Le 19 mai dernier, l’Assemblée a été le théâtre (c’est le mot!) d’un débat sur le déconfinement. Patrick Hetzel, député LR et excellent connaisseur du système éducatf, a fortement critiqué la gestion calamiteuse du retour en classe :
Au moment de l’annonce du déconfinement pour le lundi 11 mai, les questions en suspens étaient nombreuses. Une semaine après le déconfinement, force est de constater que les interrogations sont hélas encore plus nombreuses, tant les approximations, les à-peu-près et les angles morts sont la règle de conduite gouvernementale. […]
On en trouve des exemples à foison pour ce qui concerne la réouverture des écoles. Le retour en classe des élèves en zone d’éducation prioritaire était à juste titre un argument clé du ministre de l’éducation nationale, qui proclamait urbi et orbi que par ce moyen, on allait faire revenir à l’école ceux qui s’en étaient le plus éloignés pendant le confinement. Or, aujourd’hui, seule une infime minorité de ces élèves sont retournés à l’école, contrairement à ce qu’avait annoncé M. Blanquer. […]
Le constat est simple : vous avez manifestement échoué sur ce point. D’où ma première question : que comptez-vous faire pour y remédier ?
Nous sommes en outre surpris que l’on ne mette pas en place un dispositif d’accompagnement spécifique pour les élèves en difficulté, comme l’avaient prévu Les Républicains. […]
Parmi les cinquante propositions que le groupe Les Républicains avait formulées en vue d’un déconfinement réussi figurait le fait de tester systématiquement et chaque semaine le personnel scolaire, y compris les enseignants, les AVS, auxiliaires de vie scolaire et les AESH, accompagnants des élèves en situation de handicap ; c’est d’ailleurs ce que font les Allemands. Le ministre de l’éducation nationale avait répondu ici même, le 6 mai dernier, en faisant montre d’un profond mépris envers les enseignants, qu’il ne fallait pas gâcher les tests. […]
Cela étant dit, vu que le ministre des solidarités et de la santé nous annonce que les capacités de dépistage ne cessent d’augmenter dans notre pays, quand allez-vous systématiquement tester les enseignants ? […]
Manifestement, contrairement à une autre affirmation assez singulière de M. Blanquer, on court plus de risques en envoyant les enfants à l’école qu’en les gardant à la maison. […]
Quant aux lycéens, à six semaines de l’échéance, des centaines de milliers d’élèves de première ignorent encore si l’oral de français sera ou non maintenu. L’attente est de plus en plus difficile pour les intéressés et les familles dont j’ai reçu le témoignage ne goûtent pas vraiment ce que le ministre a dit au Journal du dimanche. Il y affirme, avec brio sans doute, mais avec tout de même là encore une pointe de mépris : « Les élèves me remercieront dans dix ans, en se souvenant de leur lecture de Phèdre durant le confinement ». […]
Pour le moment, les élèves se souviennent d’une seule chose : que le ministre est incapable de donner une réponse à leurs questions légitimes concernant le baccalauréat de français. Aurons-nous ce soir une réponse ferme et définitive ? Encore une fois, les familles de France attendent une réponse : cela devient insupportable!
La réponse d’Aurélien Taquet, secrétaire d’Etat, répondant à la place de Jean-Michel Blanquer, est assez croquignolesque :
Pour finir, monsieur Hetzel, ce n’est pas le ministre de l’éducation nationale qui dit qu’il peut être plus dangereux pour un enfant de rester chez lui que d’aller à l’école dans le contexte actuel. C’est la Société française de pédiatrie. […]
Il existe un risque pédagogique, un risque de décrochage, qu’a évoqué le ministre de l’éducation nationale ; mais il y a aussi un risque social et un risque psychologique. Un risque social, car depuis trois mois, des enfants sont victimes de maltraitance ; il est important d’ouvrir les portes, les fenêtres, et que ces enfants retournent à l’école ! […] Un risque psychologique, car certains enfants ont besoin d’une sociabilité […] qui va au-delà du cercle familial restreint. […] J’ignore si vous êtes père de famille, monsieur Hetzel. Moi, j’ai de jeunes enfants ; je vois bien qu’aujourd’hui, ils ont besoin de retrouver leurs camarades. Par ailleurs, les études scientifiques tendent à prouver – là encore, dans l’attente d’une confirmation, je m’exprime avec beaucoup de prudence – que les enfants sont moins touchés par le covid et le transmettent moins souvent que nous ne l’avions d’abord supposé. Il est donc beaucoup moins risqué pour un enfant d’aller à l’école que de rester chez lui.
C’est sans doute parce que les enfants sont moins touchés par le covid que les écoles ont été fermées en priorité. Mais, surtout, le mépris, voire la haine, du ministre pour les familles soupçonnées d’être des foyers de “maltraitance” – alors que, c’est bien connu, l’Education nationale est extraordinairement protectrice pour les enfants! – est assez saisissante.
https://www.lesalonbeige.fr/calamiteuse-gestion-du-deconfinement-et-mepris-pour-les-familles/