Ce mot en français a plusieurs significations. On parle en philosophie de la conscience du monde qui nous entoure, la conscience de son moi ce qui nous distingue des animaux. La conscience peut aussi avoir un sens spirituel, lorsque par exemple certains par des exercices de spiritualité veulent élever leur « conscience ». Il y a enfin la conscience morale qui est un troisième sens, mais celle-ci est reliée à la conscience tout court.
« L'homme est conscience de soi. Il est conscient de soi, conscient de sa réalité et de sa dignité humaines, et c'est en ceci qu'il diffère essentiellement de l'animal... » (A. Kojève).
La conscience de soi est le cogito cartésien, le socle sur lequel va s'appuyer la philosophie occidentale : « Cogito, ergo sum ». Parménide écrivait : « le penser et l'être sont le même ». Le « donc » cartésien peut sembler superfétatoire. La phénoménologie étudiera la constitution du monde par nos actes de conscience.
La conscience possède plusieurs propriétés. Elle doit être transparente. Elle permet la certitude. En psychologie, l'accès à ma conscience s'appelle l'introspection comme le préconisait l'allemand Wundt. La conscience doit être aussi immédiate. Il y a primauté du présent sur le passé. La vérité est celle du présent. Les affections de l'homme sont multiples. La conscience unifie ces affections. « Posséder le je dans sa représentation : ce pouvoir élève l'homme infiniment au-dessus de tous les êtres vivants sur la Terre. Par là, il y a une personne ; et grâce à l'unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne, c'est à dire une être entièrement différent, par le rang et la dignité, de choses comme le sont les animaux sans raison, dont on peut disposer à sa guise » (Kant).
La phénoménologie
Pour Husserl, la conscience est toujours conscience de quelque chose. C'est ce qu'on appelle l'intentionnalité de la conscience. La conscience vise donc le monde extérieur. Heidegger parlera d'« être dans le monde ».
« La conscience et le monde sont donnés d'un même coup : extérieur par essence à la conscience, le monde est par essence relatif à elle : connaître ; c'est « s'éclater vers » » (Sartre).
Si la conscience est intentionnalité, alors il n'y a pas de pure vie intérieure. « Nous voilà débarrassés de Proust. Délivrés en même temps de la « vie intérieure » : en vain chercherions-nous comme Amiel, comme une enfant qui s'embrasse l'épaule, les caresses, les dorlotements de notre intimité, puisque finalement tout est dehors, tout jusqu'à nous-mêmes... » (Sartre)
« C'est l'intentionnalité qui caractérise la conscience au sens fort et qui autorise en même temps de traiter tout le flux du vécu comme un flux de conscience et comme l'unité d'une conscience » (Husserl)
Lien entre la conscience et le corps
La pensée moderne après Descartes identifie la pensée et le corps. « Mon corps n'est plus l'autre de l'esprit, mais bien intimement le même, le dénominateur commun de tout ce qui à un titre quelconque, intervient dans un domaine vital » (G. Gusdorf)
La conscience morale
En anglais et en allemand on différencie la conscience disons psychologique et la conscience morale : conscioussness et conscience en anglais, Bewusstsein et Gewissen en allemand. La conscience morale n'existe pas bien sûr sans la conscience psychologique. Il reste philosophiquement la question du fondement de la conscience morale. Schopenhauer écrivait qu'il est plus facile de prêcher la morale que de la fonder.
L'inconscient
On ne peut parler de la conscience sans aborder aussi l'inconscient. Leibniz aborde le premier l'existence de pensées inconscientes. Freud a repris ces analyses en distinguant dans notre appareil psychique : le ça, le moi et le surmoi.
Le « ça » constitue les forces profondes : pulsions de l'agressivité, désirs sexuels, faim...
Le « moi » constitue la conscience mais une partie du moi est inconsciente sous l'emprise des pulsions.
Le « surmoi » est l'ensemble des contraintes institutionnelles et morales, de tous les interdits.
Le « moi » se trouve entre le « ça », les pulsions et le surmoi. Trop de « surmoi » peut créer des névroses. L'inconscient se manifeste dans les actes manques et les rêves. Le rêve exprime un désir. Pour Freud, le rêve est la voie royale de l'inconscient. L'inconscient est un problème pour de nombreux philosophes comme Sartre qui le nie. Il substitue « la mauvaise foi ». On élude les problèmes.
Si la conscience est toujours dirigée vers l'extérieur « être une conscience c'est s'éclater vers le monde » (Sartre), la conscience nous sépare des autres êtres vivants.
« Ce qui élève l'homme par rapport à l'animal c'est la conscience qu'il a d'être un animal...du fait qu'il sait qu'il est un animal, il cesse de l'être » (Hegel)
PATRICE GROS-SUAUDEAU