Les Français de France » expatriés au Québec
Rémi Tremblay Présent cliquez ici
QUICONQUE fréquente les milieux identitaires québécois, que ce soient les conférences, les manifs, les lancements de livres ou autres événements, ne peut manquer de remarquer la présence de ceux qu’on appelle affectueusement de ce côté de l’Atlantique « les Français de France ». Au premier abord, on ne les distingue pas des militants locaux, jusqu’à ce que résonne cet accent du Vieux Continent que les années ne parviennent jamais à complètement effacer.
Mais qui sont ces Français et pourquoi ont-ils choisi le Québec ?
Ces expatriés ont des profils divers et chaque organisation en compte quelques-uns dans ses rangs ; leur présence n’est ni étonnante, ni anecdotique.
Pour découvrir qui ils sont, j’ai interrogé non seulement certains qui participent aux événements à l’occasion, mais trois qui me semblaient offrir une certaine diversité de parcours. Cédric, plus âgé, qui atterri au Québec il y a de cela 18 ans, s’intéresse à ce qui se passe dans sa terre d’adoption, mais poursuit aussi son implication dans la mère patrie, notamment avec Roland Hélie à Synthèse nationale et avec Gabriele Adinolfi et ses Lansquenets. Sébastien de Crèvecoeur, le plus connu du trio par sa participation à la webtélé Nomos, collectionne quant à lui les diplômes d’études supérieures. Le dernier, Jean Brunaldo, jeune travailleur parti de la région parisienne avec sa copine, milite dans les rangs de l’organisation identitaire Atalante. Ce sont donc trois hommes différents, et ce à tous les points de vue.
Pourtant, rapidement, on peut dresser des parallèles entre ces destins français, ce que confirment d’ailleurs les autres personnes interrogées en marge. Cédric s’est installé ici pour des raisons d’abord et avant tout pratiques ; l’accès à la propriété, une plus grande liberté, mais aussi, et c’est là un élément que tous m’ont mentionné, pour la sécurité. « Pas de racaille » au Québec, affirme-t-il. Jean, lui aussi, étouffait dans la ville d’Hidalgo et ne se voyait pas élever une famille dans un tel climat d’insécurité.
Un moindre débat d’idées
Pour Sébastien, « l’état général de la France quant à son abandon de tout ce qui la caractérisait jusque-là sur le plan civilisationnel, la déliquescence généralisée dans laquelle les Français semblent se complaire rendaient mon séjour de plus en plus difficile. En quelque sorte, j’ai quitté l’Hexagone pour mieux retrouver la France en moi dans une ancienne colonie française. »
Toutefois, les trois notent une influence américaine palpable de ce côté de l’Atlantique, mais aussi une certaine absence de débats d’idées. Jean explique qu’« on parle moins facilement de politique. Le débat, la discorde en général sont moins bien vécus. » Pour Sébastien, il est clair qu’« un Eric Zemmour serait, par exemple, inimaginable ici » de par cette « gêne » et ce « conformisme » ambiants.
Pourtant, malgré ce désaveu des Québécois pour la politique, ils ont tenu à continuer à s’impliquer, Cédric particulièrement en Europe où il retourne au moins deux mois chaque année, mais les autres sur leur terre d’adoption et ce bien que, comme l’indique Sébastien, « le mouvement soit bien plus structuré et décomplexé en France qu’au Québec ». Jean note toutefois qu’« il y a moins de concurrence et de rivalité au sein du camp nationaliste » québécois, ce qui permet certaines initiatives qui seraient improbables en France.
Une autre observation est que le mouvement identitaire est très axé sur la question de l’indépendance. Si cela peut représenter une force en donnant un objectif clair à atteindre, cela eut l’effet pervers d’occulter la question de l’immigration, quoiqu’elle commence à s’imposer d’elle-même, le Canada étant en voie de rattraper la France, comme a pu le constater Jean.
S’il ne regrette ni son déménagement ni son implication, Jean met les Français en garde : « Il faut toutefois admettre que le Canada et plus particulièrement le Québec ont tendance à être idéalisés depuis l’étranger, surtout en France. […] Les Canadiens français semblent être encore plus éloignés de leurs racines que nous. Ils viennent de traverser une ère très anticléricale : la “Révolution tranquille”, une sorte de Révolution française ou Mai 68 à la sauce nord-américaine, sans violence et sans lutte, qui s’est faite tranquillement. Cette révolution tranquille les a éloignés de leur foi et donc de leur patrimoine. » Même son de cloche chez Sébastien qui ajoute « que le Grand Remplacement est aussi avancé au Québec et au Canada qu’en France en raison du faible nombre d’habitants, alors que cela fait plus de bruit dans cette dernière que dans le premier. »
Pour ceux qui seraient tentés de traverser l’océan, Jean termine avec un conseil qu’il lance à la blague : « Fuyez Montréal, c’est réellement une île maudite. »