Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

LA NUIT DES PRIVILÈGES.

Un ami qui sou­haite gar­der l’anonymat a com­mis ce papier sur le blog de « La dépêche fran­co­phone, pros­pec­tive sociale ».

Le 4 aout est déjà loin der­rière nous, mais le sujet méri­tait d’être évo­qué, sur­tout en ces termes, qui l’inscrivent bien dans notre actualité.(NDLR)

Tous les ans, au qua­trième jour du mois d’août, je me demande ce qui me reste comme pri­vi­lèges, sachant qu’ils seront abo­lis durant la nuit qui vient…

Depuis l’ar­ri­vée de la COVID, j’ai de moins en moins le pri­vi­lège de pou­voir me dépla­cer libre­ment, encore moins celui de sou­rire à mon pro­chain, a for­tio­ri de l’embrasser (et il s’a­git ici, exclu­si­ve­ment, et je tiens à le pré­ci­ser pour évi­ter toute confu­sion, de ma pro­chaine). Que me reste-t-il donc de si pré­cieux, que l’on pour­rait me supprimer ?

J’en­tends mur­mu­rer que je ne devrais pas me plaindre, car je jouis du pri­vi­lège de vivre dans une démo­cra­tie. Pen­sez donc, conti­nue le maître d’é­cole res­sas­sant sa leçon, à tous ces êtres humains qui doivent sup­por­ter le poids d’une dic­ta­ture. Quelle chance est la vôtre de n’a­voir pas à sup­por­ter ce joug !

N’er­go­tons pas davan­tage, cher vieux Maître ! Vous m’en impo­siez jadis, je le concède, au temps du Cours Moyen. J’é­tais le pre­mier de votre classe, et c’est en me regar­dant fixe­ment que vous com­men­ciez cha­cune de vos leçons de morale. Posez donc là votre blouse grise, reve­nez par­mi nous, et conve­nez que vous avez confon­du, comme tout le monde aujourd’­hui, démo­cra­tie et liber­té. Et lais­sons-là ces argu­ties socra­tiques de cour de récréa­tion. La mode est de moins en moins por­tée sur la démo­cra­tie. Ce qui est en tête de gon­dole de nos jours, c’est la socié­té ouverte. C’est elle qui est à la fois notre chance, notre ave­nir et notre dra­peau. Nous devons la ser­vir et la ché­rir, et repous­ser au loin les quelques rances sirènes pas­séistes de l’en­ra­ci­ne­ment et des iden­ti­tés. Brû­lons Bar­rès chaque matin, nous aurons de beaux che­veux, nous serons sains.

NB : ce fut, jadis, la réclame pour le Pétrole Hahn

Or, comme pour les lotions capil­laires, la roue de la com­mu­ni­ca­tion tourne sans com­pas­sion pour les nom­breux cadavres qu’elle laisse der­rière elle. Mon­dia­li­sa­tionsocié­té mon­dia­li­sée, sont désor­mais très néga­ti­ve­ment conno­tées. Socié­té ouverte, cela sonne mieux !

Il y avait la Grande Socié­té de Lyn­don John­son, la Nou­velle Socié­té de Jacques Cha­ban-Del­mas. La Socié­té Ouverte est plus ouverte, elle n’ap­par­tient à per­sonne en propre. Ni les gnomes de Davos, ni les tera­mil­liar­daires des GAFA, ni même Mon­sieur Soros, ne la reven­diquent pour eux ; vous pou­vez libre­ment la faire vôtre. Ne vous gênez sur­tout pas. L’en­trée est gra­tuite ; mais il ne semble pas exis­ter de sor­tie. En tous cas, je ne l’ai vu indi­quée nulle part.

Car comme tous les rac­cour­cis dont on fabrique un abso­lu, celui-ci ne manque pas de pièges. Ouverte à qui, cette socié­té, et pour quoi faire ? Comme sou­vent, des termes un peu trop pré­cis souffrent des limites qu’ils se fixent à eux-mêmes et sont sur­clas­sés par d’autres termes, plus vagues, plus nébu­leux, moins sujets à réti­cence ou à dis­cus­sion. Il me semble que l’ou­ver­ture s’est sub­sti­tuée aux idées plus « cli­vantes » de dif­fé­rence et de tolé­rance. Et là, je me sens reve­nu en pays connu.

Depuis mes pre­miers pas dans les congrès inter­na­tio­naux et autres work­shops, j’ai appris à fré­quen­ter les apôtres de l’open socie­ty, sans les majus­cules soro­siennes. Rien n’a chan­gé depuis. Ouverts à l’autre, par delà les fron­tières, les langues et les cultures, ils le sont, vis­cé­ra­le­ment. Ils sont ouverts à l’autre, mais uni­que­ment à un autre qui est leur clone. Que ce soit à Nai­ro­bi, à Stock­holm, à Val­pa­rai­so ou à Salo­nique, quand ils se retrouvent, ils parlent le même glo­bish, ils avalent la même food, ils dorment dans les mêmes hôtels, ils ont vu les mêmes films et lus les mêmes romans. Ils sont fol­le­ment tolé­rants et fol­le­ment émer­veillés de leurs dif­fé­rences ; le seul pro­blème, c’est qu’entre eux, ils ne pré­sentent aucune dif­fé­rence à tolé­rer ou à mettre en exergue. Et ils ne vous tolèrent, en fait ne vous acceptent, que si vous vous cou­lez dans leur moule. Sinon, eh bien ! c’est que vous n’êtes pas ouverts. Fran­che­ment, je ne me suis jamais si bien por­té que depuis que je n’ai plus à les fré­quen­ter. Et c’est un pri­vi­lège que je sup­plie la Pro­vi­dence de ne plus jamais m’ôter.

561454708.15.png

Source : https://www.actionfrancaise.net/

Les commentaires sont fermés.