Transformé en chef d’Etat « jupitérien » par la grâce de l’événement, notre ex-« Président normal », comme les Sages, les Pythies et les Prophètes, s’exprime désormais par énigmes.
Après avoir consacré sa conférence de presse du 5 février dernier à célébrer le mystérieux « esprit du 11 janvier », il a ainsi répondu à une question sur la législative partielle du Doubs par une formule à peine moins obscure : « Il y a des partis qui sont dans la République, ceux qui concourent aux suffrages sont dans la République, ont des élus dans la République, ont le droit, donc, d’avoir des candidats, et donc des élus. (…). Mais est-ce à dire que tous les partis sont pleinement dans les valeurs de la République ? Non. Adhérent aux valeurs de la République ? Non. Au moins, à toutes les valeurs ? Sûrement pas. » Aussitôt, l’aphorisme est contesté par Florian Philippot, invité sur une radio périphérique à commenter la conférence de presse : en l’occurrence, réplique le vice-président du Front national, ceux qui se targuent d’être républicains sont justement ceux qui ont renoncé à l’être en acceptant de noyer la France dans l’Union européenne et qui, par là même, ont renié le principe républicain par excellence, la souveraineté nationale.
Étant donné la fréquence avec laquelle on utilise le mot « républicain » et les graves conséquences que l’on en tire, le débat n’est pas sans intérêt. Mais lequel des deux a raison ? Hollande et les ennemis du Front national, qui lui reprochent de ne pas l’être même s’il profite de la République, et qui n’hésitent pas à appeler au front « républicain » pour lui faire barrage ? Ou Philippot et les siens, qui accusent ces républicains autoproclamés d’avoir délaissé, au profit d’une mondialisation oligarchique, ce qui ferait l’essence et le cœur même de la république ?
Dans l’absolu, ni les uns, ni les autres – dans la mesure où la notion de « république » s’avère aussi floue, aussi incertaine et finalement à peu près aussi inconsistante que celle de « démocratie ». Du reste, la petite querelle du 5 février n’est pas sans rappeler les interminables controverses du temps de la guerre froide, où les Etats socialistes (qui se qualifiaient de démocraties populaires) et les régimes libéraux (dits démocraties pluralistes) s’accusaient les uns les autres d’usurper le titre de démocratie, et prétendaient en être les seuls titulaires légitimes. Et encore le mot démocratie fournit-il quelques pistes pour savoir ce qu’il faut entendre par là, et qui peut s’en prévaloir : la démocratie, nous rappelle l’étymologie, est un système dans lequel le pouvoir appartient au peuple, démos. Pour le mot « républicain », les choses paraissent beaucoup plus aventureuses : personne ne peut dire ce que c’est, pas même l’imposant Dictionnaire critique de la république paru il y a quelques années, qui renonçait purement et simplement à définir son propre objet.[....
Frédéric Rouvillois
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