« J’y sui j’y reste ». Ce mot, que l’on prête à Mac Mahon lors du siège de Sébastopol, pourrait très bien résumer ce qu’est devenu aujourd’hui le droit des étrangers et donc la « politique migratoire » de la France.
« Politique migratoire », voila un bien grand mot puisque l’on se demande ce que contrôle encore le gouvernement français dans ce registre. Dernier exemple en date : les Afghans pro-Taliban que l’on a exfiltrés de Kaboul avant de s’apercevoir que leur pedigree ne fleurait pas bon le « vivre-ensemble ». Cet épisode n'est qu’une drôle de cerise sur le gâteau des migrations. Chaque étudiant en droit apprend qu'un État, c'est un gouvernement qui a autorité sur une population inscrite dans un territoire. En l’espèce, c'est bien l’ensemble des questions migratoires (séjour, asile, éloignement, naturalisations) qui ont désormais échappé à toute affirmation d'une volonté politique.
Des chiffres alarmants
Voila en substance ce qu'affirme Patrick Stéfanini. Il reconnait, il avoue qu'en France, ce sont souvent les diasporas des différents pays d'émigration qui dictent leur agenda aux autorités nationales. Dans son dernier livre, Immigration, ces réalités qu'on cache, l’ancien haut-fonctionnaire décrit une politique migratoire a la dérive. Quelques chiffres illustrent cette situation dramatique.
Tout d'abord, à propos des clandestins. Sous Jospin, entre 1997 et 2002, on les évaluait à 400 000 sur l’ensemble du territoire français. Aujourd'hui, leur nombre est estimé entre 600 et... 900 000 En effet, sur la base des 335 000 bénéficiaires de l’Aide Médicale d’État (AME), dispositif d'assurance maladie réservé aux clandestins, le ministère de l’Intérieur estime qu'il convient de multiplier quasiment par trois ce nombre pour avoir une approche réaliste du nombre de clandestins.
À ces étrangers qui ne devraient pas se trouver sur le territoire national s'ajoute 272 000 titres de séjour délivrés chaque année. Il y en avait 150 000 délivrés en 2000.
Enfin, alors qu'en 2000 on comptait 45 000 demandes d'asile, la France en a enregistré 132 000 en 2019. Toute cette masse doit être mise en regard des éloignements (toutes catégories confondues 31 000 en 2019). Comme le disait jadis un haut-fonctionnaire de la préfecture de police, interrogé pour un article dans le Nouvel Observateur : à vouloir maitriser l’immigration, « on laboure la mer ! ».
Ces chiffres dessinent un avenir bien sombre. S'y ajoute les données très récentes de France Stratégie qui « officialise » ce que l'on pouvait constater en se promenant simplement dans les rues des grandes métropoles mais aussi des villes moyennes : un bouleversement démographique inédit en France. C'est la polémique de l’été. Pendant que les journaux de la presse mainstream tentent d'étouffer les chiffres repris par le magazine Causeur, les politiques semblent enfin écarquiller les yeux sur ce qui était un secret de Polichinelle : l’installation sur le sol national de peuples extra-européens, important avec eux leurs visions du monde, aux antipodes de celles de nos contemporains hédonistes et anciennement christianisés.
Comment en est-on arrivé là ?
Il est parfaitement chimérique de penser qu'un complot est né dans la tête de nos dirigeants visant à remplacer une population par une autre. Le point de départ de l’immigration massive se situe dans la volonté du grand patronat, notamment dans les secteurs du bâtiment et de l’automobile, de faire appel à une main d’œuvre bon marché qui ferait pression la baisse sur les salaires.
À droite, on incrimine facilement Valéry Giscard d'Estaing et sa loi sur le regroupement familial des immigrés. Très restrictive dans sa première rédaction (en particulier avec les Algériens), cette dernière, chiffres en mains, n'a pas eu, sur le coup, le rôle qu'on lui prête dans l’affolement des compteurs de l’immigration. On estime qu'elle a produit sur le moment un flux de 10 % supplémentaire, qui est loin d’être le flux massif auquel les années Mitterrand nous donneront d'assister. D'autant qu'a coté de cette loi, Valéry Giscard d'Estaing avait interdit toute nouvelle immigration économique, une disposition sur laquelle Francois Mitterrand s'est empressé de revenir, aussitôt arrivé à l’Élysée, où l’on procédera, sous Mauroy comme sous Rocard, à des régularisations massives et à une augmentation régulière du nombre des migrants. Ainsi c'est la présidence Mitterrand qui a largement contribué à la physionomie actuelle de l’immigration. Il aurait été pourtant mis en garde par le roi Hassan II du Maroc, qui, en tout cas, avait clairement dit à Anne Sinclair, au cours de son émission, que « jamais un bon musulman ne pourrait faire un bon Français ». Cette formule souligne l’importance capitale des réalités ethniques, religieuses et culturelles des masses immigrées dans un pays culturellement aux antipodes de leur « Weltanschauung ».
Les deux gouvernements de cohabitation (Chirac en 1986 et Balladur en 1993) tentèrent bien de donner un coup de barre droite dans la politique d'immigration mais la pression médiatique et (déjà) associative émoussa très largement les velléités de redessiner une politique migratoire digne de ce nom.
Le gouvernement de Jospin apparait comme une période de relative fermeté malgré la circulaire Chevènement de juin 1997 qui vit la régularisation administrative de plusieurs milliers de clandestins sur le fondement de critères qui servirent à la rédaction du code des étrangers (CESEDA) toujours en vigueur aujourd’hui.
