L'adieu aux larmes de Jean-Paul Brighelli paru dans Causeur cette semaine est empreint d'une amertume à laquelle ses billets ne nous avaient pas habitués. Prenant ses droits à pension cette année il quitte l'Education nationale en échec sur bien des plans malgré les avertissements de bon sens que lui et quelques-uns n'ont pas manqué de donner aux contribuables qui financent à fonds perdus la Fabrique du crétin. Les moins bêtes mettent en même temps leurs niards dans le privé, les plus riches, carrément ailleurs.
Le Complexe de Cassandre qu'il faut lire absolument, nous laisse sous la férule des pédagogistes fous de la Rue de Grenelle qui nient la cruelle instruction publique au bénéfice de l'auto-apprentissage du néant par des foules d'écoliers menés à l'abattoir social par le panurgisme du corps professoral. Privilégiant ses heures et mesurant sa peine, le professeur normal reste dans les clous du confort syndical. Transmettre quoi ? Laissez-les acquérir par eux-mêmes les réflexes sociaux de leur époque ! La Machine comme l'appelle Brighelli (le mammouth de Claude Allègre) a vaincu ! Dans ses bottes de fer la Connerie progressiste est parvenu à éliminer les cassandres qui dénonçaient l'abrutissement général des jeunes générations pressées dans le moule du prêt-à-penser et sensibles à toutes les campagnes d'opinion, comme on le voit des nuées scientistes qui traversent nos sociétés sous l'autorité indiscutable des éditocrates et autres sachants abonnés au plateaux médiatiques pour y faire l'éducation du citoyen : méfiez-vous du bon sens et des idées naturelles, la vérité est au bout d'un labour pénible dont nous allons vous économiser le travail en vous révélant déjà la vérité enfouie au bout du champ !
Jean-Paul Brighelli nous fait part d'une réflexion que lui faisait Natacha Polony après avoir elle-même pondu un essai sans pitié sur l'école de la République, Nos enfants gâchés : « Nous avons perdu, ils sont indécrottables — et d’autant plus indécrottables qu’en parfaits gens de gauche, ils ne réalisent pas que ce qu’ils font en classe annihile à jamais l’espoir de voir bouger les choses.»
A y regarder de plus près, ce ne sont pas tant les allumés de la pédagogie au moindre effort qui sont à craindre que le système lui-même, la Machine. Par la centralisation à outrance du réseau éducatif français, une poignée de malfaisants relayée par des inspecteurs qui lui doivent leur carrière, est en capacité de pourrir tout l'enseignement public. Y vais-je fort ? Les classements internationaux parlent d'eux-mêmes : la nation la plus cultivée, dit-on, produit une relève médiocre et largement distancée par ses concurrents de demain. Dégraisser le mammouth s'avère impossible, les syndicats ayant l'école en otage protègent la Machine. Il ne reste qu'à détruire le monstre et régionaliser ses fonctions, en prenant soin de ne pas éparpiller en province les fonctionnaires d'administration centrale qui ferait métastaser le cancer qu'on opère. Il faut débander toute l'institution parisienne, la mettre à la retraite en attendant quelque hypothétique procès ou mise au mur à la faveur d'une révolution, si le cœur vous en dit.
Il est intéressant de revenir au Projet de Société de Frédéric Winkler (clic) qui dans sa section éducative autonomise les universités jusqu'à créer des républiques universitaires en lieu et place de la centralisation jacobine, après avoir détruit le ministère et levé la tutelle de l'Etat central sur ce compartiment social. Chaque conseil régional des universités pourrait organiser les programmes de chaque cycle en privilégiant l'autonomie pédagogique des établissements qui resteraient administrés matériellement par les responsables territoriaux qui les financent aujourd'hui. Au milieu des ruines, nous, nous avons une réponse au chaos. A nous de l'expliciter et de la vendre.
Laissons le mot de la fin à Brighelli qui s'adresse à ses collègues pantouflards : « Vous ne vous rendez même pas compte que le discours anti-Blanquer (et encore une fois, je n’ai aucune action dans ce ministère, ni ce gouvernement), comme jadis le discours anti-Darcos, est téléguidé de loin par des pédagos qui le haïssent, parce qu’il a un tout petit peu menacé leurs positions établies. Vous êtes manipulés et vous vous croyez lucides… Pauvres cloches ! »
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