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L'adhésion de la Turquie consacrerait la fin d'une Europe enracinée dans une terre et une histoire particulière

La vérité est que, plus l’élargissement s’étend, plus l’approfondissement devient difficile. Un éditorial paru dans Le Monde le 19 janvier 2000 parlait d’ailleurs à ce propos de « deux objectifs parfaitement antinomiques ». La puissance n’est pas en effet seulement une affaire de taille. Ici, non seulement le principe « plus on est grand, plus on est fort » ne vaut plus, mais il s’inverse : plus l’Union européenne s’étend sans se réformer, plus son impuissance s’accroît. Ce qui revient à dire qu’au-delà d’un certain seuil, l’Europe change de nature et ne peut plus fonctionner comme avant. Comment pourrait-on en effet arrêter une politique commune à vingt-cinq ou vingt-sept ? 
     L’entrée dans l’Union européenne d’un pays de 72 millions d’habitants comme la Turquie, qui deviendrait ainsi, du seul fait de son poids démographique, l’État membre le plus influent en termes de droit de vote, perspective soutenue par les États-Unis mais à laquelle la majorité des Européens sont nettement opposés, scellerait définitivement une fuite en avant dans l’élargissement au détriment de l’approfondissement, ruinant à jamais l’espoir de voir l’Europe devenir une véritable entité politique. Comme l’a écrit Jean-Louis Bourlanges, « l’adhésion de la Turquie trancherait une hésitation d’un demi-siècle entre deux conceptions de l’Union, idéologique d’un côté, géopolitique de l’autre. Elle consacrerait la victoire d’une Europe éthérée, réduite à l’exaltation de valeurs universelles et du droit, sur une Europe enracinée dans une terre et une histoire particulière, la victoire d’une Europe onusienne sur une Europe carolingienne. Jean Monnet, le voyageur sans bagages de la paix universelle, le champion planétaire de la résolution des conflits, l’emporterait définitivement sur Robert Schuman, l’homme d’un lieu et d’un temps, attaché par toutes les fibres de son être à sa Lorraine déchirée, résolu en chrétien, en lotharingien, en français et en allemand à retrouver – à travers la réconciliation des peuples de l’espace rhénan – le fil perdu d’une civilisation commune, la spécificité d’un modèle social façonné par l’histoire, le secret d’une résurrection solidaire de peuples brisés et ruinés par la folie de leurs Etats respectifs ».
 
Alain de Benoist, Le Traité transatlantique et autres menaces

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