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Réprimer les dérapages verbaux ne règle rien…

 

« Roms, l’unique objet de mon ressentiment », semblent dire les uns après les autres les maires de Cholet, de Croix ou de Roquebrune-sur-Argens. Ces « dérapages » verbaux, épinglés par les médias et sanctionnés ou au moins désavoués par les partis de rattachement, sont faciles à stigmatiser.

Il est plus intéressant d’analyser le processus dans lequel ils se situent. La présence inopportune, non souhaitée et dérangeante des Roms est de plus en plus mal supportée par les riverains des campements insalubres dans lesquels ils s’installent illégalement, en suscitant de nombreux soupçons sur leurs activités et l’origine de leurs ressources. Les élus locaux, parfois détenteurs de mandats nationaux, sont souvent dans la situation schizophrénique de tenir des discours « politiquement corrects », c’est-à-dire hypocrites dans leurs interventions officielles, et de se laisser aller à des boutades démagogiques dans la chaleureuse ambiance des réunions de proximité : un bon mot, un excès de langage ou un coup de colère qui rencontrent l’adhésion de l’assistance par le rire ou les applaudissements sont des tentations difficiles à éviter.

La liberté d’expression est un indicateur de l’opinion qu’il faut prendre en compte avant qu’il ne soit trop tard.

Cette question est celle de la tolérance. Lorsque la passivité à l’égard de l’illégalité, voire de la délinquance, accompagne la répression de la parole indignée contre elles, alors c’est la société qui dérape et devient injuste aux yeux de la plupart des citoyens. Spinoza écrivait : « Il est impossible d’enlever aux hommes la liberté de dire ce qu’ils pensent. » Si on les en empêche, ils n’en penseront pas moins, jusqu’au moment où la pression de l’inacceptable deviendra telle que faute de parole, on passera aux actes.

La liberté d’expression est donc à la fois une libération salutaire, une « catharsis » et un indicateur de l’opinion qu’il faut prendre en compte avant qu’il ne soit trop tard. Une sorte de désobéissance civile « à blanc ». Toutes les désobéissances ne se valent pas. Lorsqu’une poignée de farfelus estiment posséder la vérité qui leur donne le droit de saccager un magasin ou un champ expérimental d’OGM, c’est doublement inacceptable, puisqu’aucune censure ne frappe leur discours et que leurs victimes sont dans la plus parfaite légalité. En revanche, comme le dit encore Spinoza : « Une mesure provoquant l’indignation générale a peu de rapport avec le droit de la Cité. » Autrement dit, lorsque l’opposition à une situation, même protégée par le droit, soulève les foules, comme on le voit en Bretagne, il est nécessaire de lui trouver une solution politique et non judiciaire.

Les dérapages verbaux ne sont que des signaux annonciateurs. Les réprimer aveuglément revient à casser le thermomètre lorsque la fièvre monte. Actuellement, les Roms sont nombreux à venir et à revenir en France, à s’y installer dans des conditions déplorables, à se livrer pour certains à la mendicité et à des activités délictuelles. Ils seront plus nombreux demain si l’on intègre leurs pays d’origine – assez incertains, comme l’affaire Leonarda l’a montré – dans l’application du traité de Schengen. La lenteur de la justice, la volonté et les moyens de l’État, le droit et l’idéologie de l’oligarchie européenne irritent davantage encore l’indignation. Comme beaucoup d’autres en ce moment, il faut l’écouter, entendre un peuple qui pense à 88 % que les gouvernants ne s’intéressent pas à ses problèmes.

Christian Vanneste dans Boulevard Voltaire

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