépendant de la nation, à savoir le président de la cour suprême, nommé à vie. Ce dernier ne peut d’ailleurs se désister. Bien évidemment, dans ce cas, le juge de la cour suprême ne participe pas au vote des sénateurs, son rôle étant de s’assurer que les deux parties ont bien eu l’occasion de présenter de façon équitable leurs arguments respectifs devant les 100 sénateurs, qui font office de jurés.
Or, l’accusé n’est plus président de la République. Si bien que le chief justice, en dépit des pressions des sénateurs démocrates, a tout simplement refusé de présider le procès. John Roberts déclara à cette occasion que lorsqu’il a pris ses fonctions à la Cour Suprême, il a juré de protéger la Constitution, ridiculisant par-là la procédure intentée contre Donald Trump… « Le Chief Justice ne préside pas. Ce n’est donc pas un procès en impeachment » (Jordan Sekulow, avocat de Donald Trump).
Un procès sans juge
Les Démocrates ont donc trouvé une solution de repli : après avoir hésité avec le vice-président Kamala Harris, il a été décidé finalement qu’il reviendra au sénateur démocrate (!) le plus âgé, Patrick Leahy (Vermont, 80 ans) de diriger le procès (de façon impartiale bien entendu !).
Les débats du procès ne sont donc pas conduits par un juge mais par l’un des jurés qui a voté en faveur du premier impeachment en février 2020 et qui a annoncé publiquement, à plusieurs reprises, qu’il voterait à nouveau en faveur de la condamnation de Donald Trump.
Patrick Leahy – qui est décrit par les sénateurs républicains comme étant une « lefty nasty brute » (une brute méchante de gauche), extrêmement partisan – va donc se retrouver dans la situation étrange où il devra à la fois présider le procès et voter en tant que juré…. « Cette ‘kangaroo court’ (tribunal autoproclamé, NDLR) est un travestissement de la justice, c’est de la vengeance politique, c’est honteux » réagissait alors le sénateur Rand Paul.
Le premier vote : seulement six sénateurs républicains souhaitent que le procès se poursuive
Les débats au Sénat débutèrent le 9 février 2021, pour traiter en premier lieu de la requête en classement sans suite (motion to dismiss) déposée par les avocats de l’ancien président, lesquels dénonçaient un abus de constitution, une procédure d’accusation illégale car menée sans enquête préalable, sans processus de discovery (c’est-à-dire sans recherche de preuves), sans délibération et ce, en violation du droit de leur client à avoir un procès équitable garanti par le V° amendement de la Constitution.
Surtout, les avocats de Donald Trump ont souligné que le Sénat était incompétent pour juger une « private person », c’est-à-dire une personne qui n’est plus en fonction. Le droit est clair à ce sujet, si Donald Trump a commis une infraction pénale alors qu’il était encore président, il relève désormais des tribunaux pénaux réguliers maintenant qu’il n’est plus en fonction, les lois contre l’insurrection ou la sédition existant en droit pénal (du reste, les sanctions prévues applicables par les juges sont autrement plus sévères que la simple interdiction de se représenter à un mandat électif). « Il n’appartient donc pas au Sénat de se substituer à ces tribunaux » plaidèrent les avocats de la défense. En l’occurrence, aucun tribunal n’a été saisi de cette affaire, aucun procureur n’a lancé d’enquête contre Donald Trump à ce sujet, et pour cause, aucune infraction pénale n’ayant été commise par l’intéressé.
Autrement dit, le Sénat avait-il « jurisdiction », selon l’expression juridique anglaise (latine), c’est-à-dire le Sénat pouvait-il dire (diction) le droit (juris) en l’espèce ? 44 sénateurs républicains répondirent par la négative à cette question au soir du premier jour des débats. Seulement six sénateurs républicains sur cinquante auront souhaité que la procédure se poursuive. Il n’en demeure pas moins qu’une majorité des sénateurs (cinquante-six sur cent) a voté pour que le procès ait lieu, la Cour Suprême ne pouvant pas intervenir à ce stade pour constater l’illégalité du procès. Seul l’accusé pourrait éventuellement saisir la Cour Suprême après avoir été condamné, pour contester la compétence du Sénat.
