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A la veille d’une nouvelle crise financière…

Incroyable ! Sept ans après les subprimes, des bulles sont en train de se reformer. Et elles pourraient bien exploser ! Il suffit d’une étincelle, par exemple en Grèce avec sa sortie de l’Euro.

Le monde de la finance est vraiment incorrigible. Sept ans seulement après la crise des subprimes, qui a failli faire exploser le système bancaire international, voilà que resurgit la crainte d’un nouveau krach. «On est assis sur un baril de poudre, la question est simplement de savoir quel sera le détonateur», transpire l’économiste Marc Touati. «Nous nous trouvons dans une zone de risque proche de celle de 2008», confirme Christophe Nijdam, du centre d’expertise Finance Watch. En d’autres termes, la sortie de la Grèce de la zone euro ou la remontée un peu trop brutale des taux d’intérêt ou la simple défaillance d’une banque pourrait tous nous entraîner dans une terrible crise financière et dans une récession planétaire.

 

Bigre ! On nous avait pourtant promis que ce scénario catastrophe ne se reproduirait pas. Souvenez-vous : les marchés allaient être encadrés, les banques coupées en deux (d’un côté le financement de l’économie et des ménages, de l’autre la spéculation), les produits toxiques interdits, bref, c’en serait fini de la finance folle. Eh bien, il ne reste pas grand-chose de cette belle ambition. Non seulement les traders du monde entier continuent de jongler avec les milliards, mais les conditions économiques objectives rendent la situation peut-être plus fragile encore qu’il y a sept ans. Comment en est-on arrivé là ? Est- il encore temps d’éviter le désastre que certains nous annoncent ? Les lignes qui suivent devraient vous aider à vous faire une idée juste des risques encourus.

1. Pourquoi des bulles ont-elles fait leur apparition ? 

Parce que depuis 2009 les Banques centrales ont inondé la planète de liquidités, afin de redonner de l’air à l’économie. Les spécialistes appellent cela le quantitative easing (QE, prononcez «kiouhi») , mais c’est tout simplement l’équivalent moderne de la bonne vieille planche à billets. Les grands argentiers n’y vont pas avec le dos de l’imprimeuse : au total, la Fed américaine a injecté 3.500 milliards de dollars dans l’économie, la Bank of England près de 500 et celle du Japon pas loin de 1.500 milliards rien que depuis 2013. Après avoir longtemps hésité, le président de la Banque centrale européenne,  l’Italien Mario Draghi , a décidé de s’y mettre à son tour le 9 mars dernier. Et lui aussi a prévu d’y aller franco, puisqu’il va lâcher tous les mois dans la nature 60 milliards d’euros jusqu’en septembre 2016, soit 1.100 milliards au total.

En principe cette masse d’argent devrait irriguer les entreprises (pour qu’elles investissent) et les ménages (pour qu’ils consomment) à travers le système des crédits. En réalité, les banques et les financiers s’en servent surtout pour spéculer, favorisant ainsi la formation de bulles. «Les marchés sont à nouveau dans une phase d’exubérance irrationnelle», note Christophe Dembik, de Saxo Banque.

2. Pourquoi la hausse de la Bourse inquiète-t-elle ? 

C’est mécanique, cette politique d’argent facile a eu pour effet de tirer les taux d’intérêt vers le bas. Du coup, les établissements financiers se sont peu à peu détournés des obligations d’Etat, un placement traditionnellement sûr mais qui ne rapporte plus grand-chose, au profit d’investissements plus rémunérateurs, comme les actions.

L’indice S & P 500 de Wall Street a ainsi été multiplié par trois en six ans, une performance sans commune mesure avec celle de l’économie américaine. La Bourse de Francfort et celle de Paris ont grimpé pour leur part d’environ 20% depuis le 1er janvier, malgré une reprise européenne assez poussive (1,5% de croissance seulement prévue en 2015 en zone euro, et à peine 1,1% en France). Or il n’est pas sain que la finance caracole ainsi pendant que l’économie réelle tire la langue : c’est le signe que quelque chose ne tourne pas rond.

