Au cœur des critiques de la société de consommation de masse, l’obsolescence programmée tient une place de choix. Les industriels s'évertueraient à nous proposer des produits dont la durée de vie est volontairement limitée, pour nous pousser à les renouveler régulièrement. Mythe ou réalité ?
Expérience vécue une imprimante, servant régulièrement mais modestement, tombe en panne brusquement. Une recherche sur le Web montre rapidement qu'une puce, présente dans la machine, la désactive après un nombre donné d'impressions. C'est ce que l'on appelle l'obsolescence programmée, et elle serait presque aussi vieille que la société industrielle.
Le « complot de l'ampoule électrique » remonte aux années vingt, quand un cartel de fabricants d'ampoules, le Cartel Phœbus, se serait entendu pour limiter la durée de vie des ampoules à 1000 heures, au lieu des 2500 qu'elles pouvaient atteindre à l'époque. Le cartel fera l'objet en 1951 d'un rapport de la commission anti-trust britannique. Il dénoncera l'entente sur les prix organisé par Phœbus… mais indiquera que la durée de vie de 1000 heures est un compromis technique entre diverses propriétés (luminosité, consommation, durée de vie) et pas une tentative pour escroquer les consommateurs.
En effet, les industriels doivent composer avec différentes qualités désirables d'un produit, le prix, les fonctionnalités, le design, la durabilité, la réparabilité... Bien souvent, ces dernières passent après le prix de l'objet, sur lequel influent la qualité des matériaux et de l'assemblage, la possibilité ou non de changer des pièces.
Complot de cartel ou matraquage publicitaire ?
Ceci est vrai des produits de grande consommation. Ceux destinés aux entreprises (les « biens d'équipements », telles que des machines-outils, par exemple) coûtent bien plus cher, mais leur fiabilité et leur longévité est sans commune mesure un camion de chantier est conçu pour rouler un million de kilomètres, une voiture particulière 300 000 km.
Pour les entreprises, le prix passe après la disponibilité maximale du bien. Et il suffirait d'imposer des garanties plus longues ou des obligations de réparation aux fabricants de produits de grande consommation pour que disparaisse bien des cas de soi-disant obsolescence programmée. Le souci écologique et le besoin de relocaliser le travail dans nos pays devraient d'ailleurs nous pousser dans ce sens.
Au reste, les exemples de dégradation volontaire des qualités d'un produit ou de limitation de sa durée de vie sont assez peu nombreux et parfois sujets à controverse l'ampoule, le bas nylon, l'imprimante personnelle... Ces exemples existent dans des marchés en situation d'oligopole ou de monopole, où les fabricants peuvent s'entendre sur de telles pratiques.
Nous pousser a acheter le dernier modèle
Mais la véritable obsolescence programmée porte un nom bien plus séduisant la Mode. Ne parlons même pas des fringues et de leurs collections bisannuelles qui nous poussent à renouveler notre garde-robes pourtant composée de vêtements peu usés. Restons dans le domaine industriel. Face à la Ford T, modèle unique produit en grande série, General Motors a eu l'idée d'opposer dès 1921 des modèles dont le design est changé tous les ans, afin de pousser le consommateur à renouveler sa voiture plus souvent. Le succès a été au rendez-vous.
Les as du design, du marketing et de la publicité nous font subir un véritable matraquage pour nous pousser à changer de téléphone, de voiture, de TV ou de réfrigérateur à un rythme toujours plus soutenu. C'est là forme du nouvel objet, la petite fonction en plus, qui rend le précédent modèle « obsolète ». Et cela, c'est programmé et bien plus sûr que les procédés qui consistent à « piéger » notre imprimante. Dans un cas, un consommateur mécontent, qui va nuire à la réputation de la marque. Dans l'autre, un consommateur heureux de mettre au rebut son appareil pourtant encore fonctionnel pour le dernier modèle. Le choix est vite fait.
Tiens, puisqu'on en parle, je m'achèterais bien l'IPhone 5, moi !
Stanislas Tarnowski monde&vie 29 septembre 2012