Par François Marcilhac
Macron aura-t-il ramené la France à la situation de l’après-guerre ? En dépit de ses rodomontades natalistes de l’année dernière — le 16 janvier 2024, il avait appelé à un « réarmement démographique » de la France et annoncé un plan contre l’infertilité et un congé de naissance pour relancer la natalité — il n’aura rien fait pour inverser la tendance baissière : il y a désormais plus de décès que de naissances en France, une première depuis 1945 ! Ainsi, le croisement des courbes, attendu en 2027, s’est effectué entre mai 2024 et mai 2025 : 651 200 personnes sont mortes pour 650 400 naissances.
Certes, vous aurez toujours de bons esprits pour vous affirmer que cette tendance est largement partagée en Europe, voire dans le monde, que la France faisait même figure d’exception avec sa démographie positive. Ce n’est pas faux et il serait stupide de tout mettre sur le dos de nos politiques. Il n’en reste pas moins que ces bons esprits sont les mêmes qui affirment que ce solde naturel négatif est, comme par hasard, compensé par un solde migratoire positif et que, dès lors, tout va bien dans le meilleur des mondes. D’autant que, les bons esprits se transmuant alors en bonnes âmes, celles-ci mettent en avant le côté à la fois économique et humanitaire d’une immigration qui, de plus, et foi d’Éric Woerth, « a un coût zéro ». On n’est pas forcé de le croire. Mais ce discours est aussi celui d’une Europe institutionnelle qui voit dans l’immigration le chemin presque messianique pour réaliser cet espace mondialisé dont elle veut être le village-témoin.
Il n’est toutefois pas interdit de penser que les politiques antifamiliales depuis au moins Hollande ont joué en défaveur de la natalité. Le versement sous condition de ressources des prestations familiales a représenté une rupture philosophique : ces prestations n’étaient plus considérées comme une légitime compensation — très partielle, du reste ! — des frais engagés par les couples avec enfants qui assurent ainsi l’avenir de la société, par rapport à ceux qui, pour des motifs qui leur appartiennent et ne résultent pas toujours d’un choix strictement volontaire, ne fondent pas de famille. Cette avancée de l’individualisme, au sens où seuls les revenus sont désormais pris en considération, l’État ne faisant plus une différence d’ordre qualitatif entre ceux qui assurent le renouvellement des générations et les autres, s’est conjuguée à l’idéologie « no kids » — « sans enfants » —, qui permet de donner bonne conscience, en la recouvrant d’un vernis écologique — il y aurait déjà trop de monde sur terre et ce n’est pas bon pour le réchauffement climatique — à une démarche strictement égoïste puisqu’elle vise à profiter des avantages de la société sans en assumer les conditions de possibilité : renouveler les générations — nous parlons ici évidemment en utilitariste, le seul langage que comprennent ces bobos volontairement inféconds à tout point de vue. Malheureusement ce discours infuse de plus en plus largement.
Est-il nécessaire de mentionner aussi la remise en cause parallèle du modèle traditionnel de la famille ? Mariage pour tous, PMA, bientôt GPA : fonder une famille n’est plus le prolongement naturel de l’amour que se porte un couple. L’enfant n’est plus qu’un projet — « projet parental » : expression horrible.
D’un autre côté, il ne faut pas méconnaître non plus le désir insatisfait d’enfant chez de nombreux couples auxquels les conditions matérielles d’existence — logement, revenus, rythme de travail — les font renoncer à avoir un enfant ou à en avoir un supplémentaire — le troisième, voire le second, « ça ne serait pas raisonnable ». L’individualisme n’a pas encore triomphé dans toutes les couches de la société et celle-ci — nous parlons toujours en utilitariste, philosophie du temps dont le macronisme n’est qu’une expression temporaire — aurait tout intérêt à satisfaire ce désir en permettant aux couples d’avoir autant d’enfants qu’ils le souhaitent. Ce serait, certes, de la part de nos élites, plus encore que des Français en général, une véritable révolution culturelle. On parlerait alors d’une infâme politique nataliste : il est vrai que, depuis presque cinquante ans, ces élites conduisent plutôt une politique où triomphe l’instinct de mort, et l’automne, avec le passage au Sénat du texte légalisant l’euthanasie, en sera une nouvelle manifestation.
Oui, l’hiver démographique dans lequel nous sommes désormais entrés n’est pas inéluctable. Et une inversion de la courbe est de l’ordre du possible. Il faudrait en vouloir les conditions, aux plans structurel comme existentiel. Tenir un autre discours qu’un catastrophisme délétère cautionnant l’individualisme, faux nez de l’égoïsme, lever les obstacles matériels et financiers, adopter une autre attitude face à l’avenir qu’une frilosité écologiquement bien-pensante, promouvoir sans fausse honte, mais intelligemment, le modèle traditionnel de la famille auquel reste fondamentalement attachée la majorité des Français, rappeler enfin aux jeunes que l’amour se multiplie lorsqu’il se partage, alors que l’individualisme conduit à une existence autocentrée et rabougrie : les pistes sont nombreuses. Les élites républicaines tiennent le discours inverse. Raison de plus pour faire le pari de l’avenir en rappelant que la famille est la base de la nation.
https://www.actionfrancaise.net/2025/08/01/sortir-de-lhiver-demographique/