De Renaud Dozoul dans les 4 Vérités :
Depuis plusieurs mois, la rumeur de rachat d’Europe 1 par Vincent Bolloré agite le Landerneau médiatique. Fort du succès de Cnews qui, après seulement trois ans d’existence, détrône régulièrement ses grandes sœurs BFMTV et LCI, le requin blanc breton aurait des vues sur Europe 1, dont l’audience a été divisée par 2 en 10 ans.
Si le bon sens voudrait que l’on se réjouisse d’une possibilité de redressement de la station, la préoccupation des journalistes est toute autre: la « bollorisation » des esprits. En réalité, l’homme d’affaires a fait le constat assez évident d’une uniformité idéologique du paysage audiovisuel, qui laisse de l’espace à une plus grande liberté de pensée et de ton. Mais il semble que la pluralité de l’information soit une valeur acceptable dans la seule mesure qu’elle représente la pluralité des sensibilités … de gauche.
Sans forcer le trait, si l’on écoute les journalistes français, il est naturel et heureux que France Inter soit une radio « engagée » payée par nos impôts, et il faudrait lutter contre une station privée car on n’y pense pas comme il faut !
Cette logique pose deux questions très importantes:
- À l’heure d’internet, l’existence même d’un service public de l’audiovisuel a-t-elle encore un sens ?
- Et la meilleure garantie contre les « fake news » n’est-elle pas justement la pluralité, libérée du carcan judiciaire, des différentes lois limitant la liberté d’expression, et criminalisant la parole
Car il n’est pas question de remplacer une inquisition par une autre. Il ne s’agit pas de priver de micro Sophia Aram, ou l’immense Charline Vanhoenacker, mais il serait moins pénible pour ceux qu’elles insultent de ne pas, en plus, devoir les payer. Plus généralement, il n’y a pas besoin de très bien situer la frontière des missions régaliennes de l’État pour être certain qu’il n’a aucune raison de financer, même partiellement, l’activité de journalisme. C’est même, en réalité, un enjeu démocratique.
Le système électif est une composante, évidemment centrale, de la démocratie, mais les conditions favorables au débat public en est le cadre absolument nécessaire. Comment dès lors, accepter un paysage médiatique faussé par l’argent public, et tenu par la laisse judiciaire des lois liberticides? On peut d’ailleurs, sans trop d’audace, tirer un fil entre cette situation de verrouillage idéologique, et la progression de l’abstention. L’élection qui polarisera l’année prochaine devrait être l’occasion de prendre date, et de demander une véritable remise à plat. À suivre.