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Les dès roulent à nouveau par Didier PATTE

Nous ne retiendrons du discours – programme du nouveau Premier ministre, M. Manuel Valls, que le chapitre consacré à l’évolution souhaitée du « mille-feuille territorial », en faisant remarquer préalablement que maintes observations, déjà énoncées par le Président de la République le 15 janvier dernier, correspondaient aux positions du Mouvement Normand, rabâchées depuis des décennies et qui étaient contredites par les réticences des élus – de droite comme de gauche – dénonçant leur « utopie », multipliant les « impossibilités » pour déguiser leur immobilisme en la matière…

Que dit M. Valls ?

Il faut en finir « avec les enchevêtrements, les doublons et les confusions de compétences » auxquels les citoyens ne comprennent plus rien.

Pour ce faire, il faut mettre fin à la clause de compétence générale de chacun de ces échelons, qui permet à une collectivité d’intervenir dans tous les domaines qu’elle juge de ses attributions. Les compétences seront donc « spécifiques et exclusives ». C’est une véritable révolution institutionnelle car, depuis les Lois Defferre de 1982 (Droits et Libertés des communes, des départements et des régions), la décentralisation avait été perturbée par une absence de hiérarchie des échelons, une complexité des interventions de chacune d’elles (financements croisés). Le rôle de « chef de file » de la région, pourtant, a émergé petit à petit et s’est imposé en de nombreux domaines. Il s’agit donc de la reconnaissance du rôle déterminant de la régionalisation dans la politique de décentralisation.

Manuel Valls « propose de réduire le nombre des régions de moitié dans l’Hexagone »… De 22, on passerait à 10 ou 11 régions (plus les régions d’outre – mer). En l’occurrence, référence est faite au rapport Balladur de mars 2009, qui préconisait 15 régions et, surtout, au rapport d’Yves Krattinger et Jean-Pierre Raffarin, d’octobre 2013, qui retenait l’hypothèse de 8 à 10 régions.

Autant le rapport Balladur paraissait au Mouvement Normand assez équilibré (la Normandie était réunifiée), autant le rapport Krattinger – Raffarin nous semble nébuleux, technocratique et inquiétant… En effet, le choix est entre des fusions s’appuyant sur des réalités humaines avec des alliances respectant les personnalités de la plupart des régions et des regroupements du style Grand Ouest, Grand Nord – Ouest, Grand Est, etc. (cf. les circonscriptions électorales des prochaines élections européennes), qui se révéleraient ingérables et lointaines pour les citoyens.

Le Mouvement Normand sera particulièrement attentif sur ce point : nous voulons la réunification de la Normandie et non une construction technocratique dans laquelle la Normandie serait irrémédiablement divisée ou noyée dans un ensemble dépourvu de véritables cohérences.

L’élément nouveau émanant de la déclaration du Premier ministre réside dans la méthode qu’il entend utiliser pour parvenir à des fusions de régions. Comptant sur le volontarisme des élus, il espère que les régions pourront fusionner d’un commun accord. Si tel n’est pas le cas, le Gouvernement en passera par la loi. Une date – butoir est fixée : le 1er janvier 2017, c’est-à-dire pendant la durée de l’actuel quinquennat (et, vraisemblablement, sous la direction de l’actuel gouvernement).

Le Mouvement Normand accueille positivement cette intention et cette méthode qui placent les élus devant leurs responsabilités et donnent finalement à l’État – et au Parlement – le dernier mot et un rôle décisif dans la reconfiguration de la géographie institutionnelle de la France

Second élément (beaucoup plus imprécis quant au calendrier et au contenu du changement) : le devenir des départements… Devront-ils être supprimés ? Vraisemblablement pas, mais les conseils « départementaux » (en fait, les actuels conseils généraux) disparaîtraient… C‘était bien la peine de remettre en cause le conseiller territorial, préconisé par le Gouvernement Sarkozy – Fillon au début du quinquennat ! À notre avis, ce sera la principale pierre d’achoppement de l’actuel projet gouvernemental.

Le Mouvement Normand part de l’idée que la création de plus grandes régions suppose que des entités (appelons-les « départements », si l’on veut garder la notion, à condition que ces départements ne soient plus des « parties » de la nation, mais des « parties » des régions… Se référer au sens du verbe « départer » de l’époque de l’Assemblée Constituante) soient chargées de compétences particulières (notamment sociales et d’équipements de proximité) sous le contrôle de la région… Maniant des budgets assez considérables, nous voyons mal que des élus (lesquels ? conseillers régionaux ? conseillers ad hoc ?) n’en soient pas responsables devant les citoyens… Nous attendons des précisions sur ce sujet qui ne nous paraît pas clair dans l’esprit du Premier Ministre.

