Spartiate, "Art of 300" par Alex Cooper |
"Fais ce que dois, advienne que pourra."
Pro Patria mori : mourir pour la Patrie
Au mois d'août de l'année 480 avant notre Jésus Christ, se déroula une des batailles les plus mythiques de l'Histoire, où dans le défilé des Thermopyles 300 hoplites secondés par des grecs et emmenés par leur roi Léonidas, résistèrent héroïquement face à une armée de plus de 200 000 combattants perses commandés par le roi Xerxés.
Au troisième jour de la bataille (le 10 ou le 19 août selon les chronologies), après avoir renvoyé les grecs loin d'une mort certaine réorganiser la défense des cités, les derniers spartiates tombent sur le mont Kolonos, massacrés sous un déluge de flèches tirées de loin par les perses qui n'osent s'approcher de ces combattants dont ils ne savent s'ils sont des Hommes ou des Dieux...
Ernst Jünger (1895-1998), ce combattant écrivain qui a traversé le XXème siècle et la fureur des combats rapportait dans "Le combat comme expérience intérieure" (1922) que :
"Il n'est rien de plus exquis que la bravoure virile. Le sang pétille dans les veines en étincelles divines, tandis qu'à travers champs on vole au combat dans un cliquetis d'armes, conscient de sa propre audace. Le pas de charge disperse au vent comme feuilles d'automne toutes les valeurs de ce monde. (...) Que peut-il être de plus sacré que l'Homme combattant ? Un dieu ? (...)
Bravoure est le vent qui pousse aux côtes lointaines, la clef de tous les trésors, le marteau qui forge les grands empires, le bouclier sans quoi nulle civilisation ne tient. Bravoure est la mise en jeu de sa propre personne jusqu'aux conséquences d'acier, l'élan de l'idée contre la matière sans égard à ce qui peut s'ensuivre.(...) Le Diable emporte une époque qui veut nous ravir la Bravoure et les Hommes ! (...)
Quant à nous, nous avons connu un temps où l'Homme brave était aussi le meilleur; et quand bien même il ne survivrait de ce temps que le souvenir d'un événement historique où l'Homme comptait pour rien car sa cause était tout, toujours nous serons fiers d'y reporter nos regards. (...)
Ainsi les guerriers s’abîmaient, titubants dans l'ivresse de la bataille, flèches que l'arc décochait dans le brouillard, danseurs au bal de l'incertain. (...) La bravoure n'est jamais que l'expression d'un savoir ancré au plus profond des consciences : que l'être humain renferme en lui des valeurs éternelles, indestructibles. Sinon comment y en aurait-il un seul pour marcher sciemment à la rencontre de la Mort ?(...)
La bravoure est le feu vivant qui soude les armées, elle passe avant toute autre chose même parée des noms les plus flatteurs.(...)
Le soldat a estimé de tout temps que le courage de son chef allait de soi. (...) Aussi pouvaient-ils perdre des batailles mais jamais le coeur de leurs Hommes. (...) La bravoure reconnaît la bravoure. (...) Le prince a le devoir de mourir dans le cercle de ses derniers fidèles. Les soldats innombrables qui l'ont précédé dans la mort sont en droit de le réclamer. C'est ce qu'exige l'idée pour laquelle tous se battent. (...) La bravoure est son propre salaire, le lien qui lie ensemble tous les égaux. (...)
Une dernière chose, l'Extase. (...) L'enthousiasme arrache l'âme virile au delà d'elle même, si haut que le sang bouillonne et bat contre les artères, submerge le coeur d'écume brûlante. C'est une ivresse au dessus de toute ivresse, un déchaînement qui fait sauter tous les liens. C'est une frénésie sans égard ni limite, comparable aux seules forces de la Nature. L'Homme est alors pareil à la tempête mugissante, à la mer en furie, au grondement du tonnerre. alors il est fondu dans le Tout, il se rue vers les sombres portes de la Mort comme un projectile vers sa cible. (...)"
Ernst Jünger, "Le combat comme expérience intérieure" -1922