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La mondialisation, stade suprême de l'expansion du capitalisme (texte de 2014) 4/4

Des gouvernements privés de leur souveraineté

Les partisans de la mondialisation affirment que le commerce stimule la croissance, alors qu'historiquement c'est bien plutôt la croissance qui a stimulé le commerce. Loin que la libéralisation des échanges commerciaux profite à tous les pays, et qu'il existe un fort lien entre ce commerce et la croissance mondiale, c'est le contraire qui est vrai la croissance est en relation inverse avec le degré d'ouverture au commerce international. De même, ce n'est pas l'austérité, mais au contraire un haut niveau de protection sociale qui favorise l'expansion économique. On rappellera en outre que le PIB, qui ne mesure que ce qui est vendu, comptabilise positivement toute activité économique même lorsqu'elle a été provoquée par une catastrophe. Incapable de prendre en compte l'épuisement des ressources naturelles et les destructions induites par la mondialisation, il ne mesure pas tant la richesse que le degré de marchandisation d'une économie qui possédait auparavant un secteur non marchand. Quant aux vertus du libre-échange, on en connaît les limites(13).

Avec la mondialisation, l'Europe se retrouve quant à elle à la fois déstabilisée, marginalisée et paupérisée. Victime des programmes d'austérité, elle doit en outre faire face au problème des délocalisations, qui sont partout synonymes de substitution du capital au travail. Pour le capitalisme, il s'agit de rechercher dans l'immense réserve du Tiers-monde une masse de salariés sous-payés afin de contrecarrer la baisse tendancielle du taux de profit. Les lieux de production se déplaçant des zones à hauts salaires vers les zones à bas salaire, il en résulte un dumping social qui se traduit à la fois par la désindustrialisation, une déflation globale du montant des salaires par rapport à la valeur produite, et donc une baisse du pouvoir d'achat. Les gouvernements étant privés de leur souveraineté monétaire et budgétaire, l'ajustement se fait par le chômage. Quant aux baisses de prix sur un certain nombre de produits, qui résultent d'importations massives en provenance de pays disposant d'une main-d'œuvre à bon marché, elles ne doivent pas faire illusion. La mondialisation réalise seulement un échange (trade off) entre produits de consommation à prix réduits et chômage croissant. En d'autres termes, elle « met à la disposition des chômeurs et des consommateurs des produits à prix décroissant que ceux-ci sont de moins en moins en mesure de se payer »(14).

Aucune des promesses de la mondialisation n'a été tenue !

Notes :

1). « On ne devrait pas parler indifféremment de "globalisation" et de "mondialisation" écrit très justement Michel Freitag, puisque le concept de monde (ou de cosmos) désigne une réalité limitée définie à partir d'une centralité par un principe immanent d'ordre, d'équilibre ou d'harmonie, alors que l'adjectif "global" réfère à une pure généralité indéfiniment extensible, et que le substantif "globalisation" désigne l'opération par laquelle cette extension principiellement illimitée est effectuée jusqu'à saturation de la réalité qui tombe sous son emprise. Appliqués aux sociétés […], ces deux concepts désignent donc deux mouvements contradictoires ou alternatifs. L'un va dans le sens de l'ouverture des sociétés les unes sur les autres […]. L'autre va dans le sens de la dissolution des ordres normatifs et identitaires locaux, c'est-à-dire des sociétés et identités collectives existantes, à travers l'unification processuelle des régulations impersonnelles qui régiraient la totalité des pratiques sociales dans tous les domaines de la vie collective et individuelle » « De la terreur au meilleur des mondes. Globalisation et américanisation du monde : vers un totalitarisme systémique », in Daniel Dagenais, éd., Hannah Arendt, le totalitarisme et le monde contemporain, Presses de l'Université Laval, Saint-Nicolas 2003, p. 391 Ce texte a été repris, avec quelques modifications, dans la Revue du MAUSS, 1er sem. 2005, pp. 143-184).

2). Cf. Jean Tardif et Joëlle Farchy, Les enjeux de la mondialisation culturelle, Hors Commerce, Paris 2006.

3). Cet aspect est bien mis en lumière par Thomas L Friedman, The Lexus and the Olive Tree. Understanding Globalization, Farrar Strauss & Co., New York 1999. Cf. aussi James Petras et Henry Veltmeyer La face cachée de la mondialisation. L'impérialisme au XXIe siècle, Parangon, Lyon 2002, qui en soulignent la dimension de classe; Diego Olstein, « Le molteplici origini délia globalizzazione. Un dibattito storiografico », in Contemporanea, juillet 2006, pp. 403-422 Giuseppe Giaccio, « Globalizzazione », in Trasgressioni, mai-décembre 2008, pp. 29-58.

4). Thomas Levitt, « The Globalization of Markets », in Harvard Business Review, mai-juin 1983.

5). Thomas L. Friedman parle pour sa part de « golden straight-jacket ».

6). Cf. François Chesnais, La mondialisation du capital, Syros, Paris 1994.

7). On notera que ce mouvement a subsidiairement provoqué la quasi-disparition de ce qu'on avait appelé le « capitalisme rhénan » (depuis 2007 les 30 plus grandes entreprises allemandes sont en majorité détenues par des investisseurs étrangers, ce qui est également le cas en France). L'hyperterrorisme et le déploiement mondial des réseaux criminels participent en revanche de cette même logique, d'autant que l'on assiste à une interpénétration de plus en plus poussée entre économie légale et trafics illicites. Cf. René Passet et Jean Liberman, Mondialisation financière et terrorisme, Enjeux Planète, Paris 2002.

8). Cf. Leslie Sklair « Social Movements for Global Capitalisai. The Transnational Capitalist Class in Action », in Review of International Political Economy, automne 1997

9). Robert Kurz, Avis aux naufragés. Chroniques du capitalisme mondialisé en crise, Lignes, Paris2004, p. 106.

10). Neal Lawson, Dare More Democracy. From Steam-age Politics to Démocratie Self-Governance, Compass, 2005.

11). Zaki Laïdi, « L'Etat mondialisé », in Esprit, octobre 2002, pp. 147-148.

12). Cf. Zygmunt Bauman, Les coûts humains de la mondialisation, Hachette, Paris 1999 Amy Chua, « A World on the Edge », in The Wilson Quarterly, automne 2002 ( The Pros and Cons of Globalizatiori) Ruchir Shama, « The Démise of the Rest. How the BRICS Are Crumbling and Why Economie Convergence Is a Myth », in Foreign Affairs, novembre-décembre 2012.

13). Cf. Alain de Benoist, Au bord du gouffre, Krisis, Paris 2011 « Libre-échange et protectionnisme », pp. 43-65  Jacques Sapir « Libre-échange, croissance et développement quelques mythes de l'économie vulgaire », in Revue du MAUSS, 2e trim. 2007 pp. 151-171  Ha-Joon Chang, Bad Samaritans. The Myth of the Free Trade and the Secret History of Capitalism, Random House, New York 2007

14). Yves-Marie Laulan, « Sortir de l'euro et après ? », texte en ligne, 18 septembre 2011

Alain de Benoist éléments N°150 janvier-mars 2014

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