Ce 18 mars, on a appris un certain nombre de décisions, venues d'en haut, impératives, péremptoires et détaillées. Elles étaient prises, dans un domaine de moins en moins certain, qui devrait relever du conseil raisonnable et du sens des responsabilités de chacun, mais non du décret autoritaire.
L'État central prétendait prendre des dispositions différenciées selon les régions. Or, avec les intéressés, il n'en a manifestement pas négocié les modalités. Le président de la Normandie, par exemple, a nettement protesté contre le caractère arbitraire de celles-ci. Il indiquait les avoir apprises en écoutant le Premier ministre à la télévision.
Aucune profession non plus n'a été admise à mettre en place ses propres protocoles, ce qui eût permis de ne pas ruiner un peu plus les commerces.
Le lendemain même, on commençait à comprendre qu'on se disposait à revenir en arrière, de façon ridicule, sans que personne ne sache pourquoi 10 km devenaient 30 km ni pourquoi la liste, si détaillée, sur 2 pages, des cas de dérogation, disparaît désormais.
Qui l'avait rédigée ? Qui la supprimait ? Mystère.
Trop d'attestations tuent donc bel et bien l'attestation.
Ainsi, c'est l'étatisme, c'est l'invasion administrative, c'est l'inflation bureaucratique du pays légal qui étouffent le pays réel.
Une fois de plus.
Dans la nouvelle séquence, celle du reconfinement, et une fois encore, le pouvoir d'État s'est montré au-dessous de la mission qu'il prétend s'être assigné. Il a largement échoué successivement, dans chacune des phases de son intervention et de sa gestion face à la crise sanitaire, depuis plus d'un an.
Pointons bien l'état des lieux de ces derniers jours.
L'estimable corporation des cordonniers peut pousser un soupir de soulagement : elle se trouve incluse dans les activités de première nécessité. Pas les marchands de chaussures, ni les boutiques de serruriers, auxquels lesdits cordonniers font une concurrence, déloyale comme toutes les concurrences. Ces entreprises vont se trouver désavantagées… Accessoirement ainsi, les clefs de sécurité sont de moindre urgence que les petites…
La profession, non moins honorable, des disquaires peut elle aussi dire merci à nos bureaucrates : elle n'en peinera pas moins à survivre. Mon coiffeur va pouvoir me couper les cheveux, mais les esthéticiennes, les pédicures ou les manucures devront rester à la maison. Pourquoi grand dieux ?
Personne ne semble comprendre, surtout pas les journalistes supposés nous informer et nous expliquer.
Il faut sans doute chercher la cause de ces dysfonctionnements dans le désaccord inavoué au sein d'un gouvernement constitutionnellement dirigé par le Premier ministre – chacun sachant qu'en fait il est contrôlé par l'équipe élyséenne.
Chacun comprend aussi, de plus en plus, que le petit cénacle opaque baptisé conseil de défense prévaut sur les ministres. Cette double pratique viole les principes constitutionnels : les Français ont, hélas, pris l'habitude de se moquer largement de pareilles considérations, mais nous sommes parvenus au moment de payer les conséquences de cette indifférence car elle entraîne au bout du compte l'abdication de nos libertés concrètes.
Or cet abandon des libertés constitutionnelles, cette capitulation devant l'invasion de l'Absurdistan étatiste s'accompagne, de façon très logique par le recul corrélatif de l'État dans ses tâches véritables, légitimes et nécessaires, les fonctions régaliennes de maintien de l'ordre public, de défense des frontières, d'application des lois et de représentation extérieures.
Nous ne parlerons même pas ici de l'insécurité grandissante de nos villes livrées à la racaille : vous en entendez l'écho tous les jours.
Au moment où ces lignes sont écrites c'est un autre incident de parcours, couac fâcheux de notre diplomatie, que le pouvoir nous offre l'occasion d'évoquer.
En 2017 le président français fraîchement élu s'était rendu à Athènes pour prononcer un vibrant éloge des liens entre la France et l'hellénisme fondateur des valeurs européennes.
Or, en 2021 la Grèce fêtant le bicentenaire de sa renaissance nationale de 1821, invitait solennellement les représentants des trois pays qui, en 1827, à la bataille de Navarin, avaient assuré, à l'époque de l'excellent gouvernement Villèle (1821-1828) et sous les plis du Drapeau blanc, la victoire de l'héroïque insurrection des Grecs.
L'Angleterre sera donc représentée par le prince Charles héritier de la couronne, la Russie par son premier ministre. La France devait l'être par le mari de Brigitte Macron. Eh bien, finalement non : celui-ci a fait savoir ce 19 mars que, retenu à Paris sans doute pour corriger les fautes de goût et les pataquès de ses communicants, de Castex, d'Attal et/ou d'un certain Revel, il déléguait Florence Parly pour faire le voyage.
Faut-il regretter ce genre de remplacement de dernière minute, produit du désordre, des ordres et contre-ordres de nos dirigeants ? Paradoxalement peut-être faut-il s'en réjouir. Les forces armées nationales restent encore le dernier bastion survivant du rayonnement de la France et de son rôle dans la défense de l'Europe. Mme Parly est une des rares personnes membres du gouvernement à tenir face aux menaces qui pèsent sur le flanc sud du continent, en Méditerranée orientale face aux provocations turques notamment, au Mali face à l'islamo-terrorisme, le seul langage qui tienne : celui de la fermeté et de la continuité dans l'action.
JG Malliarakis
https://www.insolent.fr/2021/03/ordre-contrordre-d%C3%A9sordre.html