Replay de l’émission ici, extrait à 9’30.
04/01/2024
1,8 milliard. C’est le coût annuel de la politique de lutte contre l’immigration irrégulière en France. Une politique «portée à 80% par le ministère de l’Intérieur». La Cour des Comptes délivre sur le sujet un rapport très documenté, dont la publication avait curieusement été retardée après le rejet du projet Darmanin sur l’immigration à l’Assemblée nationale, le 11 décembre dernier. Les magistrats précisent que leur rapport aujourd’hui rendu public «a été réalisé et contredit avant la loi immigration de décembre 2023». Pierre Moscovici, le premier président de la Cour, a déclaré ce jeudi qu’il assumait ce choix personnel de retarder la publication du document. «Je ne souhaitais que cette publication puisse interférer en quoi que ce soit avec le débat politique», a-t-il dit.
Dans leur document, on relève un constat critique de cette politique gouvernementale. Qualifiée de «phénomène singulier», l’immigration irrégulière est «difficile à évaluer», selon les magistrats. Ils livrent toutefois le nombre 439 000 bénéficiaires de l’aide médicale d’État (AME) en juin 2023, cette aide que la droite veut réformer, car elle entretiendrait, selon elle, un «appel d’air» migratoire. La Cour des comptes considère que cette estimation chiffrée basée sur l’AME «présente de nombreuses limites». Autrement dit, le nombre de clandestins est sans doute bien supérieur. Le ministre de l’Intérieur avait évoqué, lui, devant le Sénat, une fourchette «entre 600 000 et 900 000» personnes.
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Administrations «saturées»
Les administrations et juridictions chargées de ce contentieux ? Elles sont «saturées», disent les Sages de la rue Cambon. Le cadre législatif ? Il répond à pas moins de «133 modifications en moins de dix ans». Les acteurs concernés «peinent à remplir leurs missions, du fait de leur manque de moyens». Le nombre des Obligations de quitter le territoire français (OQTF) a augmenté de 60% en quelques années. La Cour parle de 447 257 OQTF prononcées entre 2019 et 2022. «De plus, les systèmes d’information visant à contrôler les frontières sont insuffisamment interconnectés», déplore-t-elle. L’éloignement subirait «un enchaînement d’obstacles structurels». «L’éloignement forcé demeure majoritaire, car les personnes étrangères cherchent plutôt à se maintenir sur le territoire national», reconnaît la Cour. Or, selon elle, «l’éloignement forcé est contraint par plusieurs difficultés” et notamment, «les Centres de rétention administrative (CRA), manquent de policiers pour en assurer la surveillance, limitant ainsi les places disponibles».
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