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LA NAISSANCE DES WISIGOTHS 1/2

Quelle est la date de la formation des peuples des Wisigoths ? L'hypothèse traditionnelle, avant 1945, envisage la fédération de îs de Goths de la Vallée du Danube autour de 250, désignés « Goths de l'Ouest », Wisigoths, par opposition au grand Etat, antérieur, des Goths situés plus à l'Est, Ostrogoths, en Sarmatie. L'hypothèse révisionniste, pour le coup quasiment obligatoire dans les études germaniques orientale d'après 1945, prétend que la notion de Wisigoths ne daterait que du VIe siècle, de l'installation finale de Goths en Espagne et Portugal actuel, soit le plus à l'Ouest possible en Europe continentale, et celle d'Ostrogoths contemporaine correspondraient aux Goths installés plus à l'Est, en Italie vers 500. L'hypothèse traditionnelle sera retenue comme la plus proche de la vérité historique.

La formation de la confédération des tribus gothiques du Danube formant le peuple combattant des Wisigoths peut être envisagée entre 280 et 300, c'est-à-dire après l'expulsion des envahisseurs gothiques des Balkans romains après 269-270. Une partie de ces envahisseurs plus ou moins désarmées, est restée sur place dans l'Empire, affectée à des tâches agricoles sur les terres dévastées. Ainsi s'établit, certes sous contrôle romain jusqu'en 378, une présence gothique durable dans les Balkans. Mais entre le Danube au Sud, et les provinces illyriennes et mésiennes retombées sous l'autorité de Rome, et le Dniestr au Nord, formant vraisemblablement la frontière méridionale de la Sarmatie ostrogothique, existe donc un espace plutôt vaste, correspondant à peu près à la Roumanie actuelle, qui vide jusqu'en 280 d'autorité politique, peuplé majoritairement de Goths, dans une moindre mesure de Sarmates, d'Alains, peut-être des derniers Bastarnes, peut être couvert par une organisation étatique nouvelle, soit l'Etat des Wisigoths entre 280 et 300. Il se construit autour de la famille royale centrale des Thervinges. Plusieurs rois sont corégnants, présidés par un roi-suprême, ou roi-juge. Ce dernier commande la grande armée, de l'ordre de 20 000 à 40 000 hommes, semi-professionnelle, avec en particulier une cavalerie semi-lourde d'élite, poste de service de la noblesse gothique.

Du fait de l'abondance des rois, il est impossible de rétablir les filiations à partir des quelques relations éparses, pour le coup effectivement compilées à nouveau deux à trois siècles après les faits, c'est-à-dire au mieux aussi douteuses que les listes des Rois de Rome de Tite-Live. Il ne faut pas préjuger d'un caractère primitif, réduisant l’État wisigothique à un simple agglomérat mouvant de tribus, sans aucun pouvoir central, ou archives. Ces dernières ont disparu avec l'invasion hunnique de 376.

Si l'économie demeure essentiellement rurale, agricole, des échanges constants ont lieu avec le monde romain, d'où sont importés des produits de luxe, dont les textiles soignés, et surtout les excellents vins fins de Grèce, de Corinthe en particulier, via les mers et le Danube. Durant plusieurs décennies, à quelques épisodes d'affrontements guerriers peu connus près, les relations avec l'Empire Romain sont plutôt de bon voisinage. La monnaie romaine est imitée par les autorités wisigothiques, indices d'un pouvoir politique relativement fort et d'un certain degré de sophistication de l'économie. Des villes existent, même si les fortifications restent sommaires, de bois et de pierre, suivant le très vieux modèle hérité des Celtes.

Un des grands mystères historiques reste la question de la présence ou non de populations romanisées dans les vallées isolées des Carpates, donc au cœur du territoire des Ostrogoths, soit les ancêtres directs des Roumains actuels. Elle demeure l'hypothèse la plus simple expliquant la présence des Roumains du XIe siècle à nos jours sur leur territoire actuel, quoique n'étant pas prouvée, tandis que plusieurs siècles de présence gothique ont laissé des témoignages importants, en particulier de riches tombes aristocratiques sous des tumulus. Ces Romains isolés des Carpates ont peut-être fourni des traducteurs aux Wisigoths; toutefois, rien ne le prouve; l'influence germanique sur le roumain s'avère très faible, contrairement par exemple à la slave massive. Le mystère demeure, même s’il faut vraisemblablement considérer l'hypothèse de vallées pour le coup véritablement coupées pour l'essentiel des Goths, pas absurde.

Un des épisodes d'affrontements entre les Wisigoths et le grand empereur romain Constantin, se conclut même en 332 par un traité d'assistance militaire, vraisemblablement réciproque. À la demande de l'Empereur, les Wisigoths fournissent des troupes auxiliaires à Rome, et moins loin, la nouvelle deuxième capitale Constantinople, sur le détroit entre Europe et Asie, de même, les Romains s'engagent à intervenir à un appel du roi des Wisigoths, vraisemblablement le roi-juge. Cette égalité ou quasi-égalité diffère des nombreux petits États germaniques, souvent gothiques, mal connus, le long de la Vallée du Danube eux placés plus clairement dans un temps dans une relation de sujétion par Constantin pour un temps.

