David Betz est professeur de stratégie militaire au très réputé King’s College de Londres. Il vient de signer, dans la livraison d’août du Military Strategy Magazine, une étude très sérieuse, appuyée sur des données statistiques et des conclusions prospectives, qui décrit comme probable le déclenchement d’une guerre civile en France ou au Royaume-Uni dans les années à venir, peut-être même dans les cinq ans à venir.
Pourquoi ces deux pays d’Europe, en particulier ? Parce qu’ils se sont livrés sans mesure à ce que M. Betz qualifie de « politiques identitaires », c’est-à-dire la défense des intérêts d’un groupe « minoritaire » au détriment de la cohésion d’un pays. Pour lui, les sociétés sont désormais « fracturées » dans ces pays à cause de telles politiques. Il en tire la conclusion suivante, en une phrase très claire : « Les sociétés les plus instables sont celles qui sont modérément homogènes, surtout lorsqu’une majorité traditionnelle perçoit une remise en cause de son statut ou lorsqu’une minorité conséquente dispose des moyens de se soulever seule. » Comment ne pas faire le parallèle, chez nous, avec une France des « honnêtes gens » percluse d’impôts et méprisée par les élites, opposée à une minorité de plus en plus forte de musulmans conquérants qui haïssent notre pays ?
David Betz ajoute des facteurs secondaires de fragilité qui, là aussi, semblent douloureusement familiers : déconnexion des élites, stagnation économique, remise en cause de la démographie historique par l’arrivée massive d’immigrés dans les grandes villes. Pour lui, la guerre civile qui vient (et dont il estime la probabilité, en France ou au Royaume-Uni, à 19 % sur cinq ans) sera d’abord ethnique et sera aggravée par une « polarisation politique » - exactement celle que l’on a pu voir, lors des dernières élections européennes, et qu'il cite par ailleurs : le RN était en tête dans toute la France… sauf dans les métropoles. Au sujet de ces dernières, David Betz reprend à son compte le concept de « villes sauvages » (« feral cities ») : de grandes villes dans lesquelles la police n’arrête que les honnêtes gens, où le niveau de corruption est élevé, les infrastructures publiques défaillantes, l’état de nature prêt à refaire surface. Il en déduit que les gouvernements d’Europe doivent prendre des mesures militaires de nature à faire face à cette menace qui est loin d’être marginale.
Déjà, la prophétie d'Enoch Powell, en 1968...
L’un des plus lucides prédécesseurs de David Betz, qui signe ici un article très fouillé et très courageux, s’appelle Enoch Powell, mais on pourrait remonter bien plus loin. Powell, politicien conservateur britannique, fusilla son avenir politique le 20 avril 1968. Il prédisait ce jour-là, dans un discours public demeuré célèbre, que l’immigration de masse mènerait à la guerre civile et citait, à cette occasion, L’Énéide de Virgile - le poète voyant « la rivière du Tibre moussant de beaucoup de sang ». La culture classique est parfois étonnamment moderne. « Homère est nouveau ce matin et rien n'est peut-être aussi vieux que le journal d'aujourd'hui », disait Péguy. Voyez encore cet extrait d’Aristote, au livre V de la Politique : « Une cité ne naît pas de n’importe quelle foule. C’est pourquoi les États qui ont admis des étrangers comme cofondateurs ou ensuite comme colons ont, pour la plupart, connu des séditions » (Politique, V, 1303 a 25-28). Signalons par parenthèse, à propos de culture classique, que M. Betz identifie la destruction de l’art, de l’Histoire et de la culture comme l’une des premières conséquences de la guerre civile.
Ca y est : ce que nous sentions confusément sans avoir le droit de le dire, ce qui précipita Gérard Collomb vers la démission, est désormais chiffré, sourcé et même prédit. Nous vivons face à face. Qu'en ferons-nous ?