À partir de 1992, avec le traité de Maastricht, puis avec les traités d'Amsterdam (1997), Nice (2000) et Lisbonne (2007) les pouvoirs du Parlement européen ont été constamment augmentés de sorte qu'il est devenu, dans de nombreuses matières, un véritable co-législateur. Par ailleurs, la Commission européenne est responsable devant lui et il peut la renverser (ce qu'il n'a jamais fait), exactement comme un gouvernement national peut être renversé par un parlement national. Afin de parfaire cette évolution, il avait été proposé, en 2004, dans le traité établissant une Constitution pour l'Europe, d'introduire les concepts et le vocabulaire constitutionnels dans la désignation des compétences des différents organes de l'UE et de permettre ainsi au Parlement européen de voter de véritables lois européennes. L'organisation du pouvoir dans l'UE se rapprochait alors clairement de l'organisation du pouvoir dans un État parlementaire. Cependant, tempérament à ce tropisme parlementaire, le Parlement européen n'est pas le co-législateur dans tous les domaines de compétences de l'UE. Si le traité de Lisbonne a bien fait du Parlement européen un co-législateur de principe, avec le conseil des ministres de l'Union européenne, il ne lui a cependant donné aucune compétence en matière diplomatique ou dans les affaires étrangères. Par ailleurs, le Parlement européen, à la différence des parlements nationaux, ne dispose pas de l'initiative législative. Il ne peut que demander à la Commission européenne de prendre des initiatives, laquelle est libre de suivre ou non ses recommandations. Il ne dispose donc que d'une faculté de supplier, à l'image de celle qui existait dans les anciennes monarchies parlementaires du XIXe siècle.
Démocratie parlementaire
Si l'on associe la démocratie à la démocratie parlementaire, il existe bien un déficit démocratique de l'Union européenne, par rapport aux États, en ce sens que l'Union européenne n'est pas (encore) une démocratie parlementaire, à la différence des États qui la composent. Cette dernière, apparue dès la fin du XVIIIe siècle, garantit la protection des libertés individuelles et des droits fondamentaux. Cette conception de la démocratie, d'inspiration fondamentalement libérale, privilégie la liberté des individus sur la communauté. Elle est devenue un véritable standard européen de la société démocratique, un droit constitutionnel européen commun. La démocratie n'y est plus comprise comme l'expression de la volonté populaire mais comme la garantie des droits fondamentaux, notamment les droits liés au caractère multiculturel de la société civile. La garantie des droits individuels par le juge prime sur la garantie de la volonté du peuple exprimée par le Parlement. Le juge devient le principal acteur de cette nouvelle conception de la démocratie. La démocratie est alors purement et simplement assimilée aux droits de l'homme.
Au regard de cette conception de la démocratie, on a pu considérer que la construction européenne générait un déficit de protection des droits fondamentaux. En effet, dans les États, l'action des parlements nationaux est limitée par les droits, constitutionnellement protégés, mais lorsque les États transfèrent des compétences au législateur européen, ces limites constitutionnelles ne s'imposent plus à lui. Pendant longtemps, il n'existait pas de limites équivalentes dans l'ordre juridique européen à celles existantes dans les ordres juridiques nationaux. Afin de remédier à ce déficit de protection des droits fondamentaux, la Cour de justice des communautés européennes (depuis Cour de justice de l'Union européenne) a développé une jurisprudence audacieuse, conférant aux droits individuels la valeur de principes généraux de l'Union européenne. Mais la solution ne pouvait être que temporaire. En juin 1999, le Conseil européen de Cologne a collationné ces droits fondamentaux en vigueur au niveau de l'Union européenne dans une Charte des droits fondamentaux, solennellement proclamée à Nice en 2000, et insérée dans le traité de Lisbonne en 2007. L'Union européenne a par ailleurs adhéré, intuitu personae, à la Convention européenne des droits de l'homme, garantissant ainsi une double protection des droits fondamentaux. Aujourd'hui, l'Union européenne offre une garantie des droits fondamentaux équivalente à celle que l'on trouve dans les différents États membres de l'UE de sorte que, sur ce point, il n'y a pas de déficit « démocratique ».
Ce bref examen des différentes significations de l'expression déficit démocratique nous montre que ce déficit est formellement très faible. On peut alors en tirer la conclusion, avec Andrew Moravczik, que le prétendu déficit démocratique de l'Union européenne est un mythe, ou bien juger qu'une analyse purement institutionnelle est incapable d'en rendre compte.
Le sentiment d'un déficit démocratique est, dans une large mesure, la conséquence de la désubstantialisation de l'idée nationale et de l'incapacité de susciter l'idée d'un peuple ou d'une nation européenne. Lorsque la communauté n'est plus qu'une multitude dissoute, pour "reprendre l'image de Hobbes dans le Léviathan, chacun suit le penchant de son intérêt et de son appétit. Les élites se transforment en oligarchie, dont les intérêts dévient de celui de populations dont elles ont la charge, lesquelles perdent le sens de la solidarité de leurs intérêts.
L'anomie sociale, la perte du sens de la communauté et la perte de la confiance dans les élites est la principale cause du déficit démocratique. Plusieurs facteurs y contribuent. L'Union européenne l'amplifie, sans en être la cause principale.
À suivre