À moins que – troisième révolution institutionnelle – les intercommunalités ne se substituassent aux départements pour la gestion du social et des équipements de proximité… Manuel Valls, en précisant que, pour lui, les communautés de communes, les communautés d’agglomérations et futures métropoles doivent « être fondées sur les bassins de vie », fixe peut-être le cadre des gestions de proximité…

Là, encore, le Premier ministre évoque un calendrier : 1er janvier 2014 : la plupart des intercommunalités sont constituées; 2016 : création de la métropole du Grand Paris; 1er janvier 2018 : nouvelle carte intercommunale…

On observera qu’à cette date, on sera entré dans la période d’un nouveau quinquennat et d’une nouvelle législature… Ce qui entraîne une certaine marge d’incertitude…

Évidemment des questions annexes se posent : s’agit-il, par le biais de ces réformes de structure de réaliser des économies, notamment les 10 milliards d’euros à récupérer sur le fonctionnement des collectivités locales ? Faut-il prévoir – dans le cadre de la lutte contre les doublons – des suppressions de postes dans la fonction territoriale ? La mise en place des nouvelles grandes régions permettra-t-elle, dans un premier temps, des économies d’échelle ?

Et puis, rien ne serait pire que les effets d’annonces non suivis de réalisations concrètes. Depuis des décennies, nous en avons tant entendus qu’un doute raisonnable nous empêche de crier tout de suite à la « divine surprise » !

Le cas de la Normandie est exemplaire

Manuel Valls, les 8 et 9 avril, notamment sur R.M.C., a évoqué la réunification de la Normandie, comme exemple d’une fusion possible de régions : voilà qui est clair et explicite. Le même jour, Laurent Beauvais, président du Conseil régional de « Basse-Normandie », à Cherbourg, réaffirme son désir d’unité normande, dès cette année, assurant que son homologue « haut–normand », Nicolas Mayer–Rossignol, est « ouvert à la discussion », mais M. Beauvais est-il aussi clair lorsqu’il indique que le choix de la capitale régionale doit faire l’objet d’un référendum ?

La situation évolue. Vite. La C.R.E.A. (sous quel nom ? Le Mouvement Normand suggère « Métropole de Rouen – Seine – Normandie ») deviendra métropole le 1er janvier 2015… On considère aujourd’hui – sans que cela ne soit démontré d’ailleurs – « qu’il n’y a pas de région sans métropole, ni de métropole sans région ». Avec plus de 500 000 habitants, la C.R.E.A. a la taille démographique nécessaire. A-t-elle pour autant les fonctions suffisantes pour être une métropole de plein exercice et pour exister vraiment face au Grand Paris ? D’autre part, on peut penser que le Pôle métropolitain de l’Estuaire, s’appuyant sur les deux piliers du Havre et de Caen, a des chances d’être pris en considération par le gouvernement, surtout depuis les résultats des dernières élections municipales qui confortent les leaders des villes concernées…

Dès lors, la solution serait toute trouvée : un partenariat entre la métropole rouennaise et le pôle métropolitain de l’estuaire permettrait à toute la Normandie de se sentir concernée et susciterait un nouveau dynamisme de l’ensemble, rééquilibrant l’Axe Paris – Seine – Normandie.

Cela suppose une volonté forte de coopération entre les élus, quelles que soient leurs tendances : le temps presse. Nos élus sauront-ils saisir cette chance ?

Car, ne nous faisons pas d’illusions : les ennemis de la Normandie n’ont pas désarmé. Nous avons entendu le jeudi matin, 10 avril, sur France Inter, Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation, évoquer benoîtement le rattachement du département de la Manche à la Bretagne. Cette excellence, d’origine bretonne, ne voudrait-elle pas par ce truchement nous chiper le Mont – Saint – Michel ? Le même jour, dans le journal Paris Normandie, le président du Conseil régional de « Haute-Normandie » a l’outrecuidance de prétendre – contre les évidences – qu’il y a plus de liens entre sa région – croupion et la Picardie qu’entre la « Haute- » et la « Basse-Normandie » ! Le successeur de Le Vern reprend l’antienne de ce dernier, prétendant en même temps que la « Basse-Normandie » a des rapports privilégiés avec les Pays-de-la-Loire… Ce monsieur, encore jeune dans la fonction dont il a héritée dans les conditions que l’on sait, feint d’ignorer la différence entre les convergences fusionnelles qui président aux relations entre les deux morceaux de la Normandie et les coopérations interrégionales que chaque région doit avoir avec ses régions limitrophes, voire, en ce qui nous concerne, avec la côte Sud de l’Angleterre. Peut-être Nicolas Mayer–Rossignol pense-t-il aussi à un grand « machin », comprenant, outre la « Haute-Normandie », la Picardie et l’Île-de-France, énorme eurorégion dans laquelle les identités normande et picarde seraient  noyées. Tout est possible, même le pire !

La vigilance s’impose. La mobilisation aussi. Non seulement il faut argumenter, convaincre, mais nous devons aussi dénoncer les imposteurs et les aventuristes, les localistes impénitents et ceux qui, volens nolens, subissent le mirage technocratique à la solde d’intérêts extérieurs et mondialistes. D’après la presse, un récent sondage montre que l’idée d’unité de la Normandie est plébiscitée par plus de 60 % des citoyens en « Haute-Normandie » et plus de 50 % dans les départements « bas-normands » : il faudra en tenir compte. Le Mouvement Normand, en lutte depuis 1969, entame l’ultime combat pour la survie de la Normandie. Une de nos devises est plus que jamais d’actualité : « L’utopie, c’est le refus du renoncement ». Nous ne renoncerons jamais !

Didier Patte, président du Mouvement Normand

• Communiqué n° 198 du Mouvement Normand du 11 Avril 2014.

http://www.europemaxima.com/?p=3767

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