Un des résultats de ces bonnes relations entre les Wisigoths et Constantinople est la pénétration de missionnaires chrétiens. Le plus connu est l'Apôtre des Goths, Wulfila le petit loup -, un Goth bilingue gothique-grec, descendant d'une famille depuis trois générations dans l'Empire Romain, dans les Balkans ou en Asie Mineure. Il est nommé évêque des Goths en 341, réussit de nombreuses conversions au Nord du Danube, adapte la liturgie de Constantinople, traduite en langue gothique, ainsi que la Bible. Il impose aussi, à travers sa Bible, l'usage d'un alphabet nouveau, dit gothique, mélange de caractères grecs, latins, runiques, suivant l'ancienne écriture germanique utilisée jusque-là pour le gothique. Le nouvel alphabet s'est imposé avec la christianisation pour chasser les valeurs associées à la magie païenne des lettres runiques justification discutée, très probable-. Cette conversion des Wisigoths dure une trentaine d'année; l'aristocratie, les rois, sont divisés entre tenants du paganisme et du christianisme, ce qui cause de multiples guerres civiles, avec en particulier le roi Athanaric à la tête des odinistes et Fritigern des chrétiens. Dans les dernières années de l’État wisigothiques, les chrétiens finissent par s'imposer.

Ce christianisme relève de l'hérésie arienne, alors religion des Empereurs de la famille de Constantin, ce qui crée une différence religieuse nette avec le catholicisme qui réussit à dominer nettement puis exclusivement dans l'Empire Romain après 380. Cette différence d'obédience empêche durant plusieurs siècles les mariages mixtes et assure la survie des Wisigoths. Une polémique historique au XIXe siècle impute l'affaiblissement des vertus guerrières des Goths, et à terme leur disparition, à cause de la christianisation, une religion de la charité remplaçant l'odinisme guerrier. En fait les Goths restent de grands guerriers avant comme après leur conversion, qui n'y change rien. Les Ostrogoths restés païens, bien plus puissants, sont complètement balayés par les Huns quand même en 375. La charité nouvelle, au moins entre Goths, contribue probablement au contraire à la survie du peuple sur le long terme.

Les Wisigoths dans les Balkans romains

L’État des Wisigoths est détruit brusquement par les Huns, quelques mois après celui des Ostrogoths, en 376. Il est possible que les rois aient décidé une évacuation préventive, avant la destruction effective. L'Empereur de Constantinople, Valens, arien militant, autorise dans l'enthousiasme la migration de ses coreligionnaires dans ses territoires au Sud du Danube. À posteriori, il est facile d'y voir un mélange de stupidité, d'irresponsabilité, de fanatisme religieux suicidaire. La principale source littéraire de ces événements, l'historien romain païen Ammien Marcellin, a écrit quelques pages cruelles, de réflexions de ce type. En soi, les Wisigoths, de l'ordre de 100 000, peut-être le double, auraient pu, dispersés dans le vaste Empire, être intégrés, en déficit chronique de population, des paysans aux militaires , ils avaient toutes les qualités requises, le statut d'alliés de Rome depuis plusieurs décennies, une maîtrise probable du latin ou du grec pour les élites, la religion chrétienne, même si dans une variante hérétique, pour la grande majorité. Valens ne s'est pas montré pas particulièrement écervelé , sous les plus grands Empereurs d'Auguste à Constantin, des peuples alliés germaniques en fuite ont été régulièrement accueillis dans l'Empire, le plus souvent sans difficultés majeures. La leçon historique, simple, indique le péril de toute immigration de quelque importance pour un État.

L'administration locale romaine au Sud du Danube se montre absolument incapable de gérer l'afflux massif de population gothique. Ravitailler plusieurs dizaines de milliers de familles n'avait pas été prévu avec rigueur, d'où une famine frappant les arrivant. La corruption de l'administration locale détournant les subsistances en principe fournies gratuitement, pour les vendre à prix d'or, aggrave le problème, et le rend moralement encore plus insupportable pour des Goths lucides. Les effectifs militaires n'ont pas été prévus pour l'hypothèse de difficultés; quelques milliers de garde-frontières ne peuvent affronter l'armée des Wisigoths qui se regroupe, afin de lutter pour la survie de son peuple, ce qui impose le pillage.

Pendant ce temps, d'autres groupes de Barbares, profitent de ces désordres pour franchir le Danube à leur tour, des groupes armées d'Ostrogoths survivants du désastre de 375, puis des Alains et des Huns dissidents; ils s'allient aux Wisigoths, tout comme des esclaves et colons paysans attachés à la terre -. L'invasion gothique s'aggrave, et se double d'une révolte servile. Là aussi, est rappelée la nécessité de justice sociale pour la cohésion de tout État, sinon les couches les plus pauvres de la population peuvent préférer l'aventure du soutien aux envahisseurs à la loyauté envers un ordre de la société largement construit contre eux.

La bataille d’Andrinople (378)

Aussi, face à la formation d'un dangereux abcès qui s'étend dans les Balkans, Valens décide de réagir avec énergie, aussi rapidement que possible, donc avec une petite armée d'élite, qui peut se déplacer rapidement. La qualité des combattants, des vétérans, peut laisser envisager de voir la qualité l'emporter sur la quantité, suivant de très nombreux précédents dans l'histoire romaine récente ou ancienne. À l'été 378, il marche sur la Thrace, avec probablement 20 000 hommes. Sa décision de ne pas attendre les renforts amenés par son général, neveu et successeur Gratien, s'explique par le contexte stratégique, empêcher les Wisigoths de se renforcer, par des esclaves révoltés ou d'autres Barbares, tout autant que lui. Tactiquement, il espère par sa rapidité surprendre des Goths dispersés, tandis que tout temps d'attente réduirait la possibilité de surprise, jusqu'à l'annuler très vite. Valens obéit à des règles rationnelles de comportement militaire. Un général est heureux ou malheureux sans que ce soit nécessairement de sa faute.

À suivre

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