Crêpage de chignon à la mode bretonne chez les deux candidates à la présidentielle. Si Marine Le Pen analysait, sur BFM TV, les résultats du premier tour du congrès LR comme « le quatre-quarts breton : quatre candidats se partagent les suffrages, ça prouve qu’il y a quand même une forme de division », Valérie Pécresse n’a pas manqué de lui répondre, sur CNews : « Comme Marine Le Pen est bretonne, j’imagine qu’elle aime les quatre-quarts. Elle va en bouffer beaucoup. » Les flèches sont décochées, les lames affûtées, les éléments de langage bien répétés ; force est de constater que les petites phrases ne manqueront pas de pimenter cette campagne. Car Valérie Pécresse, qui se lance dans ce sport très politique, est en finale avec Éric Ciotti pour porter les couleurs de LR dans la course à l’Élysée. Le résultat du duel est attendu ce samedi 4 décembre, en début d’après-midi.
« Il y a un décalage entre mon image et moi. Mais je me soigne », explique la finaliste des primaires LR. Traumatisée à l’idée d’être perçue comme une Versaillaise, la bonne élève de l’école Sainte-Marie de Neuilly, élevée dans des valeurs catholiques et gaullistes, doit prouver qu’elle n’est pas une catho coincée. Est-ce pour cela qu’elle emploie le verbe « bouffer » ? Cet épisode somme toute sans importance est pourtant révélateur de l’opportunisme politique de la candidate revenue au LR, cherchant à ménager ses électeurs centristes et conservateurs.
La chose n’est pas aisée, elle en a fait les frais lorsque, saluant, en 2018, les prix remportés par le film 120 battements par minute (film racontant les années SIDA à travers le combat d’Act Up), en partie financé par le conseil régional qu’elle préside, elle est aussitôt accusée de récupération politique se faisant accuser de pratiquer le « pink washing », autrement dit se racheter une image gay-friendly.
L’on se souvient de Valérie Pécresse dans les rangs de la Manif pour tous, en 2013, affirmant que « la famille en France, c’est une valeur plus que partout ailleurs ». Mais lorsque le très féministe magazine Elle l’interroge sur sa participation aux côtés des jeunes en lodens, elle tacle : « Pure discipline de parti. » « L’affranchie », telle que la nomme le magazine féminin, vante même son « bonheur de dire ce qu’on pense sans être jugée à l’aune de ce que pensent les Républicains ».
La reine du grand écart affirme aux uns « Je me suis toujours battue pour les droits de l’enfant, pas pour le droit à l’enfant » sous les salves d’applaudissements d’un public conservateur conquis par la sortie et aux autres « qu’en tant que femme », elle est « extrêmement sensible au désir d’enfant qui s’exprime » et qu’elle se battra pour le droit à l’avortement et la PMA, « à condition de garder l’accès aux origines ». Celle qui avait proposé de « démarier » les couples homosexuels avait ensuite changé d’avis sur le mariage pour tous après « avoir réfléchi ».
Promettant de ne jamais subventionner la théorie du genre, la région qu’elle préside finance pourtant le CRIPS (Centre régional d’information et de prévention du SIDA et pour la santé des jeunes). Cette « association déclarée d’intérêt général et organisme associé de la région Île-de-France est un acteur reconnu en matière de prévention et de promotion de la santé » et intervient dans les établissements scolaires pour « développer un esprit critique sur les normes sociales sur le genre et les sexualités et comprendre la notion de stéréotype en lien avec le genre et l’orientation sexuelle ». Pour combattre les discriminations sexistes, Valérie Pécresse est signataire de « l’Appel pour une République multiculturelle et postraciale ».
Un jour conservatrice, l’autre progressiste, Valérie Pécresse continue d’appeler le parti de Marine Le Pen le FN : « J’ai du mal à les appeler Rassemblement, parce qu’ils ne rassemblent pas vraiment de monde derrière eux ». Reste à savoir si ménager la chèvre et le chou constamment permet de rassembler les électeurs derrière soi. Jamais à une contradiction près, dans Le Parisien du 30 août 2019, elle étrillait le Président : « Macron a une faiblesse : il n’a pas de ligne politique. Les électeurs de droite votent pour lui par défaut, parce qu’il n’y a plus de force politique à droite qui défende une vision réformatrice, pro-entreprise, sociale et d’une autorité juste. Mais Emmanuel Macron n’est pas de droite. » Il faudra s’en souvenir, au soir du premier tour…
Iris Bridier