Tu viens à Paris ?*
Depuis son arrivée au pouvoir en 2017, Emmanuel Macron tente de faire de la France le moteur d’un mouvement censé permettre à l’Europe de s’imposer dans un secteur technologique aujourd’hui largement dominé par les États-Unis, la High Tech (haute technologie). Il tente ainsi de rendre l’Hexagone plus attractif pour les investisseurs étrangers et son gouvernement apporte un soutien actif aux start-up qui constituent la French Tech. L’an dernier, le chef de l’Etat a dit s’attendre à ce que la France compte 25 “licornes”, ces start-ups valorisées un milliard de dollars, d’ici 2025 (c’est demain). Mais bravo quand même… si ça marche.
Pendant ce temps-là, le Royaume-Uni, tout juste échappé des griffes de l’Union européenne et de sa tyrannie, continue, malgré les pronostics les plus sombres et surtout les plus malveillants, à avancer avec succès dans ce même domaine. Un peu comme la Bourse de Londres dont on prévoyait la disparition prochaine et l’émigration vers Amsterdam, Francfort ou, pourquoi pas, Paris !
Ainsi, dix ans après le lancement de sa start-up, Kristo Käärmann continue à porter un simple tee-shirt, l’uniforme obligatoire du monde de la tech, mais il est désormais milliardaire. Le fondateur estonien de Wise, une entreprise britannique de transfert international d’argent, a annoncé, jeudi 17 juin, l’introduction en Bourse de sa société.
A la dernière levée de fonds, au printemps 2020, celle-ci avait été valorisée 5 milliards de dollars (4,2 milliards d’euros). Aujourd’hui, la presse britannique spécule sur une valorisation à 9 milliards de livres sterling (10,5 milliards d’euros). Pour lui, la capitale britannique a toujours été le lieu naturel pour ce type de « fintech ». « Londres est un super endroit pour s’introduire en Bourse ou lever des fonds. Nos investisseurs sont internationaux, ils connaissent Londres et ses règles, sont à l’aise ici… » Peut-être pourriez-vous relire ce que nous écrivions il y a pas loin de trois ans : https://conseildansesperanceduroi.wordpress.com/2018/09/26/pourquoi-le-brexit-contrairement-au-pret-a-penser-a-toutes-les-chances-de-reussir/
En 2011, M. Käärmann, Estonien vivant à Londres, voulait envoyer de l’argent dans son pays, mais s’agaçait de la lenteur des transferts et du prix exorbitant des commissions. Il cofonde Wise. Aujourd’hui, l’entreprise emploie 2 400 personnes, dont près de 400 à Londres, et a transféré 54 milliards de livres pour 6 millions de clients en 2020. Son chiffre d’affaires atteint 421 millions de livres, avec un bénéfice net de 30,9 millions de livres.
L’histoire de M. Käärmann n’est pas une exception. En 2020, le Royaume-Uni est resté très largement le premier pays d’Europe en matière de levées de fonds dans le secteur des nouvelles technologies. Selon le cabinet KPMG, 16,4 milliards de dollars de capital-risque ont été investis dans le pays, contre 7,2 milliards de dollars en Allemagne, 6,9 milliards en France et 5,9 milliards pour l’ensemble des pays nordiques. Année après année, de nouveaux montants record ont été levés. La sortie officielle du marché unique européen, le 1er janvier, n’a rien changé : le premier trimestre a encore marqué un record, avec 7,1 milliards de dollars de capital-risque. « Le Brexit ne semble guère avoir eu d’impact sur l’appétit des investisseurs », souligne Bina Mehta, de KPMG.
Bien sûr, la même envolée de levées de fonds s’observe à travers toute l’Europe. La planète finance, tenue à bout de bras par les banques centrales, regorge de liquidités. Mais la capitale britannique a maintenu son avance. « En 2020, Londres a attiré plus d’investissements dans les nouvelles technologies que Berlin, Paris et Stockholm réunis », poursuit Mme Mehta.
Le Brexit a mis de sérieux grains de sable dans le commerce des marchandises. Un exportateur doit désormais remplir de nombreux formulaires, particulièrement pour l’agroalimentaire. Mais les start-up et leurs services dématérialisés sont moins touchés et, en plus, les aident à résoudre ce type de problème !
La vraie inquiétude concerne d’éventuels problèmes d’immigration. Depuis le 1er janvier, les Européens qui voudraient venir travailler au Royaume-Uni doivent obtenir un visa de travail. « Mais le gouvernement britannique a mis en place rapidement un visa pour les “talents internationaux”, et les derniers chiffres montrent que cela attire des gens venant du Commonwealth et de Hongkong en particulier », poursuit Mme Mehta.
Emmanuel Macron rêve souvent. Dommage… surtout pour la France et les Français.
Le 25 juin 2021.
Pour le CER, Jean-Yves Pons, CJA.
(*) « Licornes » : sociétés de la tech dont la valeur est estimée à plus de 1 milliard de dollars, soit 840 millions d’euros