Le problème touche d'abord les enfants, beaucoup plus sensibles à l'exposition aux pesticides. C'est pourquoi l'association Générations futures s'est spécialisée sur ce sujet des pesticides. Régulièrement, elle publie des rapports pour alerter l'opinion publique dont te dernier nous intéressera particulièrement : l'analyse des cheveux d'enfants vivant en zone apicole révèle une moyenne de 2152 résidus de perturbateurs endocriniens(1) sur chacun, dont certains interdits en France depuis 1972... Les conséquences commencent à être connues : problème de fécondité, maladie nerveuse, cancer, etc. Seulement, « la recherche en agronomie est sous la tutelle des pouvoirs publics, qui sont généralement soucieux de ne pas gêner l'activité économique et donc l'emploi, déclare François Ramade, professeur émérite d'écologie à l'université Paris-Sud II. De plus, poursuit-il les agences de sécurité sanitaire ne se sont guère préoccupées de ce problème car ces substances ne posent pas de graves problèmes pour l'homme. Il n'en reste pas moins qu'elles finiront par avoir un impact économique négatif important. » Effectivement lorsque les doses sont respectées, les pesticides, normalement, ne « posent pas de graves problèmes de santé. » Affirmation qui pourrait elle-même être nuancée par quelques témoignages pris parmi d'autres. Il y a quelques semaines un vigneron nous témoignait en réunion syndicale de l'importance de mettre ses EPI (équipement de protection individuel) faute de quoi, il lui advenait des plaques rouges partout sur le corps et des saignements abondant du nez... Il y a celui qui témoigne dans le début du reportage « La mort est dans le pré » : il poursuit la MSA devant la justice pour que son cancer soit reconnu maladie professionnelle à cause des produits de traitement. Il meurt avant la fin du reportage tout en continuant à faire traiter ses parcelles... par un autre vigneron, allez comprendre. Il y a tout ceux qui meurent en silence, étant entendu que « les victimes non reconnues en maladie professionnelle sont des victimes qui n'existent pas » comme en témoigne Marie-Lys Bibeyran qui est à l'origine d'une autre enquête d'analyse de résidus de pesticides sur les cheveux de travailleurs de la vigne et de riverains du village de Listrac-Médoc(2).
En outre, l'exposition aux produits de traitement doit aussi prendre en compte « l'effet millefeuille » : la façon dont les produits, combinés entre eux - ensemble ou d'une année sur l'autre avec les résidus-, réagissent et saturent les organismes vivants, humains inclus. Des conséquences d'autant moins mesurées - faute de moyens - que la viticulture française, très friande de fongicides, ne sait pas mesurer précisément l'impact sur la vie du sol pour une simple raison : nous ne connaissons que partiellement les mécanismes de la vie du sol. En résumé, nous traitons, nous traitons et... advienne que pourra.
Par ailleurs, peut-être certains lecteurs ne mesurent-ils pas l'ampleur du problème lorsque l'on dit que les nouveaux insecticides réduisent considérablement le nombre d'insectes (toutes espèces confondues). Les citadins finissent par oublier ce qu'estun insecte : on en voit rarement dans les grandesvilles, quelques abeilles ou guêpes, quelques moucheset encore. Pendant les vacances tout ce petit monderedécouvre généralement la joie des moustiques, despapillons, des multiples moucherons des bourdons àcul blanc, d'abeilles charpentiers, de frelons ou dedivers coléoptères que l'on traite rapidement à coupde bombe à effet foudroyant, histoire d'être tranquille. Pourtant, le Bon Dieu n'a pas créé ces diversesespèces seulement pour faire crier les femmes etgâcher les barbecues estivaux.
Suite dans le prochain numéro
1) « Les perturbateurs endocriniens (PE) sont des substances d'origine naturelle ou artificielle étrangères à l'organisme. Elles peuvent interférer avec le fonctionnement du système endocrinien et induire de nombreux effets néfastes sur l'organisme d'un individu ou sur ses descendants ». Page 4 du rapport Expert 3 « Quelles expositions des enfants aux pesticides perturbateurs endocriniens ? » avril 2014. http://vvvw.generations-futures.fr/nos-sites-et-documents/nos-rapports/
2) L'enquête Apache « Analyse de pesticides agricoles dans les cheveux », 19 février 2013.
monde & vie 30 juillet 2014