Commençons par le commencement : dans notre précédente chronique nous avions souligné que le Haut-Commissaire au plan, nommé en septembre 2020, avait repris, pour le compte de la Macronie une antienne vieille de plus de 50 ans.
Cette affirmation d'une double solution en effet, "avoir" plus d'enfants ou recourir à l'immigration, ne fait que reprendre celle de Michel Debré. Celui-ci de janvier 1959, jusqu'au 14 avril 1962, avait dirigé le premier gouvernement de la cinquième république. Démonétisé par son attitude lors du procès du général Salan, en mai, l'ancien comploteur renégat de l'Algérie française avait été battu en Indre-et-Loire aux élections législatives de novembre, pourtant victorieuses pour le parti gaulliste. Il ne réussit lui-même à retrouver un siège à l'Assemblée nationale qu'à la faveur d'une élection partielle dans l'île de La Réunion en 1963.
Cette année-là, il publiait son livre intitulé "Au Service de la Nation". Dans cet ouvrage il assigne, rappelait cette chronique en 2018, pour l'Hexagone un objectif démographique de 100 millions d'habitants. La natalité française n'y suffisant pas, il fallait, selon l'auteur, recourir à l'immigration. Et, à l'époque, l'un de ses disciples, un certain Chirac, maître de conférences à Sciences Po, en recommandait chaudement la lecture à ses étudiants. (1)
→(1) Lire aussi : L'Insolent du 26 octobre 2018 "L'Immigration fille d'une idéologie"
Certes, revenant sur son idée fixe, Michel Debré s'est également époumoné des années durant à exhorter à "l'aide à la famille d'au moins 3 enfants". Mais prêchant dans le vide, orateur déplorable et personnage profondément impopulaire, il se révélait incapable de convaincre quiconque. Lorsqu'il intervenait à la télévision sur ce thème il réussissait même l'exploit de faire reculer le pourcentage des personnes initialement favorables à son point de vue.
Son objectif véritable, assez clairement celui d'assurer à la France, par le nombre de ses habitants, la première place en Europe, n'a jamais pu être atteint.
Resta durablement en place l'héritage immigrationniste que devait alourdir, à partir de 1976, une série de textes de nature réglementaire décrétés au titre du regroupement familial. Un tel rassemblement des familles n'était doctrinalement conçu et pratiquement programmé que sur le territoire de l'Hexagone, cela va sans dire.
Tout cela avait été théorisé, au départ, au nom de la grandeur nationale.
Or, les récentes déclarations du Plan envisagent un nouvel objectif, ligne de mire de la même politique : sauver le modèle social français. Pour consolider nos régimes de retraites par répartition, évidemment menacés par l'allongement de l'espérance de vie, mais aussi pour combler un certain nombre de trous dans la raquette démographique, il faut déclare-t-on derechef en 2021, "accueillir des personnes d’autres pays".
D'autres pays, mais de quels pays parle-t-on ? Entre-temps en effet, de 1963 à 2021, une évolution décisive doit être prise en compte, qui change tout. Il y a encore 50 ans, on appelait "immigrés" des Européens, majoritairement de culture catholiques, des Polonais, des Flamands, des Italiens, des Espagnols, des Portugais, etc. Sur une ou deux générations l'assimilation totale de leurs enfants ne posait aucun problème particulier.
Trop souvent n'entendons-nous parler, aujourd'hui encore, de la question migratoire comme s'il s'agissait exclusivement d'un problème franco-français. "S'assimilent-ils à notre modèle social ?" "Comment vivent-ils notre rapport à la laïcité ?"etc. Une telle approche pourrait peut-être certes être considérée comme légitime et féconde, à la condition, non satisfaite, de ne pas perdre de vue la dimension plus large et plus profonde de toutes ces questions. Elles se posent à l'évidence et se résolvent, de plus en plus difficilement, ou plutôt elles demeurent bloquées d'autant que la lâcheté des pouvoirs publics y concourt.
On ne peut pas esquiver le fait que les anciens pays, dont les ressortissants venaient compenser la démographie française défaillante, connaissent exactement les mêmes problèmes de dénatalité. Les candidats à l'immigration viennent désormais du Pakistan, de l'Afrique subsaharienne, du Maghreb ou de l'Asie mineure.
Nous nous trouvons en présence d'un double mouvement résultant du repli général de la démographie européenne, et pas seulement hexagonale, confronté à un appel d'air du capitalisme financier mondial.
Les considérations planificatrices d'autrefois deviennent dès lors inadaptées, ridicules ou même clairement antinationales.
Les réfuter devient un devoir civique.
JG Malliarakis