La présidente de la Fed, Janet Yellen, a bien tenté de calmer la spéculation, en rappelant aux opérateurs les règles de prudence : «La valorisation des Bourses aujourd’hui est généralement assez haute, et il y a des risques dans ce domaine», a-t-elle déclaré. Mais tout se passe comme si le monde de la finance, engagé dans une course aux milliards, n’évaluait plus les dangers de ses placements. Même la perspective d’une faillite de la Grèce semble le laisser de marbre. «Une mauvaise estimation du risque a été au cœur de la précédente crise financière et il semble bien que ce phénomène resurgisse», avertissent les économistes de l’OCDE. «L’argent pas cher pousse à faire des bêtises», renchérit Christophe Nijdam.

Les Bourses ne sont pas les seules bulles en formation. La folle valorisation de certaines valeurs Internet et de biotechnologie inquiète aussi les experts, de même que les montagnes de prêts accordés aux étudiants américains. Et l’immobilier est désormais en surchauffe au Royaume-Uni, où les prix ont fait un bond de 10% en un an. La hausse atteint même 18% à Londres.

3. Pourquoi n’a-t-on pas pris de mesures pour endiguer ces dérives ? 

D’abord, parce que la pression du lobby des banquiers a été très efficace. Juste après la crise des subprimes, le G20 avait clamé haut et fort sa volonté d’empêcher les abus les plus criants. Mais les Etats ont vite reculé devant les exigences des financiers. Du coup, leurs dispositions sont restées en dessous de la main. Les règles de prudence imposées aux banques par les accords de Bâle III, par exemple, «ne sont absolument pas à la mesure du problème», prévient Paul Jorion, professeur de finances à l’université de Bruxelles. Idem avec la batterie de règlements mis en place par l’Europe : sur certains sujets, comme la lutte contre la spéculation sur les denrées agricoles, les Etats-Unis affichent des règles potentiellement plus strictes que l’Union européenne, un comble !

La mise en place par Bruxelles du Fonds de résolution unique (FRU), destiné à amortir l’éventuelle défaillance d’une banque du Vieux Continent, est elle aussi décevante. Certes, obliger les institutions financières à cotiser à un système d’assurance est une très bonne idée. Mais le FRU ne sera doté dans un premier temps que de 13 milliards d’euros sur les 55 prévus, si bien qu’en cas de crise aiguë il sera incapable de faire face. La France n’a pas fait mieux : sa réforme du secteur bancaire a accouché d’une loi bien en retrait des ambitions de départ.

Comme si cela ne suffisait pas, les financiers ont trouvé le moyen de contourner les règles qui les gênaient. Ils ont par exemple mis en place un système parallèle, baptisé «shadow banking», qui fonctionne de gré à gré, en dehors de toute règle prudentielle. Entre 60.000 et 75.000 milliards de dollars y transiteraient. Dans le même esprit, les «dark pools» se sont multipliés. Environ 15% des transactions boursières se feraient désormais dans ces «chambres noires» incontrôlables, qui ouvrent la porte à tous les abus.

4. Les produits risqués ont-ils disparu ? 

Non. Certes, le volume de certains d’entre eux, comme les subprimes ou les CDS, a été très réduit. Mais d’autres prospèrent, tels les «Repo» et les «prêts de titres», dont le volume s’élèverait déjà à 20.000 milliards de dollars. Au total, les produits dérivés pèseraient aujourd’hui 700.000 milliards de dollars, dix fois le PIB mondial, plus encore qu’en 2007. Or, c’est par eux que la crise des subprimes s’est propagée… Le pire, c’est que ces fonds sont encore plus volatils que par le passé. La pratique du trading haute fréquence – autrement dit la vente d’énormes volumes de titres en une fraction de seconde par des programmes informatiques – a en effet explosé, jusqu’à représenter près de la moitié des transactions boursières en Europe et jusqu’à 60% aux Etats-Unis. Par nature instable, ce système a provoqué un krach éclair en 2010. Il n’a pas pour autant été interdit, ni même encadré.

