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Chine : Xi Jinping, le “chasseur de tigres” corrompus

Éliminer les fonctionnaires véreux, c’est bon pour la popularité. Mais le Parti a aussi joué des malversations pour asseoir son pouvoir et faire passer ses réformes, affirme Hu Ping, rédacteur en chef de la revue dissidente en exil Beijing Zhi Chun.

Pour le Parti communiste chinois (PCC), 2014 a été l’année de la lutte contre la corruption. Le président Xi Jinping a obtenu des résultats très probants qui lui ont valu de nombreux applaudissements dans son “combat contre les tigres” et sa “chasse aux mouches”.

Revenons sur l’évolution du phénomène de la corruption dans les milieux officiels depuis le lancement de la politique de réformes et d’ouverture [par Deng Xiaoping, en 1979]. Reconnaissons-le: au début, la corruption était relativement peu répandue parmi les cadres du PCC. En 1980, Wang Lei, qui était à l’époque ministre du Commerce, avait dû démissionner pour n’avoir pas payé le plein tarif lors d’un repas au restaurant Fengzeyuan : au lieu de 124 yuans, il n’avait déboursé que 19 yuans.

Par rapport à ce qui s’est passé par la suite, il ne viendrait à l’idée de personne de considérer cela comme un acte de corruption ou d’abus de pouvoir.La corruption a commencé à devenir un véritable fléau en 1985, après la mise en place d’un double système de prix [un prix fixé bas pour les matériaux issus de l’économie planifiée, un autre libre – plus élevé –pour l’excédent]. Les cadres du Parti contrôlant les ressources financières ont alors découvert qu’il leur suffisait d’apposer leur autorisation sur un bout de papier pour voir l’argent couler à flots.

Au fil d’opérations de revente, les familles des hauts fonctionnaires ont été les premières à faire fortune. Et, en 1989, le mouvement démocratique était mû par deux slogans principaux : la revendication de liberté et de démocratie, et la révolte contre la corruption et les malversations des agents de l’État. Après le 4 juin [répression de Tian’anmen], le PCC a décidé de s’attaquer à ce fléau.

Il s’était en effet rendu compte que c’était la corruption qui était à l’origine de la colère du peuple, à l’origine des immenses manifestations ayant failli renverser le pouvoir communiste.

Le “parti des princes”

Le 28 juillet 1989, le Bureau politique adopta plusieurs résolutions sur des sujets tenant particulièrement à cœur à la population. Il s’agissait entre autres de freiner l’accès aux affaires pour les enfants de cadres dirigeants, de s’attaquer sérieusement à la question des pots-de-vin et d’intensifier la remise au pas des sociétés.

Cela se concrétisa notamment avec la dissolution de la société Kanghua, dont le PDG était le fils aîné de Deng Xiaoping, Deng Pufang. Ce dernier avait été la cible de nombreuses critiques lors du mouvement démocratique de 1989, et sa disgrâce signifiait d’une certaine manière que le PCC tenait compte des critiques émanant du peuple.

Mais, très vite, les autorités s’étaient remises de l’énorme choc provoqué par le mouvement de protestation et s’étaient dit qu’elles n’avaient pas à craindre le peuple, ni sa colère ni sa volonté.

N’avaient-elles pas réussi à réprimer les manifestations du 4 juin malgré l’ampleur du mouvement ? Et les résolutions qui venaient juste d’être adoptées furent finalement jetées aux oubliettes. Par la suite, les dirigeants ont compris que leur maintien au pouvoir dépendait de la solidité du Parti même (il ne fallait pas que surgissent en son sein des personnalités comme Gorbatchev ou l’ex-Premier ministre Zhao Ziyang) et de son unité (il ne devait plus apparaître divisé comme en 1989).

Des dispositions ont donc été prises pour assurer la relève par le “parti des princes” [les enfants de hauts dirigeants] et la diversification au sein des familles (un enfant embrassant la carrière politique, l’autre se lançant dans les affaires). Une telle politique a ouvert grand la porte à la corruption dans le Parti, en premier lieu chez les hauts fonctionnaires et dans les familles de membres de la première heure.

Durant cette période, deux théories sont apparues défendant la corruption : l’une prétendait que “la corruption est le lubrifiant des réformes”. En effet, si, au départ, la plupart des membres du PCC étaient très réticents vis-à-vis des réformes favorisant le passage à l’économie de marché (impliquant qu’ils cèdent une partie de leur omnipotence), quand ils réalisaient qu’ils pouvaient, au nom des réformes, s’approprier des biens collectifs, ils rejoignaient les uns après les autres le clan des réformistes.

L’autre théorie affirmait que “la corruption rend plus stable le pouvoir”, car, en échange des superbes possibilités offertes aux fonctionnaires d’engranger une fortune imméritée, le pouvoir pouvait compter sur leur soutien. En février 1997, à la suite du décès de Deng Xiaoping, Jiang Zemin eut les coudées franches.

En mars 1998, Zhu Rongji était nommé Premier ministre et annonçait lors d’une conférence de presse sa ferme volonté d’engager la lutte contre la corruption. Son discours courageux lui valut un tonnerre d’applaudissements. Cependant, très vite, cette belle résolution s’est envolée en fumée, à tel point que, lorsque Zhu Rongji quitta la scène politique quatre ans plus tard, la seule évocation de la lutte anticorruption le mettait mal à l’aise.

Revenons à l’année 2014. Xi Jinping met toute son énergie à combattre la corruption, entraînant la chute de toute une flopée de petits fonctionnaires ou hauts dirigeants. Nombreux sont ceux qui, tout en saluant son action, ne peuvent s’empêcher de pointer du doigt ses prédécesseurs, en reprochant à Hu Jintao de n’avoir rien fait en la matière et à Jiang Zemin d’avoir fermé les yeux sur ce fléau. Si l’on remonte encore un peu plus loin, force est de reconnaître que même Deng Xiaoping n’est pas exempt de reproches.

Un moteur

Cependant, j’ose affirmer que le camp de Jiang Zemin pourrait dire : “Si nous n’avions pas, en notre temps, toléré et encouragé la corruption, le PCC aurait-il réussi à se maintenir au pouvoir ? Les réformes économiques auraient-elles pu être approfondies et l’économie chinoise aurait-elle connu un tel boom ?” Xi Jinping sait très bien ce qu’il en est.

Courrier International

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