Vu de Sirius, on aurait pu penser que Pierre Sarkozy a été l’occasion d'un tour de vis. Occasion manquée en fait. La création d'un ministère dédié à l’immigration et à l’identité nationale n'a eu que peu d’effets sur la politique migratoire de la France. Pour reprendre les termes de Jean-Marie Le Pen, prophétique, à l’immigration subie s'est ajoutée l’immigration choisie. Le seul point positif est d'avoir enfin mis sous la même main des services qui relevaient de trois ministères différents : les affaires sociales, les affaires étrangères, l'Intérieur. En choisissant comme successeur de Hortefeux, le très gauche-caviar Eric Besson, Nicolas Sarkozy enterrait lui-même toute volonté de défense des intérêts nationaux.
Francois Hollande a, quant à lui, concentré sur sa personne, jusqu’à la caricature, ce qu'est devenue la politique migratoire de la France : un néant. Qui ne se souvient en effet, de l'affaire Léonarda, où le chef d’État de la sixième puissance mondiale s’est fait tancer par une jeune effrontée sous le coup d'une Obligation de Quitter le Territoire (OQTF). Qu’une clandestine dialogue d'égal égal avec le président de la République élu au suffrage universel, voila qui en disait long sur la disparition totale du politique sous les coups de boutoirs du bon plaisir individuel et clanique : Léonarda était la porte-voix de sa sympathique (et délinquante) famille.
On pouvait penser pourtant que la nomination du très raide Manuel Valls Place Beauvau allait tempérer les velléités toujours généreuses de la gauche. Quelques mois après sa nomination, il publia une circulaire, qui est aujourd'hui une machine à régulariser en permanence des clandestins qui peuvent exciper de quelque contrat de travail.
Cette dégringolade est surtout le fruit d'une idéologie de gauche qui considère que la Terre est un bien sans maitre et que la notion de territoire national est parfaitement vaine. Dans l’esprit de ceux qui la promeuvent et la répandent, il n'existe pas de corps politique national qui puisse faire obstacle à la libre volonté de l'Immigré, avec un « I » majuscule, de s'installer où il veut.
La disparition du politique au profit des « groupes »
On n'imagine pas à quel point cette idéologie mortifère est aujourd’hui répandue dans l’appareil d’État. En effet, les associations qui défendent les "sans-papiers" sont de véritables groupes de pression qui interviennent à tous les échelons pour obtenir la régularisation non seulement de dossiers individuels mais de groupes de dossiers. Que ce soit pour l’admission exceptionnelle au séjour nom pudique pour désigner la régularisation des clandestins que ce soit pour l’examen des demandes d'asile, pour empêcher des reconduites à la frontière, pour obtenir la naturalisation de tel ou tel étranger, cette myriade d'associations agit sous forme de harcèlement permanent auprès des autorités ministérielles et préfectorales. Elles ont une même idéologie de fond : la négation des frontières et des droits de l’État à définir qui vient et qui reste.
Pour elles, le collectif, entendez le collectif national, français, n'a pas plus de droits que le groupe, qui veut s'installer en France. L’État, et son bras armé l’administration, n'est vu que comme un obstacle à la libre détermination des immigrés qui, pour de bonnes raisons, ont choisi de quitter leur terre d'origine pour vivre en France. Ces associations sont subventionnées. non seulement par des collectivités territoriales, mais aussi par l’État ! Autrement dit, P'Etat finance ceux qui entravent P'une des politiques publiques essentielles a sa propre survie, a sa conservation et a sa continuation.
Bien entendu, ces associations - mais aussi ces syndicats et ces partis politiques - disposent de puissants relais dans les médias, dans le monde du spectacle et aussi dans certains milieux religieux. Toutes ces caisses de résonnance ne représentent évidemment pas l’état d'esprit de la majorité des Français mais elles n'en sont pas moins d'authentiques représentants du "Magistère du Bien". Quelle que soit la majorité au pouvoir, une étrange paralysie de la volonté s'empare de tout dirigeant politique qui voudrait corriger la politique suivie depuis plus de quarante ans.
L'autre aspect idéologique qui rend difficile toute réforme, tient dans le rôle des juges - administratifs, judiciaires, constitutionnels et européens - dans l’approche des questions migratoires.
Alors que l’ensemble de la pyramide judiciaire, dans les différents ordres de juridiction, n'a pas trop rechigné à avaliser les mesures liberticides décidées par les autorités politiques au nom de la préservation de notre santé face à l’épidémie de Covid, les juges n'ont jamais trop de difficultés a détricoter ce que la « Puissance » publique pourrait essayer de mettre en place pour juguler la vague migratoire. Les principes de la convention européenne des droits de 1'Homme visaient, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, a prémunir les sociétés démocratiques contre le retour de mesures attentatoires aux droits humains les plus élémentaires. Ces principes sont aujourd'hui clairement dévoyés : ils servent à fonder en droit les prétentions de milliers d’étrangers à entrer et séjourner durablement dans notre pays.
À l’approche de la présidentielle de 2022. le sujet de l’immigration sera l’un des thèmes centraux de la campagne. Mais il faudra autre chose que de simples propositions de réformes législatives et réglementaires pour reprendre en main la politique migratoire et donc une partie de la destinée française.
C’est à une véritable reconquête des esprits que les politiques doivent se consacrer. L'affrontement avec les différents groupes de pression, avec les juges et avec une partie de P'opinion publique qui ne perçoit pas encore l’étendue du désastre sera déterminant pour l’avenir.
On ne pourra plus longtemps faire l’économie d'un réinvestissement du pouvoir politique dans ce domaine hautement régalien, clef de notre avenir en tant que peuple et en tant que nation.
Virgile Tertian Monde&Vie 10 septembre 2021 N° 1002