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Barrès, un professeur d'énergie

Barrès un professeur d'énergie.jpegLa publication des actes d'un colloque consacré en 2010 à Maurice Barrès remet à l'honneur une figure historique du nationalisme français.

Qui a dit que l'Université française ne brassait que des idées de gauche et délaissait la pensée politique de droite ? Depuis quelques années déjà, plusieurs historiens se distinguent par les travaux et colloques qu'ils organisent autour des penseurs qui, avant la Deuxième Guerre mondiale, ont marqué des générations, mais aussi la pensée politique bien au-delà des frontières de l'Hexagone. Il faut savoir gré à Olivier Dard et Michel Leymarie, Michel Grunewald ou encore Jacques Prévotat, d'avoir sorti de l'ostracisme toutes ces figures intellectuelles dont le souvenir s'étiolait.

Après un triptyque consacré aux liens entre l'Action française et la culture(1), après deux colloques organisés autour de Charles Maurras et de Jacques Bainville(2) ce fut Maurice Barres qui reçut les honneurs de l'Université Paul Verlaine en mai 2010, à Metz(3)

Les actes du colloque viennent d'être publiés et constituent désormais une référence incontournable pour qui veut comprendre la vie et l'œuvre du Lorrain. Henry James disait de ce dernier qu'il était intelligent à faire peur.

Beaucoup plus tard, Jean Madiran faisait de Barrès un repère : « Il n'est pas possible pour le mouvement national de se situer en deçà. Barrès est nécessaire. » Mais, ajoutait-il immédiatement, il n'est pas suffisant.

Une figure de proue du nationalisme français

Né en 1862, Maurice Barrès nous apparaît comme une des figures de proue du nationalisme français, marqué à la fois par le boulangisme et la lutte contre le capitaine Dreyfus et ses défenseurs. Il fut l'auteur d'une trilogie intitulée Le Culte du moi alors qu'il n'avait pas trente ans. C'était l'époque où le recteur Octave Gréard, du Conseil supérieur de l'Instruction publique, regrettait que Barrès fût, « avec Verlaine, l'auteur le plus lu par les rhétoriciens et les philosophes de Paris ».

Puis vint l'autre trilogie, Le Roman de l'énergie nationale, que le Lorrain termina à 40 ans. Quatre ans plus tard, il fut élu à l'Académie française sur le siège de José-Maria de Heredia.

Il est incontestable que Barrès possédait une autorité intellectuelle et une influence sur sa génération et au-delà qu'il ait exercé un pouvoir réel est une autre question, à débattre. Engagé dans le monde politique, député de Paris de 1906 à 1923, « il n’appartient à aucun groupe et n’a pas le goût du pouvoir. » À l'image de l'un des héros de son roman Les Déracinés, il fut davantage un « professeur d'énergie », mais aux multiples facettes, parfois paradoxales.

Seul plutôt que solitaire, individualiste et égotiste, l'intercesseur et le passeur Barrés ne fut nullement un théoricien, encore moins fondateur d'une école politique. Il peine à écrire Scènes et doctrines du nationalisme, ce qui pose la question ultime de l'existence du barrésisme : « Si barrésisme il y a, il n’appartient évidemment pas à l'écrivain, mais bien à tous ceux qui se sont réclamés de lui, de son vivant ou après sa mort. » Le barrésisme est ainsi comparable à « un château à plusieurs ailes et aux multiples tours (…) plutôt qu'une bâtisse construite par l'auteur suivant des plans rigoureusement ordonnés ». Cette complexité, qui le rend attachant et par certains aspects rebutant, reste passionnante et bien éloignée des poncifs réducteurs dont il fut longtemps la victime.

Christophe Mahieu monde&vie 16 juillet 2011 n° 846

1). Dard, Leymarie, Me William, Prévotat, L'Action française : culture, société, politique, 3 tomes, aux Presses Universitaires du Septentrion.

2). Dard et Grunewald, Charles Maurras et l'étranger, L'étranger et Charles Maurras, Peter Lang Editeur, 2009; Jacques Bainville, profils et réceptions, Peter Lang Editeur, 2010.

3). Dard, Grunexald, Leymarie, Wittmann, Maurice Barrès, la Lorraine et l'étranger Peter Lang Editeur, 2011 520 pages., 30 €.

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