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Anthinéa d'Athènes à Florence, Par Charles Maurras

Des premiers Jeux olympiques de l'ère moderne aux source si de notre culture la plus classique 
En nos temps dérisoires où l'idéal olympique lui-même se trouve éclaboussé par des scandales de corruption reflétant tout le désordre moral de cette putride fin de siècle, il est fort éclairant de partir pour Athènes en l'an 1896 en compagnie d'un journaliste de 28 ans qui se nommait Charles Maurras
La Gazette de France avait eu la bonne idée de demander à un poète plutôt qu'à un athlète ce qu'il convenait de découvrir dans la capitale hellénique, redevenue pour quelques jours le haut lieu d'une très ancienne et très grandiose vision du monde.
Il ne s'agissait pas moins, dans l'esprit du baron de Coubertin, de restaurer l'antique harmonie du corps, de l'intelligence et de l'âme.
Le jeune poète provençal qui débarque au Pirée est quelque peu sceptique sur les rêveries de l'entreprenant aristocrate normand. Il sera vite sinon convaincu, du moins passionné.
Il va parfois délaisser les gradins du stade olympique pour vagabonder au hasard des rues d'Athènes et grimper le dur chemin de l'Acropole, où il retrouve bien des émotions du vieux Renan.
Ces émotions, il les traduit en une langue superbe. Au fur et à mesure que l'on tourne les pages de ce livre d'une belle qualité typographique, on découvre un grand écrivain dont la vaste culture classique échappe à toute scolarité pour retrouver les belles cadences lyriques unissant la rigueur et la grâce. D'avoir été élevé en deux langues, l'occitane et la française, au lieu de diminuer son bonheur d'expression, n'a fait que le conforter et l'enrichir. La grande leçon dé Mistral est ainsi parfaitement vécue.
Le style n'est pas tout; il n'est que l'élégance d'une pensée qui peut-être ne sera jamais aussi nette ni aussi claire.
Ceux qui enferment Maurras dans le tumulte des luttes d'un demi-siècle, où le fondateur de L'Action Française n'eut certes pas toujours raison, découvriront ici un jeune homme, ou du moins un homme jeune, totalement ébloui par la lumière d'un éternel Midi.
Tout au long de ce voyage vécu comme une sorte de rite initiatique, il découvre dans le monde hellénique « rajeuni et recompris » ce qu'il nomme « une source de renaissance ».
Cette incursion dans l'univers du sport, restauré en sa simplicité primitive, lui fournit des arguments et des espérances pour ce qui sera, quelques mois plus tard, le soubassement doctrinal de son Enquête sur la monarchie. L'esprit d'Anthinéa exhale un véritable printemps des lettres et des arts.
Dans ce récit, qui tient du pèlerinage aux sources et d'une chronique sportive, dont le point d'orgue reste le marathon, superbement remporté par un simple berger grec, Charles Maurras ne cache pas quelques-uns des préjugés qui deviendront un jour les fondements de ce qu'il faut appeler son «système». Celui-ci aura l'originalité - qui contrebalance bien des erreurs - de mêler en un faisceau harmonieux la politique et la culture.
Que la vision qu'il aura de l'une et de l'autre soit souvent restrictive n'empêche pas la fulgurance d'une intuition géniale : que serait la politique si elle n'était, au-delà de la défense des intérêts les plus immédiats, une vision du grand destin des civilisations et des peuples ?
D'emblée, le journaliste est choqué par le mondialisme humanitaire qu'il devine sous l'idéal olympique. Une conversation avec Coubertin le conduira à comprendre le véritable sens des Jeux Olympiques restaurés :  « Il ne s'était jamais offert l'occasion aussi favorable pour essayer de distinguer exactement le cosmopolitisme, qui n'est qu'un mélange confus de nationalités réduites ou détruites, d'avec l'internationalisme qui suppose d'abord le maintien des différents esprits nationaux. »
Autre remarque, qui garde son actualité : la méfiance envers l'Amérique, « cette Amérique qui ignore ce que le monde hellénisé a conçu de plus rare, et de plus secret, la mesure ». Par contre, les Grecs sont son admiration : « Le goût d'enchaîner le présent au passé doit être compté à ce peuple. »
Tout au long de sa visite des musées et des ruines, il va se laisser envahir par les leçons de l'antiquité classique. Il se forge ainsi des maximes appelés à rythmer son futur combat civique : « Trop de nouveaux venus peuvent gâter un peuple, trop de paysans changés en citadins peuvent l'affaiblir. »
II valorise l'idée de mesure : « Ni relâchement, ni rudesse, aucune vertu sans plaisir, ni aucun plaisir sans vertu, voilà le conseil athénien. »
Le reste du livre de cet étonnant voyageur nous conduira en Corse et en Toscane. Il ne pourra que se terminer en Provence, où il revient « plein d'usage et de raison » ...
J,M. National Hebdo du 4 mars au 10 mars 1999
Charles Maurras : Anthinéa d'Athènes à Florence, 192 pages, Librairie Anthinéa, allées Amiral-Courbet, 83000 Toulon .

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