Trump mis en accusation pour délit d’opinion
Les débats sur le fond (merits) débutèrent le 10 février. Les avocats de Donald Trump soulignèrent que le procès était anticonstitutionnel car il revenait à remettre en cause le 1er amendement de la Constitution, qui garantit la liberté d’expression, leur client étant poursuivi en réalité pour délit d’opinion. Aux yeux des Démocrates, Donald Trump n’avait donc pas le droit d’exprimer son mécontentement face à la fraude électorale constatée. Selon eux, il n’avait donc pas le droit d’utiliser le slogan « stop the steal » (arrêter le vol – des élections) ou « fight to get back the country » (se battre pour récupérer le pays).
Or, le libre discours politique est défendu par la Constitution. Peu importe à vrai dire si les soupçons de fraude électorale sont avérés ou non. Le droit américain prévoit en effet qu’un homme politique ne peut pas être sanctionné pour professer des mensonges. « Un mensonge est autant protégé que la vérité », précise le professeur de droit constitutionnel Alan Derschowitz. « Dire qu’il y a eu de la fraude est une opinion et une opinion est protégée », précise-t-il.
« Ce faux impeachment constitue une sérieuse menace contre la liberté d’expression pour les responsables politiques des deux partis. Le Sénat devra faire extrêmement attention au précédent que peut représenter cette affaire », conclut Michael van der Veen, l’un des avocats de Donald Trump.
Les paroles du Président ont-elles incité à la violence ?
Le droit applicable s’agissant de l’infraction d’incitation à la violence ou à l’insurrection est strict. Il a certes été reconnu par la jurisprudence depuis 1950 que le fait de prononcer un discours peut constituer une incitation à la violence. Mais pour obtenir la condamnation de l’auteur du discours, il est impératif de démontrer que des instructions directes ont été données à son auditoire, l’invitant à adopter des comportements illégaux. Cette jurisprudence est cruciale car, à défaut, n’importe quel auteur de discours passionné pourrait être déclaré pénalement responsable des actions illégales d’autrui.
En l’occurrence, aucun des écrits (tweets reçus par 85 millions de followers) ou des paroles (discours) de Donald Trump n’a jamais incité à la violence préalablement ou au cours de cette journée du 6 janvier. Plus précisément, à la fin de son discours du 6 janvier, Donald Trump prit soin de recommander à la foule de marcher vers le Capitole « pacifiquement » et de façon patriotique, en respectant les hommes en uniforme, afin de « faire entendre votre voix », chacune de ces actions étant parfaitement légale. « Il est clair que le discours de Donald Trump ne correspond pas à la définition juridique de l’incitation » conclut l’avocat de la défense devant les sénateurs.
« Dans tous les cas, Trump est coupable »
Les procureurs étant dans l’incapacité de démontrer l’incitation expresse à l’insurrection dans les propos écrits ou oraux de Donald Trump, ils arguèrent que Donald Trump était bien conscient que ses propos pourraient néanmoins être perçus par son auditoire comme une invitation à l’insurrection (concept curieux de code words).
Plus particulièrement, avancèrent les Démocrates, quand le président dit à la foule de se rendre « pacifiquement » au Capitole, en réalité il voulait dire qu’il fallait tout détruire. « Avec ce genre d’argument, on ne peut pas gagner. Si vous dites « soyez violents », vous êtes coupable et si vous dites « soyez pacifiques », vous êtes coupable également », commenta Rudy Giuliani dans les médias.
Des procureurs amateurs aux mains vides
Les travaux des procureurs Démocrates surprirent par leur manque de rigueur et de crédibilité. « La présentation faite par les managers de la chambre était insultante et absurde », déclara le sénateur Lindsey Graham. « Les managers de la chambre ont manipulé les preuves. Devant un tribunal, ils seraient sanctionnés par le juge », déclara à la tribune David Schoen, l’un des avocats de Donald Trump.
À suivre