Une revue de presse européenne.
Les dirigeants de l’UE ont décidé dans la nuit de jeudi à vendredi de débloquer dès 2014-2015 six milliards d’euros pour l’emploi des jeunes, à dépenser d’ici fin 2015 dans les treize pays les plus touchés, et d’augmenter cette enveloppe par la suite jusqu’à huit milliards.
Pour la France, « cela représente pour les deux prochaines années 600 millions d’euros » et « 300.000 jeunes concernés », a déclaré le chef de l’Etat français lors d’une conférence de presse, aujourd’hui même.
Ce premier geste suffira-t-il pour enrayer ce chômage qui touche près de six millions de jeunes Européens ? Et si le résultat n’est pas celui qu’on espère, quelles seront les conséquences sur nos finances déjà bien malades ? La presse européenne semble sceptique.
Polémia, avec Presseurop, en parcourt quelques grands quotidiens.
Autre sujet au menu du sommet, l’adoption du budget de l’UE pour 2014-2020, suspendu jusqu’à la dernière minute à la menace de Londres de ne pas le voter si le rabais de sa contribution était remis en cause. On remarquera qu’une fois encore nos amis d’outre-manche traînent les pieds.
Les Echos saluent « les 6 milliards d’euros » mis « sur la table par l’Europe pour l’emploi des jeunes ». Le quotidien économique rappelle les conditions qui ont permis aux Vingt-Sept de s’atteler « sereinement à ce qu’ils ont érigé en priorité » :
Une volonté d’apaisement du côté français, après une semaine de tension avec la Commission européenne ; un compromis de dernière minute sur le budget européen après des mois d’âpres négociations ; un accord in extremis entre ministres des Finances sur les règles de mise en faillite des banques, après plus d’un an de discussions.
Dans le quotidien de Lisbonne Público,, José Manuel Fernandes critique la succession de conseils européens qui prétendent « sauver l’euro et prévenir l’apocalypse » depuis 2010 :
Un nouveau mois de juin, un nouveau Conseil européen. Et une nouvelle poignée de presque rien. Le programme pour combattre le chômage des jeunes est non seulement ridiculeusement limité en terme de fonds qui y seront consacrés, mais marque par-dessus tout une nouvelle tentative d’arriver à quelques résultats dans le cadre de la « Stratégie de Lisbonne » qui a échoué. Cependant, il semble que ce soit à peu près tout ce dont l’Europe soit capable aujourd’hui.« Une année et 1,7 millions de chômeurs plus tard, l’Europe propose la même recette », regrette El País, pour qui la décision de consacrer 6 milliards d’euros à la création d’emploi en 2014-2015, et 2 milliards additionnels jusqu’en 2020, est partielle et relativement modeste », et basée sur de « petites stimulations »:
Six ans après l’éclatement de la crise, 27 millions d’Européens sont au chômage. Un contingent qui équivaut à avoir, les bras croisés et sans possibilité de travailler, les populations de la Belgique, de l’Autriche, du Danemark et de l’Irlande réunies. [...] Parmi ces chômeurs, presque un demi-million ont surgi en Espagne, le véritable grenier à chômeurs du continent. Et la croissance brille par son absence.
« Des emplois pour les jeunes de l’UE : beaucoup de discussions, peu d’argent », écrit Gazeta Wyborcza.
Les 6 milliards d’euros qui seront dépensés entre 2014-2020 ne seront pas suffisants, selon André Sapir du Centre Bruegel qui s’exprime dans le quotidien polonais :
Les projets élaborés spécifiquement pour les jeunes ne vont pas faire une « grande différence », étant donné que le problème est lié au chômage qui touche toutes les tranches d’âge, et à la croissance économique ou plutôt à son absence notable. Je ne peux que réaliser que nos « garanties pour la jeunesse » sont juste des clopinettes car sans le retour de la croissance économique, ils ne créeront pas de nouveaux emplois.
Les milliards d’euros pour les emplois seront prélevés sur le budget européen pour les années 2014-2020 qui a été approuvé par la même occasion par les dirigeants européens. Le quotidien de Varsovie note cependant que le vote final au Parlement européen n’aura pas lieu avant plusieurs semaines :
Le Parlement européen votera sur la résolution non-contraignante en faveur du budget mardi ou mercredi prochain. Toutefois, ce ne sera pas avant les vacances d’été que les députés approuveront officiellement les actes juridiques du budget (2014-2020) puisqu’ils ne pourront être préparés avant la semaine prochaine. [...] Tant que les pays européens tiennent leurs promesses d’augmenter légèrement les fonds cette année, il est probable que le résultat du vote sera positif.
Une réunion marquée par « des dirigeants simplement satisfaits des accords bienvenus réalisés auparavant » qui a failli mal tourner quand le Premier ministre britannique David Cameron a demandé des garanties sur le rabais du Royaume-Uni dans le budget, rapporte European Voice. Qui rappelle que pendant les derniers sommets de décembre et de février derniers, le Royaume-Uni a résisté aux appels français à effacer ou à réduire ce rabais, mais la France a continué à faire pression pour obtenir une modificiation qui, selon les calculs de Londres, pourrait obliger le Royaume-Uni à verser 351 millions d’euros de plus au budget des sept prochaines années.
Dans l’ensemble, écrit Adriana Cerretelli dans le quotidien économique italien Il Sole 24 Ore, les mesures décidées à Bruxelles ne constituent pas un grand recul et l’UE continue d’avancer « aussi lentement qu’un pachyderme » si on la compare à ses principaux concurrents, Etats-Unis en tête.
Débloquer le budget de l’UE pour les années 2014-2020 permet de disposer de moyens concrets pour agir. Mais ils restent objectivement bien maigres. [...] Les 6 milliards vont être distribués sur deux ans aux quelque 5,6 millions de jeunes âgés de moins de 25 sans emploi. L’Europe a toujours avancé petit à petit : un petite aide pour ceux dans le besoin, mais jamais assez. Quelques maigres incitations pour la croissance, mais surtout symboliques. Parce que chaque pays doit apprendre à compter sur lui-même, à créer ses propres possibilités de développement ou à les chercher là où elles sont.
Presseurop, 28 juin 2013 http://www.polemia.com