Introduction :
Au milieu du XVIIe siècle, en 1687 exactement, le moraliste Jean de la Bruyère, connu pour ses « caractères », écrivait des paysans français : « L’on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par les campagnes, noirs, livides, et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu’ils fouillent et qu’ils remuent avec une opiniâtreté invincible : ils ont comme une voix articulée, et quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine, et en effet ils sont des hommes.
Ils se retirent la nuit dans des tanières où ils vivent de pain noir, d’eau et de racines : ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent ainsi, de ne pas manquer de ce pain qu’ils ont semé. »
Voltaire en 1769, désireux de dénoncer l’oppression subie par les paysans de la part des évêques qui régissaient le carême, écrit : « Est-il quelqu’un qui ignore que nous ne mangeons jamais de viande ? … Peu d’entre nous ont la consolation d’un bouillon gras dans leurs maladies »
Jolies descriptions qui donneront des idées aux hommes des Lumières au siècle suivant : le paysan est un abruti arriéré penché sur la glèbe ; il boit de l’eau, se nourrit mal de pain noir et de racines ; pourtant il mériterait de pouvoir manger de ce pain qu’il a semé et qui nourrit les autres hommes.
Difficile en effet de ne pas souhaiter à un tel arriéré de bénéficier du progrès. On va s’occuper de lui.
Ce progrès aura nom Lumières, et sera conquis grâce à la Révolution.
- Au commencement était la communauté
En 1590 un jurisconsulte, Guy Coquille, écrit : « avant que les proprietez des choses fussent distinctes, tout estoit public et commun. .. Les premiers Autheurs des loix qui ont réglé les peuples pour les faire vivre en paix… ont réservé au public pour demeurer en sa première nature ce qui estoit nécessaire pour tous ensemble…. Suivant ce, se peut dire que le seigneur d’un pré en prairie n’est pas seigneur de la pleine propriété, mais seulement pour s’en servir selon ce que la Coutume luy en a donné puissance et permission.
C’est ce qu’on appelle la tradition : elle fut communautaire.
Tous les villages possédaient des communaux qui leur appartenaient collectivement, comme des bois, des prés, des champs.
Le village était attaché aux biens communaux dont « L’usage en appartient à tous et la propriété à personne, parce que ces sortes de biens sont appelés choses de l’université dont l’aliénation est prohibée ».