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Marcela Iacub, Kerviel du sexe ?

Si l’on se permet de revenir sur la récente « performance » de Marcella Iacub – comme dit Libération, qui l’a portée en couverture en compagnie du Nouvel Observateur – alors que tout ce qu’il fallait en dire a été dit et bien dit, en particulier par la justice, c’est parce que sa dimension éditoriale et journalistique a occulté sa dimension idéologique, beaucoup moins surprenante. Et pas moins intéressante. Ce n’est en effet pas un hasard total que cette entreprise (au sens économique du terme) ait été conduite par Marcela Iacub et sponsorisée par Le Nouvel Observateur et Libération.

Avec cette opération minutieusement préméditée d’essorage de DSK dont la seule finalité était de « faire de l’argent », comme l’a bien diagnostiqué sa victime, Marcella Iacub s’est en effet investie elle-même en modèle d’une proposition politique qu’elle développe depuis des années : l’extension du néo-libéralisme aux affaires du corps, notamment par la financiarisation du cul. Que cela soit dans ses livres, ses articles ou ses chroniques hebdomadaires dans Libération, cette juriste n’a qu’une obsession : que le droit soit nettoyé pour se conformer au rôle de simple facilitation technique du marché, afin de « faire du sexe une liberté comme celle du commerce » et de le monnayer sous toutes ses formes.

Marcela Iacub considère ainsi que la prostitution doit être organisée comme une activité professionnelle banale à intégrer dans la vaste gamme des services à la personne. « Au lieu de vendre son corps comme caissière à Auchan, on peut aussi bien le vendre à un mec », explique-t-elle avec simplicité. Cette normalisation, qui serait sans conteste bénéfique au PIB national, aurait de plus la vertu de contribuer à la baisse du chômage, les compétences nécessaires à ce nouveau statut professionnel étant assez limitées pour offrir des débouchés importants aux jeunes des deux sexes en échec scolaire.

Sur les « mères porteuses », Marcela Iacub a ainsi trouvé bien timorés les audacieux qui proposent leur légalisation sous le régime du bénévolat. Elle ne comprend pas « pourquoi les partisans de la gestation pour autrui en France tiennent tant à la gratuité de cette technique (sic) alors qu’ils sont favorables à ce qu’on paye de manière convenable les femmes de ménage, les nounous, les coiffeuses et les masseuses  ». Elle explique que cette « limitation de la relation marchande » néglige « les bénéfices à tirer en confiant toutes les grossesses à des femmes spécialement formées, heureuses d’être enceintes et particulièrement bien payées (…) pour les risques qu’elles courent et les dérangements de tout type que provoque une grossesse (…) On créerait ainsi un nombre considérable d’emplois féminins et ce serait une occasion formidable de redistribution de l’argent entre les riches et les pauvres ».

Avec la mise en vente d’une tranche de la vie sexuelle de DSK, dans laquelle elle s’est introduite avec méthode et préméditation, Marcela Iacub a mis en pratique, à son profit, cette même logique de rentabilisation financière du cul qu’elle défend depuis longtemps. Virginie Despentes a bien recadré la nature de l’opération en réduisant Marcela Iacub à ces « meufs du 6e arrondissement qui s’agitent volontiers sur les queues qui peuvent leur rapporter de l’argent ». Mais il faut reconnaître que cette dernière a innové pour démultiplier le profit attendu de son investissement destiné, dès le départ, à usiner un best-seller. Car la vraie « performance » ne réside pas dans le fait de parvenir à coucher avec DSK – on sait qu’il est plutôt accueillant en la matière – que de le raconter en piétinant le respect de la vie privée auquel tout le monde (DSK compris) a, jusqu’à nouvel ordre, droit.

Marcela Iacub illustre ainsi le stade sexuel des «  furies de l’intérêt privé », comme Karl Marx appelait ces « passions les plus vives, les plus mesquines et les plus haïssables du cœur humain » face auxquelles « tout ce qui avait solidité et permanence s’en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané ». On le constate de plus en plus, de Christine Angot à Johnny Halliday, l’exhibitionnisme à prétention littéraire ou biographique profanant sa propre vie privée permet de faire de l’argent. Marcela Iacub a compris qu’on pouvait faire encore plus d’argent en profanant la vie privée des autres, à condition de bien les choisir. Et ensuite de trouver des idiots utiles pour justifier que ce qui était sacré – la vie privée, précisément – soit piétinée en toute bonne conscience.

Marcela Iacub n’a guère eu de difficulté à les trouver pour justifier son délit : ils se bousculent au sein de la grande académie des briseurs de tabous. La seule justification que Laurent Joffrin — le directeur du Nouvel Observateur qui a servi de lancement marketing à son livre – a trouvée fut ainsi la défense de « la provocation » et de la « transgression ». Libération, sans doute frustré de n’avoir pas eu la primeur de cette grande avancée anti-moralisatrice en a rajouté en saluant dans ce « livre joyeusement et éperdument politique » une offensive bienvenue contre les « fabricants de vertus ». Et en félicitant son auteur, « unique dans le paysage passablement figé des idées françaises », qui « fait sauter l’idée même de seuil (des convenances, de la bonne éducation, des idées raisonnables) qu’il ne faudrait pas franchir ».

L’entreprise hautement rentable de Marcela Iacub et la complicité béate du Nouvel Observateur et de Libération illustrent à merveille cette division du travail bien analysée depuis longtemps par le philosophe de tradition socialiste Jean-Claude Michéa : « Si la logique du capitalisme de consommation est de vendre n’importe quoi à n’importe qui, il lui est indispensable d’éliminer un à un tous les obstacles culturels et moraux (tous les “tabous” — dans la novlangue libérale et médiatique) qui pourraient s’opposer à la marchandisation d’un bien ou d’un service (…) Le libéralisme économique intégral (officiellement défendu par la droite) porte en lui la révolution permanente des mœurs (officiellement défendue par la gauche), tout comme cette dernière exige, à son tour la libération totale du marché ».

Marianne  http://www.actionfrancaise.net

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