5. Les taux d’intérêt sont-ils trop bas ? 

En tout cas, leur très faible niveau fait peser un risque énorme sur la sphère financière. Il y a encore un an, quand Paris voulait emprunter de l’argent sur trois ans, il émettait des bons du Trésor en proposant un intérêt de 0,35%. Aujourd’hui, c’est le prêteur qui doit verser 0,09%! Toutes proportions gardées, c’est un peu comme si les banques payaient les ménages pour qu’ils souscrivent un emprunt immobilier… Cette dérive est un des effets pervers de la politique ultra-accommodante des Banques centrales : il y a tant d’argent en circulation que ses détenteurs se battent pour pouvoir en mettre une partie à l’abri dans un placement sûr, comme les y obligent les règles prudentielles. C’est une très bonne nouvelle pour les Etats dépensiers, comme le nôtre. Mais d’un point de vue économique, il s’agit d’une aberration intenable sur le long terme. En plus d’inciter les Etats à la dépense, elle pèse en effet directement sur la rentabilité des institutions financières, dont une grande partie des fonds est investie en obligations souveraines. Ainsi les sociétés d’assurance vie allemandes, qui ont souvent garanti des rendements de plus de 3% à leurs souscripteurs (ce n’est heureusement pas le cas des françaises), se retrouvent aujourd’hui en grande difficulté, puisque leurs propres placements leur rapportent moins ! «La politique des taux bas est en train de ruiner peu à peu le secteur de l’assurance», pestait il y a quelques mois le patron du réassureur français Scor, Denis Kessler. Depuis, les choses n’ont fait qu’empirer…

6. Pourquoi un krach obligataire fait-il peur ? 

Parce que c’est le risque numéro 1 qui pèse sur l’économie mondiale. Et c’est, paradoxalement, la remontée des taux qui pourrait le déclencher. Mal maîtrisée, cette dernière pourrait en effet pousser une banque à la faillite et se transformer, par une réaction en chaîne, en crise financière. Un tel scénario s’est produit en 1994. A l’époque, l’économie américaine se portait bien. Craignant un retour de l’inflation, Alan Greenspan, le président de la Fed, avait décidé de façon un peu abrupte de remonter les taux de 3 à 3,25%. Assez pour faire chuter les obligations et déclencher une panique chez leurs détenteurs. L’histoire peut-elle se reproduire ? Possible.

Dès que la croissance aura vraiment repris, les Banques centrales (et les marchés) feront remonter les taux, tout le monde le sait. La valeur des gigantesques stocks d’obligations détenues par les banques et les assurances risque alors de s’effondrer. Autant dire que les Banques centrales ont intérêt à remonter le loyer de l’argent avec des pincettes. L’équation sera d’autant plus compliquée pour elles qu’une hausse mal négociée pourrait donner un coup de frein à l’activité. «Elles sont un peu dans la situation du type qui repeint son parquet et qui se retrouve dans un coin», commente Paul Jorion. Pas drôle, en effet.

Pourquoi la hausse des taux va faire chuter les obligations

1- Une obligation est un titre de créance émis par un Etat ou une entreprise pour une durée déterminée. Elle donne droit au versement d’un intérêt fixe prévu à l’avance, calculé sur sa valeur faciale. Par exemple, une obligation de 100 euros à 3% émise sur 10 ans sera rémunérée 3 euros par an pendant 10 ans.

2- Une fois cette durée atteinte, l’émetteur de l’obligation est tenu de la racheter à son prix d’émission, soit 100 euros. Cela revient pour lui à rembourser sa dette. En général, les Etats dépensiers émettent immédiatement une nouvelle obligation au taux du moment pour compenser.

3- Entre-temps, cependant, rien n’empêche le détenteur de l’obligation de la revendre à un autre investisseur. Mais attention : le prix de cette dernière sur ce «marché secondaire» ne sera pas forcément de 100 euros. Il variera en fonction de l’offre et de la demande, comme sur n’importe quel marché.

4- Si les taux d’intérêt ont baissé depuis l’émission du titre, ce dernier pourra se négocier à un prix supérieur à sa valeur faciale. Il rapportera en effet plus que les obligations nouvellement émises et sera donc plus alléchant pour les investisseurs. A l’inverse, si les taux d’intérêt ont remonté entret-emps, la valeur de l’obligation baissera sur le marché secondaire : personne ne voudra d’un titre à 3% quand les nouvelles émissions offrent 4%.

5- Dans la pratique, les prix sur le marché secondaire évoluent en sorte que les rendements des obligations nouvelles et anciennes s’équilibrent. Si les taux doublent, la valeur des vieux titres sera divisée par deux, pour qu’ils rapportent proportionnellement la même chose que les nouveaux. Voilà pourquoi une hausse brutale des taux pourrait provoquer un krach obligataire.

Capital

http://fortune.fdesouche.com/386631-a-la-veille-dune-nouvelle-crise-financiere#more-386631

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