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Joseph de Maistre : Considérations sur la France.

joseph de Maistre considérations sur la France.jpegHors le petit monde catho tradi - qui l'invoque bien plus qu'il ne le lit -, Joseph de Maistre n'a guère bonne presse à ce qu'il est convenu d'appeler l'extrême-droite. Dans un de ses dialogues de Clairvaux avec Cousteau, Rebatet l'exécute sommairement « Joseph de Maistre est disqualifié pour avoir écrit Du Pape. Il justifierait, et je le déplore, l'horreur qu'inspire aux progressistes le beau mot "réactionnaire" »

Je ne tenterai pas de plaider pour Du Pape, qui, même littérairement, est plutôt décevant. Mais je défendrai Les Soirées de Saint-Pétersbourg, le petit Essai sur le principe générateur des constitutions politiques (qu'Evola cite longuement dans le chapitre de Révolte contre le monde moderne sur la royauté traditionnelle) et d'abord les Considérations sur la France.

« Il n’y a plus de souveraineté en France »

Rédigées en 1796, à une époque où le Directoire vacillait et où une restauration des Bourbons paraissait plausible, les Considérations, sans doute, comprennent des morceaux de circonstance. Même la superbe peinture de la contre-révolution, qui « ne sera point une révolution contraire, mais le contraire de la Révolution », qui s'accomplira naturellement et sans trouver de résistance, paraîtra amèrement irréaliste - si quelque chose qui ressemblait à cela put se produire en 1814 et en 1940, il fallut d'abord qu'une armée étrangère entrât dans Paris. Mais la critique de l’universalisme abstrait, du constructivisme, du système représentatif n'a rien perdu de sa force. La constitution française issue de 1789 est foncièrement fausse puisqu'elle « est faite pour l’homme. Or, il n'y a point d’homme dans le monde. J'ai vu, dans ma vie, des Français, des Italiens, des Russes, etc. [...] : mais quant à l’homme, je déclare ne l'avoir rencontré de ma vie ; s'il existe, c'est bien à mon insu ». Les constituants prétendirent s'appuyer sur le raisonnement et la délibération : aussi n'ont-ils rien pu créer, pas même un costume pour les députés, réduits à se parer des écharpes de la chevalerie (« le fonctionnaire public, chargé de ces signes déshonorés, ne ressemble pas mal au voleur qui brille sous les habits de l'homme qu'il vient de dépouiller »). C'est que toute institution durable tire son origine de la religion, par quoi Maistre entend toute tradition qui consacre « les dogmes nationaux ». Les évêques sont « successeurs des druides sous ce rapport ».

« Le gouvernement n’est fort, il est violent »

Si la constitution ne marche pas, le gouvernement républicain, « qui est un despotisme fort avancé, ne marche que trop » : il triomphe de tous ses ennemis, tant intérieurs qu'extérieurs. Le peuple semble frappé de « léthargie ». « On assassine en cent endroits de la France ; n'importe, car ce n'est pas lui qu'on a pillé ou massacré : si c'est dans sa rue, à côté de chez lui qu'on ait commis quelqu'un de ses attentats ; qu'importe encore ? [...] il doublera ses verrous, et n'y pensera plus. » Maistre reconnaît là un châtiment providentiel pour « les crimes nationaux » : l'exécution de Louis XVI mais aussi, avant même 1789, la dégénérescence des élites. Loin de la réaction nostalgique et larmoyante, il ne craint pas d'avancer que la Révolution a fait très peu de « victimes innocentes » L'effusion de sang pouvait seule faire germer une renaissance. « Il fallait la grande épuration s'accomplît, les yeux fussent frappés ; il fallait que le métal français, dégagé de ses scories aigres et impures, parvînt plus net et plus malléable entre les mains du Roi futur. »

Flavien Blanchon Réfléchir&Agir Été 2016

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